Question de Mme NOËL Sylviane (Haute-Savoie - Les Républicains) publiée le 27/12/2018

Mme Sylviane Noël attire l'attention de Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales sur l'intérêt de faire évoluer la rédaction des dispositions de l'article L. 1531-1 du code général des collectivités territoriales (CGCT) relatives aux sociétés publiques locales (SPL).

En sa forme actuelle, l'article L. 1531-1 alinéa 1 du CGCT autorise les collectivités territoriales à créer des SPL. Cet article dispose ainsi que : « Les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent créer, dans le cadre des compétences qui leur sont attribuées par la loi, des sociétés publiques locales dont ils détiennent la totalité du capital. »

Ainsi, les SPL ont été conçues comme de nouveaux outils mis à disposition des collectivités territoriales leur permettant de recourir à une société commerciale qui intervient pour le compte de ses seuls actionnaires (circulaire n° COT/B11/08052/C).

Or, bien que le texte même du CGCT ne l'exige pas, plusieurs cours administratives d'appel ont cependant considéré que les actionnaires de la SPL devaient disposer de l'intégralité des compétences de la société. En d'autres termes, des communes ne pourraient pas être actionnaires d'une SPL (ou d'une société d'économie mixte - SEM) créée par un établissement public de coopération intercommunal (EPCI), ou un département. La création de SPL ou de SEM entre niveaux territoriaux différents serait ainsi proscrite par une telle interprétation. Le Conseil d'État a confirmé cette interprétation praeter legem qui interdit à des collectivités d'échelon différent de créer une SPL, allant ainsi à l'encontre de l'esprit de la loi.

Pourtant, depuis la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, la compétence « promotion du tourisme » est exercée de plein droit par les EPCI, laissant aux communes le droit d'exercer les autres compétences touristiques (animation, gestion d'équipements touristiques tels que les remontées mécaniques) et même le pouvoir de conserver la perception de la taxe de séjour, preuve s'il en est de ce partage de compétences entre l'échelon intercommunal et communal (outre la compétence des départements et des régions).

De même, il est important de conserver à l'esprit que les principes qui s'appliquent à la création de la SPL (ou d'une SEM) sont le principe de libre administration des collectivités territoriales et le principe de liberté statutaire de société anonyme.

La volonté initiale du législateur était clairement de faire de la SPL un nouvel outil de gouvernance apportant des conditions favorables à l'organisation des interrelations entre plusieurs collectivités.

Enfin, le Gouvernement a récemment affiché son soutien au modèle des entreprises publiques locales (EPL) à l'occasion du congrès des EPL qui s'est tenu le 6 décembre 2018 à Rennes. Durant ce congrès, le ministre chargé de la ville et du logement a rappelé que ce sujet serait examiné avec une précaution majeure, qui est de ne pas mettre à mal un modèle issu d'acteurs dont on a un grand besoin pour réussir les politiques publiques.

Elle souhaiterait donc savoir si, au vu des principes énoncés précédemment, et en raison de l'interprétation extensive et excessive des dispositions retenue par le Conseil d'État, le Gouvernement pourrait envisager une modification de l'article L. 1531-1 alinéa 1 du CGCT qui viendrait expressément préciser la possibilité pour une commune de participer à une SPL à qui est confiée l'exercice d'une des compétences qu'elle exerce.

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Réponse du Ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales publiée le 05/09/2019

En vertu des dispositions du code général des collectivités territoriales (CGCT) relatives aux entreprises publiques locales (EPL), il est constant qu'une collectivité territoriale, ou un groupement de collectivités territoriales, n'a pas le droit de faire via une société publique locale (SPL), ou une société d'économie mixte locale (SEML), ce qu'elle n'a pas le droit de faire elle-même. Ainsi, l'article L. 1521-1 du CGCT, relatif aux SEML, dispose que « Les communes, les départements, les régions et leurs groupements peuvent, dans le cadre des compétences qui leur sont reconnues par la loi, créer des sociétés d'économie mixte locales (…). » Cette rédaction était déjà celle de l'article 1er de la loi n° 83-597 du 7 juillet 1983 relative aux sociétés d'économie mixte locales, qui a institué le régime juridique actuel de ces sociétés dans le contexte de la décentralisation. Des dispositions similaires existent pour les SPL. Dans sa décision du 14 novembre 2018 [1], le Conseil d'État avait tranché le cas des sociétés à objet « mixte », dont les missions relèvent pour partie seulement de la compétence de la collectivité. Jusqu'à présent, les décisions des cours administratives d'appel se partageaient entre deux interprétations : - selon la plus stricte, la collectivité ne pouvait participer à une SPL que si elle détenait la totalité des compétences correspondant aux missions de la société [2] ; - selon une lecture plus ouverte, la collectivité ne pouvait participer à une SPL que si la part prépondérante des missions de la société n'outrepassait pas son domaine de compétence [3]. C'est à la suite d'un pourvoi formé à l'encontre de cette dernière interprétation que le Conseil d'État retenait la lecture selon laquelle toutes les missions de la société devaient relever des compétences de la collectivité territoriale ou du groupement actionnaire. Cette décision concernait en l'espèce une SPL, mais elle était transposable aux autres EPL. C'est sur cette interprétation que la loi n° 2019-463 du 17 mai 2019 tendant à sécuriser l'actionnariat des entreprises publiques locales a entendu revenir. En vertu de cette loi, une collectivité territoriale ou un groupement peut participer au capital d'une SEML ou d'une SPL dès lors qu'il détient au moins l'une des compétences correspondant aux missions, et donc à l'objet social, de la société. Les sociétés existantes s'en trouvent par ailleurs sécurisées. Consciente de l'inquiétude que la décision du 14 novembre 2018 a suscité dans le secteur des entreprises publiques locales, la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales a soutenu cette initiative parlementaire permettant de sécuriser les EPL existantes et d'assouplir rapidement l'état du droit. 1] CE, 14 novembre 2018, syndicat mixte pour l'aménagement et le développement des Combrailles, n° 405628. [2] CAA de Nantes, 19 septembre 2014, syndicat intercommunal de la Baie, n° 13N01683. [3] CAA de Lyon, 4 octobre 2016, SEMERAP, n° 14LY02753.

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