Question de Mme JOURDA Gisèle (Aude - SOCR) publiée le 07/02/2019

Mme Gisèle Jourda interroge Mme la ministre du travail sur la suppression des équivalences d'emploi réalisées par les contrats de sous-traitance avec les établissements de soutien et d'aide par le travail (ESAT) et les entreprises adaptées (EA) dans le calcul du taux direct d'emploi.
La loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel est venue réformer l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés (OETH). Si l'objectif affiché est la promotion de l'entreprise inclusive et l'emploi pérenne des personnes en situation de handicap, il apparaît clairement que le moyen proposé par cette loi pour y parvenir pose problème : supprimer les équivalences d'emploi réalisées par les contrats de sous-traitance avec les ESAT et les EA dans le calcul du taux direct d'emploi.
En effet, au 8° de son article 67, la loi dispose que les employeurs qui ne rempliront pas leur obligation d'emploi direct verseront une contribution dont le montant sera fixé par décret, pour chacun des bénéficiaires de l'obligation qu'il aurait dû employer. Le 1° du 12° du même article précise qu'une partie des contrats de sous-traitance avec les ESAT et les EA pourra venir en déduction du versement de la contribution annuelle dans des modalités et limites qui seront définies par décret.
Opposer emploi direct des travailleurs handicapés et contrat de sous-traitance avec les ESAT et EA revient à pointer ces mêmes ESAT et EA comme responsables en partie de la non-inclusion dans l'emploi des personnes en situation de handicap.
Opposer emploi accompagné et emploi protégé n'a pas davantage de sens. Ce sont deux modalités de soutien des travailleurs handicapés nécessaires pour que chacun puisse accéder et rester dans l'emploi selon ses besoins spécifiques.
Ainsi la loi, en opposant travail protégé et travail accompagné, en opposant ESAT et entreprise inclusive, méconnaît les besoins spécifiques des travailleurs les plus fragiles, en particulier les personnes avec une déficience intellectuelle, qui ne trouveront pas leur place dans l'entreprise ordinaire et qui de fait seront écartées de l'emploi, comme c'est le cas dans les pays européens qui ne disposent pas de dispositif de travail protégé.
Cette loi méconnaît également le travail spécifique de l'ESAT. L'emploi direct des personnes en situation de handicap ne s'adresse pas à tous les travailleurs handicapés et n'est pas le seul dispositif d'inclusion professionnel. En effet, depuis plus de soixante ans, les ESAT garantissent aux travailleurs handicapés un emploi pérenne et inclusif. L'inclusion des travailleurs d'ESAT est à l'œuvre quand ils exercent leur mission au domicile du client, dans des entreprises, dans des administrations et espaces publics. L'inclusion est également en œuvre pour les travailleurs moins qualifiés qui exercent des tâches de sous-traitance pour les entreprises.
Les activités professionnelles concernées par ces contrats de sous-traitance s'adressent souvent à des personnes en situation de handicap dont le rythme et le rendement sont bien inférieurs aux exigences du travail en milieu ordinaire. Or, cette activité de sous-traitance inscrit le travail de ces personnes dans une chaîne économique. Ils participent ainsi à la production de biens commercialisés par des entreprises ordinaires, ce qui est une forme d'inclusion et de valorisation.
Elle lui demande par conséquent de revenir sur ces dispositifs et de reconnaître les équivalents emplois réalisés par les contrats de sous-traitance avec les ESAT et les EA dans le calcul du taux d'emploi direct. À défaut elle lui demande de prendre des décrets d'application qui prévoient que les mêmes contrats puissent être sans plafond déduits de la contribution OETH.

- page 665


Réponse du Ministère du travail publiée le 14/02/2019

La loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 « pour la liberté de choisir son avenir professionnel » réforme l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés. Elle intervient trente ans après la création de cette obligation pour les entreprises par la loi n° 87-517 du 10 juillet 1987 en faveur de l'emploi des travailleurs handicapés. Le taux d'emploi direct dans le secteur privé est de 3,4 %, pour une cible à 6 %, et il ne progresse que de 0,1 % par an. Si cette réforme vise à augmenter le taux d'emploi des travailleurs handicapés en entreprise, elle n'a pas pour objectif d'opposer emploi direct et emploi indirect car les achats de biens et services auprès des entreprises adaptées, des établissements spécialisés d'aide par le travail et des travailleurs indépendants handicapés (contrats de sous-traitance) restent valorisés. La loi du 5 septembre 2018 change seulement les modalités de prise en compte de ces achats. Les modalités actuelles d'acquittement des contrats de sous-traitance sont remplacées par une nouvelle valorisation. Les contrats de sous-traitance seront toujours pris en compte mais sous forme de déduction à la contribution des entreprises. Lors de la phase de concertation avec les partenaires sociaux et les représentants des associations, l'État s'est engagé à ce que ce nouveau mode de valorisation s'inscrive dans un principe de neutralité afin de garantir un effet incitatif de la sous-traitance pour les entreprises. Les modalités de calcul seront définies par décret avec un objectif de neutralité financière par rapport à aujourd'hui. Les activités des établissements d'aide par le travail (ESAT), des entreprises adaptées (EA) et des travailleurs indépendants en situation de handicap (TIH) ne seront donc pas impactées par ce nouveau mode de calcul. Le Gouvernement soutient pleinement le rôle joué par les entreprises adaptées et les établissements et service d'aide par le travail (ESAT) dans l'insertion des travailleurs handicapés. Dans ce cadre, Muriel Pénicaud, ministre du Travail et Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre chargée des Personnes handicapées, ont signé un engagement national avec l'Union nationale des entreprises adaptées (UNEA), APF handicap et l'Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales, et de leurs amis (UNAPEI). Les signataires se sont engagés à créer 40 000 emplois supplémentaires en entreprises adaptées pour les personnes en situation de handicap d'ici 2022. A cet effet, l'Etat s'est engagé à accompagner cet objectif par un effort budgétaire. Les différentes aides publiques seront portées à 500 millions d'euros par an d'ici 2022. Parallèlement, le Gouvernement a prévu différentes mesures pour accompagner les entreprises dans cette réforme de l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés. Tout d'abord, la loi valorise toutes les formes d'emploi des travailleurs handicapés (stages, période de mise en situation professionnelle, intérim). Ces formes d'emploi pourront être comptabilisées dans le taux d'emploi direct des entreprises. Par ailleurs, le Gouvernement a lancé en juillet 2018 une concertation visant à rénover et mettre en cohérence l'offre de services aux entreprises au bénéfice de l'emploi des travailleurs en situation de handicap.

- page 876

Page mise à jour le