Question de M. GREMILLET Daniel (Vosges - Les Républicains) publiée le 12/09/2019

M. Daniel Gremillet interroge Mme la secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé sur deux initiatives, lancée en avril 2019 dans le cadre du plan national de lutte contre la pauvreté : « la cantine à un euro » et les petits-déjeuners gratuits à l'école.

Annoncée par le Président de la République, en septembre 2018, lors de la présentation de la stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté, la cantine à 1 euro est devenue un casse-tête pour les communes et notamment pour les communes rurales pour lesquelles la restauration collective demeure une compétence facultative.

Selon une étude de l'union nationale des associations familiales (Unaf) de 2014 relayée par l'association des maires de France, si les deux tiers des communes interrogées disposent d'une cantine scolaire, seules un tiers prennent en compte la situation familiale ou le revenu ou les deux pour facturer ce service. Plus la commune est importante, plus la dimension familiale est prise en compte.

Ainsi, si les communes importantes prennent en compte la dimension familiale de la famille ou le revenu ou les deux, seules 10 % des communes entre 100 et 400 habitants, 21 % des communes entre 400 et 1 000 habitants et 37 % des communes entre 1000 et 10 000 habitants appliquent un barème social.

Or, c'est bien sur cette tarification sociale que les communes s'interrogent. En effet, sa mise en place générera, probablement, un taux de fréquentation plus élevé entraînant de facto la programmation d'investissements et des recrutements. L'État a évalué le coût d'un repas à la cantine à 4.50 euros alors que dans la pratique les cas sont très divers. Et prévoit d'abonder de deux euros le repas pris à un euro. Sachant qu'un euro restera à la charge des parents. Les communes devront trouver les moyens de financer les 1.5 euros restants. Ceci est à mettre en relation avec deux dispositions issues de la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (« EGALIM ») qui prévoit d'une part, qu'au plus tard le 1er janvier 2022, les repas servis dans les restaurants collectifs publics, dont les cantines scolaires, doivent comprendre une part au moins égale, en valeur, à 50 % de produits répondant à au moins un critère de qualité et d'autre part, qu'au plus tard le 2 novembre 2019, soit un an après la promulgation de la loi, et pour une durée de deux ans, les gestionnaires, publics ou privés, des services de restauration collective scolaire sont tenus de proposer au moins une fois par semaine un menu végétarien.

Par ailleurs, les communes en milieu rural doivent faire face à une logistique complexe et coûteuse surtout quand elles appartiennent à un regroupement pédagogique intercommunal (RPI), elles doivent prévoir le déplacement des élèves d'un endroit vers un autre et s'adjoindre du personnel encadrant. La réforme des rythmes scolaires aujourd'hui abandonnée a montré à quel point ce type organisation est compliqué et onéreux.

S'agissant des petits-déjeuners gratuits, sachant qu'ils pourront être pris hors du temps scolaire ou pendant la classe, plusieurs fois par semaine ou moins, les maires s'interrogent sur leur prise en charge. Mis en place dans huit académies tests, ils doivent être étendus à tout le territoire français en septembre 2019 dans les écoles en zone d'éducation prioritaire ou rurale.

En conséquence il lui demande de bien vouloir lui préciser les critères de sélection des communes du département des Vosges pour le dispositif de cantine à un euro qui concernerait 10 000 communes françaises, et de bien vouloir lui indiquer de la même façon quelles sont les communes vosgiennes concernées par le petit-déjeuner gratuit. Il souhaite également être informé du calendrier de la mise en place de ces mesures.

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Réponse du Secrétariat d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé publiée le 03/10/2019

