Question de M. MARCHAND Frédéric (Nord - LaREM) publiée le 23/05/2019
M. Frédéric Marchand attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur la gestion des prairies et le retournement des terres à Anor et dans la Sambre-Avesnois.
Le maintien des prairies permanentes est un enjeu important pour l'agriculture des Hauts-de-France, tant en termes économiques, que sanitaires et environnementaux. Ces prairies sont propices au maintien d'une agriculture diversifiée, qui est une force pour la région. Ce sont également des milieux qui abritent des habitats riches de biodiversité, qui jouent un rôle de filtration contribuant à préserver la qualité de l'eau et qui préviennent la survenance de certains risques naturels, dont l'érosion.
La Sambre-Avesnois doit faire face à un phénomène nouveau. En manque de terre, les agriculteurs belges et néerlandais s'installent sur ce territoire avec pour but principal la production intensive de pommes de terre pour alimenter les usines de frites surgelées, la production de chips ou la fabrication de sacs plastiques recyclables.
Cette agriculture intensive nécessite beaucoup de terre pour respecter la rotation des cultures. Les conséquences sont l'arrachage des haies, l'utilisation massive de pesticides et d'intrants chimiques mettant en danger la biodiversité, la pollution des nappes phréatiques, la destruction des paysages bocagers, des risques sur l'agriculture biologique dans la première région de production bio des hauts de France. À cela s'ajoutent les conséquences possibles sur la santé des habitants. Les conséquences sont également économiques avec une montée exponentielle du coût des surfaces agricoles.
L'ensemble de la production n'est pas destiné à la consommation locale, mais est réexpédié vers la Belgique et les Pays-Bas. Les pesticides, carburants, plants de pommes de terre, sont eux importés du pays d'origine des agriculteurs.
C'est le cas dans la commune d'Anor, située en zone parc régional et Natura 2000.
La commune d'Anor est aujourd'hui entourée de prairie, mais si ces dernières sont retournées massivement et subissent l'épandage de pesticides dont la traçabilité reste à déterminer, la production « bio » du territoire risque d'être perdue.
Plus grave, dans cette commune se trouve une parcelle sur laquelle sont régulièrement cultivées des pommes de terre avec l'épandage de pesticides importés de Belgique ; cette parcelle se situe à moins de 100 mètres d'un établissement scolaire qui reçoit quatre-vingt-dix enfants de deux à cinq ans. Cette école est l'une des premières construites en respectant les normes environnementales ; elle est notamment dotée d'un récupérateur d'eau de pluie qui sert à un jardin pédagogique.
Les élus et les habitants d'Anor sont inquiets des conséquences de ces nouvelles pratiques auxquelles ils doivent faire face. Il lui demande quelles sont les mesures qui peuvent être envisagées pour contrôler l'activité des agriculteurs belges et néerlandais à Anor et dans la Sambre-Avesnois.
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Réponse du Ministère de l'agriculture et de l'alimentation publiée le 03/07/2019
Réponse apportée en séance publique le 02/07/2019
M. Frédéric Marchand. Le maintien des prairies permanentes est un enjeu important pour l'agriculture des Hauts-de-France, en termes tant économiques que sanitaires et environnementaux. Ces prairies sont propices au maintien d'une agriculture diversifiée, qui est une force pour la région. Ce sont également des milieux qui abritent des habitats riches de biodiversité et qui jouent un rôle de filtration, contribuant à préserver la qualité de l'eau et prévenant la survenance de certains risques naturels, dont l'érosion.
Dans le Nord, la Sambre-Avesnois doit faire face à un phénomène nouveau. En manque de terres, les agriculteurs belges et néerlandais s'installent sur ce territoire, avec pour but principal la production intensive de pommes de terre pour alimenter les usines de frites surgelées, la production de chips ou la fabrication de sacs en plastique recyclables.
Cette agriculture intensive nécessite beaucoup de terres pour respecter la rotation des cultures. Les conséquences sont l'arrachage des haies, l'utilisation massive de pesticides et d'intrants chimiques mettant en danger la biodiversité, la pollution des nappes phréatiques ou la destruction des paysages bocagers. À cela s'ajoutent des conséquences possibles sur la santé des habitants et des conséquences économiques, avec une hausse exponentielle du coût des surfaces agricoles.
