Question de M. COURTIAL Édouard (Oise - Les Républicains) publiée le 30/01/2020
M. Édouard Courtial appelle l'attention de Mme la ministre de la transition écologique et solidaire sur les dispositions applicables derrière les digues. En effet, la compétence de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations (GEMAPI), issue de la loi n°201458 du 27 janvier 2014 a responsabilisé les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre dans la gestion des digues de protection. Les EPCI ont ainsi l'obligation de s'appuyer sur des bureaux d'études agréés par le ministère pour conduire des études de danger et apprécier les éventuelles pathologies des ouvrages existants, parfois anciens. Il s'ensuit une obligation de mise en conformité par la réalisation de travaux, eux aussi conduits par des maîtres d'œuvre agréés. Si cette démarche, qui mobilise beaucoup de territoires face à cette compétence nouvelle dans un calendrier serré, va dans le bon sens, deux décrets soulèvent des interrogations. Le décret n° 2019715 du 5 juillet 2019 statue sur des principes applicables aux prochains plans de prévention des risques d'inondation (PPRi). Il apparaît que des bandes de précaution derrière les digues de protection seront systématiquement classées en zone d'aléa « très fort », supposant qu'aucune construction nouvelle ne pourra être acceptée. Ces bandes, d'une largeur de cent fois la hauteur de digue, gèlent de larges territoires, même s'il est possible d'en diminuer l'emprise au sein des études de danger. Or à la publication de ce décret, la règlementation en vigueur ne visait que des digues d'une hauteur atteignant au moins 1,50 m en pied en un point de leur linéaire. Dès lors, l'on pouvait convenir d'un risque élevé en cas de rupture justifiant la prescription de mesures adaptées. Mais le décret n° 2019895 du 28 août 2019 a abrogé ce seuil de hauteur de sorte que tout ouvrage de protection, quelles que soient sa hauteur et la population protégée, devient un système d'endiguement à classer. Il s'ensuit que les dispositions des prochains PPRi relatives aux bandes de précaution s'appliqueront à tous les ouvrages. Les petits ouvrages, nombreux sur l'ensemble du territoire national, souvent construits par opportunité à la suite à de crues passées, vont ainsi entrer dans la logique de classement et d'inspection par des organismes agréés. Cette démarche, que l'on peut aisément expliquer aux riverains malgré la réticence face à la nouvelle taxe GEMAPI, est de nature à installer une confiance dans la sécurité des ouvrages de protection. A contrario, comment expliquer aux riverains que les contraintes à l'urbanisation dans les zones protégées seront dorénavant très supérieures à ce qu'elles seraient en l'absence d'ouvrage de protection ? Lorsque le risque d'inondation se limite à quelques décimètres, le zonage usuel en l'absence d'ouvrage relève de l'aléa « faible », autorisant les constructions moyennant une rehausse du niveau de plancher. En présence d'une digue de protection classée, inspectée par des bureaux d'études agréés, obligatoirement entretenue par des EPCI au titre d'une compétence obligatoire, les règles d'urbanisation gèlent l'existant au motif qu'une rupture est possible. Outre qu'elle est improbable, le risque en de telles circonstances ne porte pas sur l'aggravation du dommage mais sur le caractère soudain de l'inondation pouvant conduire à des noyades. Aussi, si les zones de protection pouvaient faire l'objet de mesures particulières, il serait opportun que celles-ci puissent plutôt viser des dispositions d'information, de surveillance, d'alerte voire d'évacuation préventive en situation critique, plutôt que des principes d'inconstructibilité qui ne réduisent en rien le risque sur la vie humaine des habitants en place. Imposer une articulation avec les plans communaux de sauvegarde serait sans doute beaucoup plus pertinent. Aussi, il lui demande si elle entend prendre des mesures en ce sens.
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Réponse du Ministère de la transition écologique et solidaire publiée le 09/07/2020
L'attention du Gouvernement a été appelée sur les conséquences de la présence de digues dans l'établissement des zonages réglementaires des plans de prévention des risques naturels concernant les « aléas débordement de cours d'eau et submersion marine ». Le décret n° 2019-715 du 5 juillet 2019 qui est relatif aux plans de prévention des risques d'innondation (PPRI) impose la prise en compte systématique de l'aléa dans les zones inondables protégées par des digues. En effet, ces ouvrages ne sont jamais infaillibles. Le décret précité demande en complément la détermination d'une bande de précaution derrière ces ouvrages pour tenir compte des risques aggravés que génère toute rupture de digue sous l'effet d'un aléa excédant sa capacité de protection. En effet, les personnes situées au niveau d'une brèche ou dans le chemin emprunté par les eaux à l'occasion d'une rupture sont mises en danger par l'importance du volume d'eau se déversant et par la brutalité du phénomène, la vitesse de l'écoulement étant bien supérieure à celle correspondant à une montée des eaux sans digue. Face à ce danger élevé, le décret ne fait que reprendre les bonnes pratiques déjà inscrites dans les circulaires appliquées par les services du ministère. La réglementation afférente aux digues dorénavant organisées en systèmes d'endiguement, instaurée par les décrets n° 2015-526 du 12 mai 2015 et n° 2019-895 du 28 août 2019, n'a pas eu pour conséquence de rendre plus restrictifs les plans de prévention « aléas débordement de cours d'eau et submersion marine ». En premier lieu, la suppression de la mention d'un seuil de hauteur de digue (1,50 mètre), qui existait avant le décret n° 2019-895 du 28 août 2019, est une simple clarification de la règle de droit, sans obligation nouvelle pour les autorités qui exercent la compétence de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations (compétence GEMAPI) dès lors que la pérennisation de la digue est décidée par la collectivité, ce qui n'est pas une obligation dans le cadre du principe de libre administration des collectivités. En outre, pour les digues de moins de 1,50 mètre de hauteur qui seront pérennisées sous la forme d'un système d'endiguement, il convient de noter que la réglementation applicable en matière de zonage pour les plans de prévention des risques « aléas débordement de cours d'eau et submersion marine » tient compte d'un risque moindre pour la détermination de la bande de précaution évoquée plus haut. En effet, si la règle générale fixe cette largeur de bande à 100 fois la hauteur de la digue avec possibilité de la restreindre à 50 mètres sur la base d'informations techniques objectives statuant de la solidité de l'ouvrage, dans le cas où la digue a une hauteur inférieure à 1,50 mètre, ce minimum est fixé à 33 fois la hauteur de la digue. Enfin, il convient de rappeler que si la présence d'un endiguement n'efface pas les risques dans les zones inondables, la représentation cartographique associée à un plan de prévention des risques « aléas débordement de cours d'eau ou submersion marine » fera apparaître, à titre informatif, les zones protégées par un système d'endiguement dont le niveau de protection est au moins égal à l'aléa de référence. Dans ces zones protégées, le règlement déterminant les limitations au droit de construire pourra prévoir, sous conditions, que certaines exceptions soient autorisées. En particulier, le renouvellement urbain, dès lors qu'il permet une réduction de la vulnérabilité, est possible.
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