Question de Mme BRULIN Céline (Seine-Maritime - CRCE) publiée le 13/02/2020
Mme Céline Brulin attire l'attention de Mme la ministre des solidarités et de la santé sur la lutte contre les déserts médicaux en Seine-Maritime. La désertification médicale est endémique dans ce département comme dans toute la région Normandie. La déprise médicale est prégnante, les médecins se font de plus en plus rares. Population et élus sont de plus en plus inquiets. Certes, ces dix dernières années, le nombre de médecins inscrits au conseil de l'ordre a augmenté sur l'ensemble de la région. Mais cette augmentation concerne surtout le nombre de médecins retraités avec ou sans activités. En 2017, ils étaient 733 retraités actifs et 1 504 médecins retraités sans activité. La réalité sur le terrain est donc tout autre. Le rapport nombre de médecins, évolution de la population est catastrophique pour la Seine-Maritime puisque la densité médicale chute, passant de 338,6 à 330,8 médecins, toutes spécialités confondues. Le Gouvernement a annoncé des mesures comme le déblocage du numérus clausus ou le recrutement de 5 000 médecins. Or, l'université de Rouen n'a pas ouvert plus de postes que les années précédentes pour la seconde année de médecine. Qui décidera par ailleurs de l'installation de ces 5 000 médecins, et où seront-ils recrutés ? En effet, la télémédecine ou le recours aux médecins étrangers sont loin d'être les antidotes au manque d'offre de soins. Une étude du conseil de l'ordre datée de 2017 indique clairement que les médecins à diplôme étranger ne s'installent pas plus que leurs confrères français dans les zones définies comme prioritaires. Conscientes des difficultés pour leur population, les collectivités locales tentent de favoriser l'installation de médecins en palliant une carence de l'État. Malgré tout, ces initiatives manquent de soutien et la pénurie de médecins s'aggrave dans le monde rural. C'est pourquoi elle lui demande quels moyens le Gouvernement compte mettre en œuvre afin d'inciter les jeunes médecins à s'installer dans les territoires déficitaires pour lutter efficacement contre les déserts médicaux.
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Transmise au Ministère des solidarités et de la santé
Réponse du Ministère auprès du ministre des solidarités et de la santé - Autonomie publiée le 22/07/2020
Réponse apportée en séance publique le 21/07/2020
M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, auteure de la question n° 1129, adressée à M. le ministre des solidarités et de la santé.
Mme Céline Brulin. La désertification médicale est endémique en Seine-Maritime. Les responsables des collectivités locales s'arrachent les cheveux pour conserver ou installer des médecins, tandis que nos concitoyens renoncent à certains soins, faute de généralistes ou de spécialistes.
Pour remédier à ce problème récurrent, le Gouvernement a annoncé la fin du numerus clausus, ce qui est une très bonne chose. Malheureusement, rien ne change sur le terrain : aucune place supplémentaire en faculté de médecine en 2020 pour l'université de Rouen, et seulement trois en 2021. Je crains que cela ne permette pas d'enrayer la désertification médicale
Le Gouvernement a aussi prévu le recrutement de 400 médecins salariés. Combien sont destinés à la Seine-Maritime et qui décidera de leur installation ?
De plus en plus de collectivités locales doivent faire appel à des médecins possédant des diplômes étrangers pour améliorer la situation, mais des maires m'ont alertée sur leurs difficultés à faire reconnaître la certification de ces médecins, et le décret qui vient d'être publié, après des mois d'attente, ne rassure pas !
Dans ce contexte, il me semble nécessaire que l'Agence régionale de santé (ARS) de Normandie apporte un soutien particulier et « sur mesure » aux élus locaux cherchant à installer des médecins.
Il me semble également indispensable que le réseau d'hôpitaux de proximité soit conforté. On ne peut en effet exiger de la médecine de ville qu'elle renonce à l'exercice isolé et développe les regroupements de praticiens et, dans le même temps, affaiblir les hôpitaux de proximité, dont le rôle est essentiel en matière de démographie médicale et d'accès aux soins.
