Question de M. DURAN Alain (Ariège - SOCR) publiée le 21/11/2019

Question posée en séance publique le 20/11/2019

M. Alain Duran. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'action et des comptes publics.

Mme la secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie évoquait, le 5 novembre dernier, la volonté du Gouvernement d'engager une réforme des impôts de production, accusés de « grever les finances des entreprises ». Cette idée, probablement soufflée par le Medef, résonne de plus en plus au sein de votre ministère, monsieur le ministre de l'action et des comptes publics.

Or on retrouve dans ce panier d'impôts la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), qui pèse 18 milliards d'euros et la contribution foncière des entreprises (CFE), qui pèse 7 milliards. On y trouve des impôts locaux perçus par les régions, les départements, les EPCI et les communes.

Après la suppression de la taxe professionnelle et, plus près de nous, le tour de passe-passe de la taxe d'habitation, c'est tout simplement la décentralisation que vous continuez de détricoter. Ce coup de canif fiscal « économique » ne ferait en effet que dégrader l'autonomie fiscale de nos collectivités ; par voie de conséquence, il affaiblirait les services rendus aux usagers. En effet, ce sont les élus locaux qui, jour après jour, doivent répondre aux attentes légitimes de leurs administrés ; ce sont ces élus locaux qui œuvrent, jour après jour, pour garantir le développement harmonieux et solidaire d'un village, d'une ville, d'un département, ou d'une région, tout simplement pour construire une République des territoires qui soit plus juste !

À l'heure des mouvements sociaux – « gilets jaunes », étudiants, blouses blanches, policiers, agriculteurs, enseignants –, au moment où la République aurait plutôt besoin de se rassembler, vous ne trouvez rien de mieux à faire que de poursuivre cette entreprise de démolition de la fiscalité locale, en mettant cette fois-ci la CFE et la CVAE dans votre viseur.

M. Jacques-Bernard Magner. Très bien !

M. Alain Duran. Nous savons tous que, dans une démocratie, l'impôt est un lien de citoyenneté.

Il est donc de notre responsabilité de lui redonner toute sa légitimité, en veillant à ce qu'il soit réparti équitablement, dans le respect de la justice sociale. Et ce n'est pas en le supprimant, monsieur le ministre, que vous apporterez plus d'équité.

Ma question est simple. Les maires sont réunis en ce moment en congrès, à la porte de Versailles. Pouvez-vous leur affirmer que cette petite musique qui consisterait à inscrire dans une trajectoire de baisse la CFE et la CVAE va enfin s'arrêter de jouer ? (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)


Réponse du Secrétariat d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics publiée le 21/11/2019

Réponse apportée en séance publique le 20/11/2019

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics. Monsieur le sénateur Alain Duran, vous avez évoqué dans votre question plusieurs aspects de la fiscalité locale ; permettez-moi de revenir sur deux d'entre eux.

En premier lieu, je veux à mon tour saisir l'occasion du congrès des maires pour garantir, comme j'ai déjà eu l'occasion de le faire, de même que M. le Premier ministre à plusieurs reprises, à l'ensemble des élus de France que la suppression de la taxe d'habitation, qui est avant tout une mesure de justice fiscale et de pouvoir d'achat pour nos compatriotes, sera intégralement compensée aux collectivités, non par des dotations, comme cela a toujours été le cas, mais, à l'euro près, par des recettes fiscales dynamiques et pérennes, de manière à ce que l'autonomie financière des collectivités soit assurée et à ce qu'on ne reproduise pas les travers du Fonds national de garantie individuelle des ressources, qui avait été mis en place à l'occasion de la suppression de la taxe professionnelle, de manière aussi à ce que les collectivités ne connaissent pas à nouveau, comme cela a toujours été le cas, un amoindrissement des allocations de compensation, que l'État cesse toujours de verser à un moment ou à un autre.

Nous changeons de modèle, nous faisons en sorte que la compensation soit intégrale, durable et, surtout, dynamique. Je pense que nous pourrons, les uns et les autres, nous accorder sur ce sujet.

En second lieu, vous avez évoqué la fiscalité qui pèse sur les entreprises. Je voudrais d'abord souligner une chose : quand on réfléchit un petit peu aux impôts qui pèsent sur la production – Agnès Pannier-Runacher en témoignerait tout aussi fortement –, on pourrait évoquer encore d'autres impôts que ceux auxquels vous avez fait allusion, notamment la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S). En effet, cet impôt particulièrement lourd, puisqu'il représente 4 milliards d'euros, est jugé par le Conseil d'analyse économique comme un impôt particulièrement inefficace, qui devrait être réformé.

Nous pouvons aussi ouvrir un certain nombre de chantiers sans nécessairement poser la question du niveau des ressources. Les barèmes de la CFE sont-ils toujours satisfaisants pour les élus ? Je ne le crois pas. Les recettes de la CVAE sont-elles toujours prévisibles pour les collectivités ? Ce n'est pas le cas non plus ; toutes celles et tous ceux qui ont une expérience intercommunale ont pu le mesurer. Peut-on progresser, comme cela a été le cas lors de la révision des valeurs locatives des locaux professionnels ?

Oui, et il faut continuer ce travail de « sincérisation ». Nous avons un objectif : faire en sorte que le panier fiscal sur lequel s'appuient les collectivités soit stable, qu'il soit juste et qu'il soit durable ! (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)

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