Question de Mme LOPEZ Vivette (Gard - Les Républicains) publiée le 14/02/2019
Mme Vivette Lopez attire l'attention de M. le secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé sur certains dysfonctionnements observés au sein du service public de l'aide sociale à l'enfance (ASE).
Un documentaire diffusé en janvier 2019 et intitulé « enfants placés, les sacrifiés de la République » a ainsi ému nombre de nos compatriotes sur la situation de certains enfants placés. S'il convient de ne pas généraliser ces phénomènes, de louer le grand professionnalisme de l'immense majorité des travailleurs sociaux et de rappeler que la justice et l'aide sociale à l'enfance sauvent de nombreuses vies, il n'en demeure pas moins que le sort réservé, dans certains de ces établissements, à ces enfants déjà malmenés par la vie n'est pas tolérable.
De nombreux professionnels du secteur pointent de surcroît des dysfonctionnements sur l'ensemble du dispositif d'aide à l'enfance : fermeture de centres par souci d'économie, situations fréquentes de sous-effectif qui entraînent une désocialisation des enfants du fait de l'absence d'une personnalisation de leur suivi, manque chronique de psychologues... Par ailleurs, 40 % des sans domicile fixe de moins de 25 ans sont d'anciens enfants placés et 70 % sortent sans diplôme de l'aide sociale à l'enfance. Tous ces états de fait démontrent l'urgence à réformer notre dispositif.
Face à cette situation reconnue par tous et à l'impatience de l'ensemble des partenaires de la protection de l'enfance, un grand plan national vient d'être dévoilé ; le Gouvernement entend ainsi mettre l'accent sur la prévention, rendre plus attractif, face à la baisse du nombre de familles d'accueil, ce mode de prise en charge, engager une réflexion sur la question de l'adoption simple dans les familles d'accueil. En revanche, rien de précis n'a été annoncé pour aider les jeunes qui, à 18 ans, subissent une sortie sèche des services de protection de l'enfance. Or, aujourd'hui, les disparités sont criantes : selon un rapport du conseil économique, social et environnemental (CESE) de juin 2018, le taux de prise en charge des jeunes de 18 à 21 ans varie de 9 % à 21 % selon les départements.
Notre pays ne peut pourtant pas se résoudre à abandonner certains de ses enfants. Il en va d'abord de son devoir à protéger les enfants en danger, abandonnés ou maltraités par leurs parents. Ne pas investir dans le soin de ces victimes, ce serait prendre le risque qu'elles deviennent à leur tour des vecteurs de violence.
Elle lui demande ainsi les dispositions nécessaires que le Gouvernement entend prendre en la matière et les moyens qui vont être alloués.
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Transmise au Secrétariat d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l'enfance et des familles
Réponse du Secrétariat d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l'enfance et des familles publiée le 08/04/2021
Si les situations évoquées dans les médias ne sont pas acceptables, elles ne reflètent pas, pour autant, la réalité du travail accompli par la grande majorité des établissements et familles d'accueil. L'immense majorité des professionnels de l'aide sociale à l'enfance sont de bons professionnels, mobilisés et investis au quotidien, auprès des enfants qu'ils accompagnent. Il faut donc en premier lieu saluer cet engagement. La protection de l'enfance est une compétence confiée aux conseils départementaux depuis les lois de décentralisation. En application du principe constitutionnel de libre administration des collectivités locales, il revient aux conseils départementaux d'organiser librement la réponse territoriale la plus optimale pour assurer les missions qui leur sont confiées. L'État conserve, pour sa part, des responsabilités essentielles en matière, notamment, d'édiction des normes, de contrôle, d'évaluation et de régulation, ainsi que d'accompagnement des conseils départementaux dans la mise en uvre de ces politiques. L'État est aussi bien sûr garant des politiques de santé publique, d'éducation, et de justice, qui concernent un grand nombre d'enfants de l'ASE. Dans la continuité de la loi du 14 mars 2016 relative à la protection de l'enfant et de ses décrets d'application, le Gouvernement est tout particulièrement mobilisé sur la question de l'effectivité des droits pour tous les enfants protégés et de l'égalité de traitement sur tout le territoire. Dans cette optique, la Stratégie nationale de prévention et de protection de l'enfance présentée le 14 octobre 2019 identifie quatre engagements au bénéfice des enfants et de leurs familles : agir le plus précocement possible pour répondre aux besoins des enfants et de leurs familles ; sécuriser les parcours des enfants protégés et prévenir les ruptures ; donner aux enfants les moyens d'agir et garantir leurs droits ; préparer leur avenir et sécuriser leur vie d'adulte. La mise en uvre d'une partie des mesures annoncées repose sur une contractualisation ambitieuse entre l'État et les conseils départementaux. Cette démarche concerne à ce stade 70 départements, avec des moyens supplémentaires mobilisés sur le budget de l'État et de la Sécurité sociale. Le conseil départemental du Gard a été l'un des premiers à s'y engager, bénéficiant ainsi de près de 2,5 M de cofinancements de la part de l'État et de la sécurité sociale au titre de 2020. La contractualisation devrait être étendue d'ici 2022 à l'ensemble des départements français. Afin d'améliorer la coordination entre les acteurs et de favoriser la convergence vers les meilleurs pratiques, la Stratégie nationale de prévention et de protection de l'enfance doit être complétée par une réforme de la gouvernance de cette politique. Ainsi, la création d'un nouvel organisme compétent au niveau national dans le champ de la protection de l'enfance, de l'adoption et de l'accès aux origines personnelles est envisagée, par rapprochement des instances existantes. Le Gouvernement et le Parlement y travaillent, pour une entrée en vigueur dans l'idéal d'ici le 1er janvier 2022. Parallèlement, dans le cadre de la Stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté, afin d'appuyer les départements dans l'accompagnement qu'ils proposent aux jeunes majeurs sortant de l'aide sociale à l'enfance, le Gouvernement propose de les soutenir financièrement, mais également de renforcer la mobilisation des acteurs du droit commun pour mieux accompagner les jeunes dans leurs projets. Ainsi, l'État consacre 12 M par an sur la période 2019-2022 pour accompagner les conseils départementaux dans la mise en uvre de cette mesure qui concerne l'ensemble des jeunes qui leur sont confiés. Les modalités de mise en uvre de cette mesure, c'est-à-dire le socle de garanties qui doivent être apportées aux jeunes, inclut la mobilisation des dispositifs dits « de droit commun », tels l'accès aux droits, notamment, en matière de santé, de bourses et de logements étudiants. Enfin, pour tenir compte de l'impact de la crise sanitaire et de ses conséquences durables pour les personnes les plus vulnérables, l'article 18 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 a demandé aux conseils départementaux de ne pas mettre fin aux prises en charges au titre de l'aide sociale à l'enfance pendant toute la durée de l'état d'urgence sanitaire. Dans la continuité de ces dispositions, la loi n° 2020-935 du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020 mobilise 50 M sur le budget de l'État pour soutenir l'effort des conseils départementaux en faveur de l'accompagnement des jeunes majeurs sortant de l'aide sociale à l'enfance, dont les anciens mineurs non accompagnés. Ces moyens viennent en complément de ceux déjà mobilisés au titre de la Stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté précédemment mentionnée.
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