Question de Mme ESTROSI SASSONE Dominique (Alpes-Maritimes - Les Républicains) publiée le 18/04/2019

Mme Dominique Estrosi Sassone attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse sur la place de l'enseignement des langues régionales avec la réforme du baccalauréat.
Actuellement, la langue régionale est de coefficient 2 lors du passage de l'examen du baccalauréat mais la réforme qui sera mise en œuvre en 2021 bascule les langues régionales dans une notation en contrôle continu.

Avec cette réforme, l'enseignement des langues régionales court donc plusieurs dangers à commencer par le désintérêt des élèves qui risquent de se détourner d'une matière qui n'ouvre plus à une possibilité de points.

Si la réforme du baccalauréat permet en théorie de choisir pour spécialité n'importe quelle discipline, donc une langue régionale, certains professeurs s'inquiètent néanmoins car en pratique peu de lycées prendront la décision de définir une langue régionale comme spécialité et préféreront conserver les matières classiques ouvrant aux cursus généraux de l'enseignement supérieur.

Cette crainte est très forte dans les Alpes-Maritimes où les élus, les professeurs et les familles ne veulent pas que l'apprentissage du niçois ou du provençal disparaisse des enseignements régulièrement suivis. Bien sûr, pour les élèves dont l'établissement ne proposerait plus l'enseignement de langues régionales, il pourrait être proposé un enseignement par le centre national d'enseignement à distance mais il s'agirait d'une rupture avec l'apprentissage habituel d'une langue qui doit être interactif et non isolé.

De plus, en restaurant le prestige des langues anciennes qui seront dotées d'un coefficient 3, la question de la concurrence entre les options est posée puisque toutes ces langues dans leur ensemble représentent des vecteurs culturels, intellectuels ainsi que des symboles de nos racines et peuvent donc être inscrites au même plan.

En outre, avec cette réforme des langues régionales, l'offre pédagogique locale sera profondément bouleversée puisque dans certaines communes comme à Nice, il existe une école bilingue nissart-français depuis 2013 dont la pérennité sera inévitablement remise en cause lorsque les parents réaliseront que les efforts de leurs enfants ne seront plus récompensés le jour des résultats du baccalauréat.

Enfin, les professeurs des langues régionales sont inquiets pour leurs postes puisque les effectifs devraient se réduire dans le temps avec des grilles horaires restreintes. La question de leur avenir professionnel et matériel est donc posée.

Elle lui demande s'il compte retoucher la réforme du baccalauréat en faveur des langues régionales alors que dans certains territoires l'attache à la langue locale est très forte et reflète l'expression d'un patrimoine commun, d'une identité, de racines historiques et de traditions.

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Réponse du Secrétariat d'État auprès du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse publiée le 05/06/2019

Réponse apportée en séance publique le 04/06/2019

Mme Dominique Estrosi Sassone. Monsieur le secrétaire d'État, ma question porte sur la place de l'enseignement des langues régionales dans la réforme du baccalauréat.

Actuellement, une langue régionale vaut coefficient 2 lors du passage de l'examen du baccalauréat, mais la réforme qui sera mise en œuvre en 2021 bascule les langues régionales dans une notation en contrôle continu.

Avec cette réforme, l'enseignement des langues régionales court plusieurs dangers, à commencer par le désintérêt des élèves, qui risquent de se détourner d'une matière n'ouvrant plus une « possibilité de points ».

De plus, si la réforme permet en théorie de choisir pour spécialité n'importe quelle discipline, donc une langue régionale, certains professeurs s'inquiètent, car en pratique peu de lycées prendront la décision de définir une langue régionale comme spécialité et préféreront conserver les matières classiques ouvrant aux cursus généraux de l'enseignement supérieur et aux concours.

Avec la restauration du prestige des langues anciennes, qui seront dotées d'un coefficient 3, la question de la concurrence entre les options est directement posée puisque toutes ces langues représentent des vecteurs culturels.

L'offre pédagogique locale sera de fait profondément bouleversée. À Nice, par exemple, il existe une école bilingue nissart-français depuis 2013, dont la pérennité sera inévitablement remise en cause lorsque les parents réaliseront que les efforts de leurs enfants ne seront plus récompensés au baccalauréat.

Monsieur le secrétaire d'État, comptez-vous retoucher la réforme du baccalauréat en faveur de l'enseignement des langues régionales, alors que dans certains territoires l'attache à la langue locale est particulièrement forte et reflète aussi l'expression d'un patrimoine commun, de traditions, de racines historiques, d'un héritage ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Gabriel Attal, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse. Comme vous l'avez indiqué, madame la sénatrice Estrosi Sassone, il existe dans de nombreux territoires un attachement aux langues régionales. Cet attachement, d'ordre culturel, est tel qu'il dépasse la question de la valorisation en points pour les résultats du baccalauréat.