L'ensemble de la production n'est pas destiné à la consommation locale, mais réexpédié vers la Belgique et les Pays-Bas. Les pesticides, carburants et plants de pommes de terre sont eux importés du pays d'origine des agriculteurs.
C'est le cas dans la commune d'Anor, située en zone parc régional et Natura 2000. La commune est aujourd'hui entourée de prairies, mais si ces dernières sont retournées massivement et subissent l'épandage de pesticides dont la traçabilité reste à déterminer, la production bio du territoire risque d'être perdue.
Plus grave, dans cette commune se trouve une parcelle sur laquelle sont régulièrement cultivées des pommes de terre avec épandage de pesticides importés de Belgique. Or cette parcelle se situe à moins de cent mètres d'un établissement scolaire qui reçoit 90 enfants de deux à cinq ans. Cette école est l'une des premières construites en respectant les normes environnementales ; elle est notamment dotée d'un récupérateur d'eau de pluie, qui sert à un jardin pédagogique.
Les élus et les habitants d'Anor sont inquiets des conséquences de ces nouvelles pratiques auxquelles ils doivent faire face. De plus, la sous-location, illégale dans le domaine agricole, permet à un exploitant belge ou néerlandais de jouir, le temps d'une saison, d'une parcelle déjà louée par un agriculteur français. La sous-location des terres se répand de manière exponentielle et soulève de multiples interrogations d'ordre économique, foncier et sanitaire.
Aussi je vous remercie, monsieur le ministre, de bien vouloir m'indiquer quelles mesures peuvent être envisagées pour mettre fin à cette situation et pour contrôler l'activité des agriculteurs belges et néerlandais dans les Hauts-de-France.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation. Monsieur le sénateur Frédéric Marchand, je le sais, la question que vous soulevez, qui porte sur l'utilisation des prairies par des agriculteurs belges ou néerlandais dans la Sambre-Avesnois, ennuie fortement les agriculteurs de votre territoire. Vos craintes sur les conséquences sanitaires et environnementales de ces cultures intensives, gourmandes en foncier, en rotations de terres et en intrants, sont légitimes. Ce n'est pas aujourd'hui le chemin que nous voulons emprunter dans le cadre de la transition agroécologique.
Cette situation n'est pas tenable, et nous ne pouvons accepter la distorsion de concurrence qu'elle induit.
Nous procédons en ce moment même à l'évaluation des surfaces mobilisées dans les Hauts-de-France, au-delà de la région de l'Avesnois, car elle n'est pas la seule concernée, et des pratiques de retournement de prairies afférentes à la production de pommes de terre.
J'ai par ailleurs demandé à mes services de porter une attention particulière au respect des règles sanitaires sur ces terres.
Des contrôles sont régulièrement diligentés par le service régional de l'alimentation de la DRAAF des Hauts-de-France. Ils portent notamment sur les méthodes de pulvérisation, le prélèvement d'échantillons de végétaux et la vérification de la présence de nématodes dans les parcelles. Ces précisions techniques sont importantes.
Enfin, le respect des bonnes conditions agricoles et environnementales fera l'objet d'un contrôle minutieux sur les terrains concernés. Mes services seront particulièrement attentifs au respect des zones de non-traitement, cruciales dans le voisinage des établissements scolaires, notamment celui d'Anor.
Je vous remercie de votre question, car elle me permet pour la première fois de m'exprimer publiquement sur ce sujet. Vous l'aurez compris, le ministère est totalement en phase avec vos interrogations. Nous voulons trouver une issue positive à la distorsion de concurrence, mais aussi à tous les problèmes sanitaires que ces pratiques pourraient éventuellement poser.
M. le président. La parole est à M. Frédéric Marchand, pour la réplique.
M. Frédéric Marchand. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre. Je serai à Anor demain soir, et je ne manquerai pas d'indiquer que, là où il y a une volonté, il y a un chemin.
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