À cet égard, madame la ministre, pouvez-vous nous rassurer sur le devenir du centre hospitalier intercommunal Caux-Vallée de Seine, qui craint une absorption par le groupe hospitalier du Havre ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l'autonomie. Madame la sénatrice Brulin, je partage votre inquiétude quant à la désertification médicale. Élue d'une circonscription rurale, c'est un combat que je mène de manière permanente.
La Normandie fait en effet partie des régions de France métropolitaine où la densité médicale est particulièrement faible, avec de grands contrastes selon les territoires. Face à cette situation, plusieurs réponses sont apportées pour renforcer l'accès aux soins et venir en appui aux territoires qui manquent de professionnels.
Il s'agit tout d'abord de miser sur la formation des futurs professionnels médicaux pour leur permettre de rester dans la région. Le numerus clausus, comme vous l'avez souligné, sera supprimé à la prochaine rentrée universitaire, afin de former plus de médecins. En Normandie, le nombre d'internes en médecine qui entrent en formation à l'université de Rouen s'est accru de 13 % entre 2013 et 2019.
Par ailleurs, l'ARS, les centres hospitaliers universitaires (CHU) de Caen et de Rouen et les universités de la région soutiennent fortement les dispositifs de post-internat pour faciliter l'insertion professionnelle des jeunes médecins en Seine-Maritime.
Chaque année, soixante-dix postes d'assistant sont financés par l'ARS, à hauteur de 6 millions d'euros, pour permettre un exercice à temps partagé entre le centre hospitalier universitaire et les hôpitaux périphériques dans les territoires.
En Seine-Maritime, près de 300 jeunes médecins sont passés par ce dispositif depuis dix ans. En moyenne, 75 % d'entre eux font ensuite le choix d'exercer dans la région.
Les doyens des facultés de médecine mettent également en uvre une démarche, baptisée « territoires universitaires de santé », visant à identifier et à reconnaître, dans les centres hospitaliers, des praticiens hospitaliers qui se verront confier des missions universitaires.
Il s'agit ensuite de proposer aux jeunes professionnels des conditions d'exercice qui répondent à leurs aspirations. Les jeunes médecins, dans leur très grande majorité, ne veulent plus d'exercice isolé. Ils veulent aussi pouvoir bénéficier, le cas échéant, d'un exercice mixte, en ville et à l'hôpital.
Dans ce cadre, la Normandie a particulièrement développé les maisons de santé pluridisciplinaires : on en dénombre trente-trois en Seine-Maritime, et cinq supplémentaires sont en projet.
C'est dans ce même esprit que le Gouvernement a mis en place le dispositif des « 400 médecins généralistes », qui partageront leur temps entre un hôpital et des consultations dans une zone sous-dense ou exerceront à titre salarié dans un centre de santé. En Seine-Maritime, dix projets sont engagés.
Enfin, vous connaissez les incitations financières qui ont été mises en place au fil des ans. Grâce au nouveau zonage défini par l'ARS, 27 % des Seinomarins vivent dans une zone éligible aux aides à l'installation et au maintien des médecins, hors quartiers prioritaires de la politique de la ville, soit une augmentation de dix-neuf points par rapport au précédent zonage.
Vos préoccupations sont légitimes. Je les partage et je vous confirme que le Gouvernement et l'ARS seront particulièrement vigilants.
M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour la réplique.
Mme Céline Brulin. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre, notamment en ce qui concerne les dix projets d'installation de médecin dans le cadre du dispositif des « 400 médecins généralistes ».
En revanche, je ne suis pas complètement satisfaite de votre réponse sur le numerus clausus. Sachant qu'il faut une dizaine d'années pour former un médecin, il est nécessaire d'ouvrir des places très rapidement.
Les ARS ont été beaucoup décriées durant la crise du covid-19. Pour devenir véritablement utiles à nos concitoyens et aux élus locaux, elles doivent s'efforcer d'apporter un soutien « sur mesure » à l'élaboration de projets de territoire. Aujourd'hui, elles sont un peu trop technocratiques à mon goût.
Enfin, vous ne m'avez répondu sur le devenir du centre hospitalier intercommunal Caux-Vallée de Seine, qui doit demeurer un hôpital de proximité. Peut-être le ferez-vous par écrit.
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