Question de M. LEFÈVRE Antoine (Aisne - Les Républicains) publiée le 30/05/2019

M. Antoine Lefèvre attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, sur le développement anarchique des éoliennes, et en particulier dans la région des Hauts-de-France. Considéré par le Gouvernement comme une priorité pour la transition énergétique, et dans la droite ligne de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement (dite « loi Grenelle II »), ce mouvement connaît des dérives et les conséquences en sont dommageables pour les riverains. Outre qu'elle se traduit par des démarchages intrusifs, des passages en force malgré les avis négatifs des communes, des utilisations sans autorisation de chemins communaux ou encore l'accaparation de parcelle communale, la multiplication anarchique des éoliennes mite inexorablement les paysages de cette région et exaspère les populations. Or, et à ce jour, les Hauts-de-France remplissent d'ores et déjà les objectifs de développement fixés pour 2020 (programme européen horizon 2020), et ainsi, en début 2019, 1 500 éoliennes sont installées, 800 sont autorisées et non encore construites, et 800 dossiers sont en cours d'instruction… Sans rationalisation ni gestion des paysages, ces machines atteignent des hauteurs supérieures à 200 mètres, à 500 mètres des habitations.
L'annonce du président de la République du triplement du parc éolien terrestre pour porter le nombre de machines à 24 000 sur tout le territoire et parallèlement la parution du décret n° 2018-1277 du 24 décembre 2018 ayant pour objet d'expérimenter un droit à déroger aux dispositions relatives à l'enquête publique dans les régions de Bretagne et aussi et surtout des Hauts-de-France suscitent de grandes et fortes inquiétudes.
Enfin, la Cour des comptes, dans son rapport présenté à la commission des finances du Sénat daté du 18 avril 2018, s'inquiète du coût prohibitif pour les finances publiques : les contrats de l'éolien vont coûter « 40,7 milliards d'euros en vingt ans » pour… « 2 % de la production française » !, et atteindraient 121 milliards d'euros en incluant le photovoltaïque.
Il apparaît alors urgent de faire un état des lieux des avantages et inconvénients des nouvelles productions d'énergie (éolien, photovoltaïque, méthanisation) et d'associer effectivement les collectivités locales, les élus et les habitants aux projets ayant une incidence évidente sur leur quotidien.

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Transmise au Ministère de la transition écologique et solidaire


Réponse du Secrétariat d'État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire, chargé des transports publiée le 13/11/2019

Réponse apportée en séance publique le 12/11/2019

M. Antoine Lefèvre. Ma question s'adressait à Mme la ministre de la transition écologique ; elle porte sur le développement, en particulier dans la région des Hauts-de-France, des éoliennes, sujet devenu source récurrente de mécontentement sur place.

Si le Grenelle II de l'environnement est, certes, une priorité, force est de constater les dérives de certains acteurs et les conséquences réelles de ce développement pour les riverains. Outre les démarches intrusives, les passages en force malgré les avis négatifs des communes, les utilisations sans autorisation de chemins communaux ou encore l'accaparement de parcelles communales, la multiplication anarchique des éoliennes mite inexorablement les paysages de cette région et exaspère la population.

Or, à ce jour, la région Hauts-de-France remplit déjà ses objectifs pour 2020. Pourtant, nombre de projets sont encore en gestation, surtout depuis la suppression de la loi qui portait schéma de développement de l'éolien. On compte donc 540 éoliennes dans l'Aisne et près de 2 000 appareils au total dans la région, sans compter les 800 installations autorisées mais non encore construites, et les 733 projets en cours d'instruction.

Ces machines, ne faisant l'objet ni de rationalisation ni de gestion des paysages, atteignent des hauteurs supérieures à 200 mètres et se situent à 500 mètres des habitations.

L'annonce d'un triplement du parc éolien, pour atteindre près de 15 000 mâts à l'horizon de 2028 sur tout le territoire, et l'instauration d'enquêtes publiques via internet, alors même que nos territoires ont de graves difficultés d'accès au réseau internet et que nombre de nos concitoyens sont frappés d'illectronisme, suscitent de grandes et fortes inquiétudes.

Enfin, le 18 avril 2018, la Cour des comptes s'inquiétait du coût prohibitif, pour les finances publiques, du développement de l'éolien : selon elle, les contrats de l'éolien coûteront « 40,7 milliards d'euros sur vingt ans, pour […] 2 % de la production française ».

En outre, dans les campagnes, le gigantisme des centrales éoliennes commence à détruire le corps social, entre ceux qui touchent de l'argent – propriétaires et collectivités – et ceux qui subissent les nuisances.

Il paraît donc urgent de faire un état général des lieux des avantages et inconvénients des nouveaux modes de production d'énergie, que ce soit l'éolien, le photovoltaïque ou la méthanisation, et d'associer effectivement et davantage les collectivités locales, les élus et les habitants aux projets ayant une incidence évidente sur leur quotidien.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire, chargé des transports. Monsieur le sénateur, vous avez interrogé Mme Élisabeth Borne, ministre de la transition écologique et solidaire ; celle-ci, ne pouvant être présente, m'a chargé de vous répondre.

La France s'est fixé l'objectif ambitieux de porter à 40 %, d'ici à 2030, la part d'électricité d'origine renouvelable dans le mix énergétique national. La filière éolienne constituera une composante significative du mix électrique français à moyen terme. Le projet de programmation pluriannuelle de l'énergie, rendu public au début de 2019, confirme cette ambition.

Vous l'avez indiqué, les objectifs fixés pour 2028 portent sur 15 000 mâts, soit moins d'un doublement par rapport à 2018. Les nouvelles installations sont plus efficaces et permettent de produire la même énergie que les anciennes avec un nombre plus réduit de mâts ; elles sont également moins coûteuses que par le passé.

Le développement des projets éoliens est par ailleurs encadré par l'État. L'autorisation des projets relève du préfet et, dans ce cadre, on réalise une étude d'impact permettant la prise en considération de l'ensemble des enjeux. Une enquête publique est ainsi menée ; à ce titre, il est inexact de dire que le décret de décembre 2018 remplace l'enquête publique par une enquête électronique. Ce décret prévoit qu'une concertation en amont, sous l'égide d'un garant de la Commission nationale du débat public, doit être organisée, en respectant les conditions de transparence et de diversité des points de vue ; ce n'est qu'à cette condition que l'enquête électronique peut remplacer l'enquête publique traditionnelle.

Toutefois, vous faites le juste constat que le développement de l'éolien, en France, est aujourd'hui porté en grande partie par la région Hauts-de-France. Cette réalité s'explique d'abord par les conditions favorables à ce développement : foncier disponible et ressources en vent. Ces différences géographiques, applicables à d'autres filières – photovoltaïque ou hydroélectrique, par exemple –, impliquent une participation à la transition énergétique nécessairement différente d'un territoire à l'autre, selon les ressources disponibles localement.

Le Gouvernement est décidé à accompagner la filière éolienne, à l'améliorer, à œuvrer dans le sens d'un développement accepté et maîtrisé de ce secteur, et ce avec l'appui précieux des régions.

M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre, pour la réplique.

M. Antoine Lefèvre. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'État, de votre réponse.

Je veux également mentionner le président de la région Hauts-de-France, Xavier Bertrand, qui a justement demandé la fin de ces implantations et qui a argué de récents échanges avec votre collègue, Emmanuelle Wargon.

J'espère que l'on pourra prendre en compte cette question spécifique aux Hauts-de-France, qui pose un véritable problème ; au-delà de ce que vous avez pu rappeler sur les enquêtes publiques, il faut associer davantage les populations.

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