Pour autant, nous avons tenu à ce que, dans la réforme du baccalauréat, la place des langues régionales soit non seulement confortée, mais aussi davantage valorisée.

Je rappelle que la réforme du baccalauréat et du lycée a fait l'objet d'une concertation avec des responsables d'associations œuvrant dans le domaine des langues régionales, ainsi que des représentants de la Fédération pour les langues régionales dans l'enseignement public.

L'arrêté du 22 février 2019 permet de choisir une langue vivante régionale comme enseignement de spécialité, au même titre qu'une langue vivante étrangère. C'est possible dès lors que l'élève suit par ailleurs un enseignement dans cette langue régionale en langue vivante A, B ou C. Elle bénéficie à ce titre d'un enseignement à hauteur de 4 heures en première, puis de 6 heures en terminale. Elle est évaluée dans le baccalauréat pour un coefficient 16 sur un coefficient total de 100.

Cela correspond à un réel progrès par rapport à la situation actuelle, dans laquelle la langue vivante régionale approfondie ne peut être choisie que par une minorité d'élèves, ceux de la série littéraire, dite série L.

Par ailleurs, pour le baccalauréat général, il est toujours possible pour le candidat de choisir une langue vivante régionale en tant qu'enseignement commun, au titre de la langue vivante B, et également en tant qu'enseignement optionnel, au titre de la langue vivante C.

S'agissant de la voie technologique, dans toutes les séries, le choix d'une langue vivante régionale demeure possible au titre de la langue vivante B dans les enseignements communs.

Pour l'enseignement optionnel de la voie technologique, le choix d'une langue vivante régionale est toujours proposé dans la série « Sciences et technologies de l'hôtellerie et de la restauration », en raison de l'intérêt évident que comporte un tel enseignement pour des élèves se destinant à des carrières où l'accueil et le contact avec le public sont primordiaux.

La réforme du baccalauréat conforte le poids des langues régionales dans l'examen. La langue vivante régionale choisie au titre de la langue vivante B constitue l'un des six enseignements communs ayant exactement le même poids dans l'examen, c'est-à-dire que tous ces enseignements comptent dans leur ensemble à hauteur de 30 % dans la note finale et, en y incluant les notes de bulletin, la note de langue régionale compte pour environ 6 % de la note finale.

S'agissant de la langue vivante régionale choisie au titre d'enseignement optionnel comme langue vivante C, tous les enseignements optionnels ont exactement le même poids et les notes de bulletins de tous les enseignements comptent dans leur ensemble à hauteur de 10 % de la note finale de l'examen.

La valorisation des langues vivantes régionales peut enfin s'opérer grâce à l'accent mis par la réforme sur l'enseignement des disciplines non linguistiques en langue vivante, notamment régionale.

L'arrêté du 20 décembre 2018 prévoit ainsi que, hors des sections européennes ou de langue orientale, les disciplines autres que linguistiques peuvent être dispensées en partie en langue vivante, donc en langue régionale, conformément aux horaires et aux programmes en vigueur dans les classes considérées. Par exemple, sur 3 heures d'histoire-géographie, une heure peut être dispensée en langue vivante régionale.

Madame la sénatrice, ces nouvelles dispositions contribuent toutes à valoriser l'apprentissage des langues vivantes régionales pour les élèves des lycées généraux et technologiques. C'est l'objectif politique que nous nous sommes fixé. Nous sommes évidemment prêts à examiner les problématiques locales et étudier la situation d'écoles ou de lycées que vous souhaiteriez porter à notre attention.

Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, pour la réplique.

Mme Dominique Estrosi Sassone. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'État, de ces éléments de réponse. Aujourd'hui, les professeurs de langues régionales ne sont pas vraiment rassurés par le dispositif que le Gouvernement a prévu de mettre en place au niveau de cet enseignement. Ces langues, d'après nous, n'en sortiront ni renforcées ni revalorisées. Comme vous le savez, il y a moins de possibilités et le choix de l'option facultative est nettement défavorisé.

Ce qui a été possible pour les langues anciennes, dont l'enseignement était aussi menacé, doit également être possible pour les langues régionales. Celles-ci, comme je l'ai rappelé dans ma question, constituent de véritables vecteurs culturels : ce sont des langues de patrimoine, d'héritage, de culture et de tradition.

Je reviendrai vers vous car la Fédération des enseignants de langue et culture d'oc de l'éducation nationale a établi un argumentaire ne laissant aucun doute sur l'inquiétude que suscite, parmi eux, votre réforme du baccalauréat et de l'enseignement des langues régionales.

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