Question de M. VAUGRENARD Yannick (Loire-Atlantique - SOCR) publiée le 21/03/2019
M. Yannick Vaugrenard attire l'attention de Mme la ministre des solidarités et de la santé sur la phagothérapie.
La phagothérapie a été inventée à Paris il y a cent ans. Elle consiste en l'utilisation de phages pour le traitement d'infections bactériennes.
Elle a cependant aujourd'hui quasiment disparu en France en raison de l'avènement des antibiotiques, jugés plus pratiques et plus efficaces. Pourtant, dès que l'usage des antibiotiques s'est répandu dans les années 1960 à 1980, les praticiens et les chercheurs ont constaté que les bactéries ont la capacité à se transformer de manière à pouvoir survivre à l'assaut d'un ou de plusieurs antibiotiques.
Avec 125 000 infections par an et 5 500 décès, la France est le sixième pays européen le plus affecté après l'Italie, la Grèce, la Roumanie, le Portugal et Chypre.
Si rien n'est entrepris au niveau mondial, ce phénomène risque d'entraîner la mort de 10 millions de personnes en 2050.
Aujourd'hui, des patients se retrouvent donc en impasse thérapeutique suite à des infections résistantes et vont se faire soigner en Géorgie ou en Russie. Ce sont évidemment les personnes les plus aisées qui peuvent aller se faire soigner à l'étranger, alors que les autres meurent ou subissent des amputations. Ceci n'est pas acceptable.
La phagothérapie peut être utilisée pour de nombreuses pathologies : infections urinaires, staphylocoques dorés, maladies nosocomiales, infections respiratoires, ostéo-articulaires, gynécologiques...
Un premier comité scientifique spécialisé temporaire (CSST) « phagothérapie » avait déjà été réuni à l'agence nationale de sécurité des médicaments et des produits de santé (ANSM) en mars 2016. Il avait permis de faire un état des lieux sur des situations en impasse thérapeutique et de définir un cadre de mise à disposition précoce des bactériophages pour des utilisations compassionnelles, c'est-à-dire pour une médecine personnalisée. Mais celle-ci était beaucoup trop restrictive.
Depuis 2016, la situation a largement évolué : plusieurs mises à disposition de bactériophages ont eu lieu à titre compassionnel et de nouveaux essais cliniques sont susceptibles d'être réalisés en France courant 2019.
En novembre 2018, le Gouvernement a annoncé le lancement d'un programme prioritaire de recherche de 40 millions d'euros pour lutter contre la résistance aux antibiotiques et en février 2019, l'ANSM a annoncé la création d'un nouveau CSST « phagothérapie retour d'expérience et perspectives ». Si ces initiatives vont dans le bon sens, des inquiétudes demeurent quant à la conclusion de ces travaux.
Il lui demande donc de bien vouloir préciser le carnet de route du CSST, qui devrait inclure la possibilité de développer la culture locale des phages et permettre à chaque Français, quels que soient ses moyens, de pouvoir utiliser cette thérapie.
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Réponse du Secrétariat d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé publiée le 15/05/2019
Réponse apportée en séance publique le 14/05/2019
M. Yannick Vaugrenard. La phagothérapie a été découverte à Paris voilà cent ans. Elle consiste en l'utilisation, pour le traitement d'infections bactériennes, de phages ou bactériophages, des virus capables d'infecter et de tuer les bactéries multirésistantes. Elle a aujourd'hui quasiment disparu en France en raison de l'avènement des antibiotiques, jugés plus pratiques et plus efficaces. Cependant, dès que l'usage des antibiotiques s'est répandu entre les années 1960 et 1980, les praticiens et les chercheurs ont constaté que les bactéries avaient la capacité à se transformer pour survivre à l'assaut d'un ou de plusieurs antibiotiques. Conséquence de ce phénomène, la France, avec 125 000 infections par an et 5 500 décès, est le sixième pays européen le plus affecté après l'Italie, la Grèce, la Roumanie, le Portugal et Chypre.
Aujourd'hui, des patients se retrouvent donc en impasse thérapeutique en raison d'infections particulièrement résistantes. Or la phagothérapie peut être utilisée pour de nombreuses pathologies, telles que les infections urinaires, les staphylocoques dorés, les maladies nosocomiales ou les infections respiratoires.