La mise en place de la tarification sociale des cantines scolaires est une décision relevant de la collectivité gérant le service. La mesure portée dans le cadre de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté tient compte à la fois du caractère non obligatoire de l'exercice de cette compétence et de la circonstance que de nombreuses communes, en général celles de plus de 10 000 habitants, ont déjà instauré une tarification sociale des cantines, avec un tarif pour les familles pauvres pouvant même être inférieur à 1 euro. L'aide de l'État à l'instauration d'une tarification sociale des cantines scolaires dans les communes et intercommunalités rurales fragiles n'instaure ainsi aucune obligation nouvelle pour les communes. Les communes concernées sont les 10 000 communes auxquelles est attribuée une dotation au titre de la fraction cible de la dotation de solidarité rurale (« troisième fraction de la DSR » ou « DSR cible »), même si toutes ne financent pas un service de cantines scolaires. Sont également éligibles les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) gérant un service de cantine si deux tiers de leur population réside dans une commune auxquelles est attribuée une dotation au titre de la fraction cible de la dotation de solidarité rurale. En pratique, cela signifie que sont éligibles des communes de moins de 10 000 habitants en situation de fragilité financière, mesurée au regard du potentiel financier par habitant et du revenu par habitant. Ce sont ainsi les communes rurales les moins susceptibles de pouvoir assumer seules le coût d'une telle tarification sociale, alors même qu'elles réunissent une population globalement plus pauvre que les autres communes de même taille. L'aide se veut en revanche une incitation pour les communes que le montant du soutien accordé (2€ par repas servi à un tarif ne dépassant pas 1€) pourrait décider à franchir le pas. Contrairement à ce qu'a pu affirmer le Défenseur des droits dans son rapport de 2019 intitulé « Un droit à la cantine scolaire pour tous les enfants », le coût retenu pour la conception de la mesure n'est pas de 4,50 euros. Le coût moyen facturé aux familles est, pour le premier degré, de 2,5 à 3 euros. En effet, le Haut conseil de la famille, de l'enfance et de l'âge (HCFEA), dans sa note « L'accès à la cantine scolaire. Un droit pour tous les enfants, un droit essentiel pour les enfants de familles pauvres ? » (jointe au rapport du Conseil de la famille « Lutter contre la pauvreté des familles et des enfants », adopté le 5 juin 2018), soulignait de grandes disparités derrière les moyennes mais indiquait néanmoins, sur la base de plusieurs sources, un coût moyen par repas de 7 euros facturé aux parents en moyenne à hauteur de 2,5 à 3 euros dans le premier degré. L'aide de l'État a été mise en place avec une date d'effet au 1er avril 2019. À compter de cette date, si les critères de mise en place d'une tarification sociale des cantines sont remplis, la collectivité peut toucher l'aide. La tarification sociale mise en place doit remplir les critères suivants : au moins trois tranches progressives avec le revenu des familles, au moins une tranche à un tarif ne dépassant pas 1 euro. L'instruction est assurée par l'Agence de services et de paiement et l'aide est versée tous les quadrimestres, pour les repas servis durant le quadrimestre écoulé. La complexité d'organisation des services de cantine scolaire dans un regroupement pédagogique intercommunal est sans lien avec la modification des modalités de tarification du service aux familles. Le risque que la mise en place d'une tarification sociale des cantines entraîne « un taux de fréquentation plus élevé entraînant de facto la programmation d'investissements et des recrutements » est aujourd'hui impossible à évaluer. Toutefois, par construction, si un nombre significativement plus élevé d'enfants devait recourir à la cantine, au point de requérir la programmation de recrutements et d'investissements, cela signifierait que la barrière du prix les en excluait jusqu'à la mise en place de tarifs ajustés aux ressources des familles. La mesure aurait alors un impact très favorable sur les privations matérielles des enfants, mais aussi sur leurs chances de réussite scolaire et sur les possibilités de retour à l'emploi des parents. L'État comme les communes concernées ne pourraient que se féliciter d'une telle inclusion de tous les enfants. Des pistes pour accompagner les communes concernées pourraient être discutées avec les associations d'élus du bloc communal, réunies régulièrement par la secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé pour assurer le suivi de la mesure et de ses modalités de mise en œuvre. S'agissant des petits déjeuners à l'école, les écoles concernées par le déploiement de cette mesure sont les écoles maternelles et élémentaires des territoires du réseau d'éducation prioritaire (REP/REP+), des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) et des territoires ruraux isolés. La distribution de petits déjeuners gratuits a été expérimentée dans vingt-sept départements de neuf académies depuis le mois de mars et a été étendue à tous les départements, à compter de la rentrée de septembre 2019. La mesure est mise en place selon un recensement des besoins effectué au niveau local par la direction des services départementaux de l'éducation nationale, en lien avec les équipes éducatives. Le portage par les communes est la modalité de mise en œuvre qui a été la plus fréquemment retenue dans la phase pionnière et, pour des raisons d'organisation, la plus simple. Un modèle de convention est en ligne sur le site Eduscol. Toutefois, aucune commune ni aucune école ne sera tenue de mettre en place la mesure, qui repose sur l'adhésion des parties prenantes et sur des modalités ajustables aux réalités et possibilités locales (portage par la commune, par une association, par l'équipe éducative directement, ou par un partenariat entre ces acteurs), toujours en lien avec les parents.

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