En novembre 2018, la ministre des solidarités et de la santé avait annoncé le lancement d'un programme prioritaire de recherche de 40 millions d'euros pour lutter contre la résistance aux antibiotiques. En février dernier, l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé annonçait la création d'un nouveau comité scientifique spécialisé temporaire CSST pour la phagothérapie. Cependant, des interrogations demeurent quant à la conclusion de ces travaux. Pourriez-vous me préciser, madame la secrétaire d'État, le carnet de route du CSST, qui devrait inclure la possibilité de développer la culture locale des phages et permettre à chaque Français, et ce quels que soient ses moyens, d'utiliser cette thérapie ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Vous avez raison, monsieur le sénateur, dans un contexte où la résistance des bactéries aux antibiotiques est un problème aigu et représente une menace croissante mondiale de santé publique, la phagothérapie peut être une solution à des situations d'impasse thérapeutique lorsque le traitement n'est pas urgent. Toutefois, il n'existe pas, actuellement, d'autorisation de mise sur le marché pour des bactériophages, notamment par manque de données cliniques.
Depuis 2016, près d'une quinzaine de patients en France ont bénéficié d'administration compassionnelle de bactériophages par les pharmacies à usage interne des établissements de santé. Ces utilisations ont été rendues possibles grâce à l'accompagnement personnalisé de l'ANSM pour chacun de ces cas.
En ce qui concerne la recherche clinique, une équipe française de l'hôpital Percy, avec le financement de la Commission européenne, est la première au monde à avoir évalué l'efficacité de bactériophages. Toutefois, les données sur l'efficacité des bactériophages restent à produire et il apparaît nécessaire d'organiser et de sécuriser le circuit de recherche et de production de cette stratégie thérapeutique.
En 2016, l'ANSM a mis en place un comité scientifique spécialisé temporaire « phagothérapie ». Parallèlement, plusieurs bactériophages ont été mis à disposition à titre compassionnel. Par ailleurs, après l'essai clinique Phagoburn, deux programmes hospitaliers de recherche clinique avec essais cliniques multicentriques vont être réalisés en France prochainement. Ils seront très utiles pour apporter des éléments probants d'efficacité de la phagothérapie, basés sur des études à haut niveau de preuve, qui manquent à ce jour.
Le programme prioritaire de recherche sur l'antibiorésistance, annoncé à la fin de 2018, permettra également de financer des études de recherche sur le sujet.
Enfin, de nouvelles préparations de bactériophages anti-pseudomonas et anti-staphylococcus devraient être mises à disposition par le biais d'autorisations temporaires d'utilisation nominatives, ou ATU, également courant 2019.
L'ANSM a jugé nécessaire de mettre en place un nouveau CSST pour échanger sur l'expérience clinique des équipes hospitalières ayant pratiqué l'usage de phages en traitement compassionnel depuis 2016 et pour évoquer les perspectives d'essais cliniques et d'ATU.
Il apparaît d'ores et déjà essentiel de mettre en place un réseau de recherche et d'expertise ainsi que de production répondant aux bonnes pratiques de fabrication afin de permettre une collaboration européenne et internationale sur ce défi de santé.
Dans l'attente des conclusions définitives du CSST, qui s'est déroulé le 21 mars 2019, je peux vous assurer que la France continuera de se montrer porteuse dans la recherche de pointe au bénéfice des patients tout en garantissant leur sécurité.
M. le président. Madame la secrétaire d'État, vous veillerez s'il vous plaît, dans vos prochaines réponses, à respecter le temps de parole qui vous est imparti.
La parole est à M. Yannick Vaugrenard, pour la réplique.
M. Yannick Vaugrenard. Madame la secrétaire d'État, je vous remercie de votre réponse, très argumentée et précise. Je souhaite véritablement un développement de la recherche dans ce domaine. Le fait que l'Europe apporte une aide financière est un élément positif. Aujourd'hui, faute de pouvoir se faire soigner en France, des malades se rendent en Géorgie ou en Russie, ce qui implique certains moyens financiers.
Affiner la recherche pour faire pièce à la résistance aux antibiotiques permettra d'assurer l'égalité de traitement.
J'ajoute que je souhaiterais être destinataire des conclusions définitives du CSST.
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