Question de M. CHAIZE Patrick (Ain - Les Républicains) publiée le 27/02/2020

M. Patrick Chaize appelle l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur la nécessité de clarifier juridiquement les conditions d'accueil, par les collectivités, de personnes dans le cadre d'un travail d'intérêt général (TIG).
Instituée par la loi n° 83-466 du 10 juin 1983 et précisée par le décret n° 83-1163 du 23 décembre 1983, la peine de travail d'intérêt général constitue une alternative à l'incarcération, susceptible d'être prononcée à l'encontre de personnes condamnées, majeures ou mineures de plus de 16 ans. Fixé par une juridiction de jugement, le TIG est un travail non rémunéré au profit d'une personne morale de droit public, collectivité territoriale, établissement public, d'une personne morale de droit privé chargée d'une mission de service public ou d'une association habilitée.
En permettant d'effectuer une activité utile pour la société, le TIG favorise incontestablement la réinsertion des condamnés, tout en écartant la désocialisation que peut induire l'incarcération. Si le TIG constitue une réponse pénale et réparatrice, nombreux sont les élus qui s'interrogent toutefois sur leurs responsabilités et celles de leurs agents, par suite des jugements qui ont été rendus.
En effet, lorsque l'exécution du TIG s'effectue dans les services d'une collectivité, l'État est considéré comme l'employeur et, à ce titre, se charge du règlement des cotisations au régime général de la sécurité sociale. L'État répond également du dommage ou de la part du dommage qui serait causé à autrui par la personne condamnée, et qui résulterait directement de l'application d'une décision comportant l'accomplissement d'un TIG. Pourtant, les personnes condamnées à un TIG et placées dans les collectivités par décision de justice, relèvent du code du travail même si ces collectivités qui les accueillent ne sont pas les employeurs.
Plus que jamais, les élus locaux expriment une forme d'épuisement dans un contexte de baisse des moyens budgétaires, de disparition des services publics de proximité et de constat d'abandon de l'État. Le risque juridique et pénal constitue aussi une préoccupation, au regard de l'augmentation du nombre de poursuites engagées à leur encontre.
C'est pourquoi, suite à la signature le 12 novembre 2019 de l'accord-cadre visant à favoriser le développement du travail d'intérêt général, il lui demande si elle entend apporter au dispositif une clarification juridique qui soit de nature à rassurer les élus dont les communes font la démarche d'accueillir des personnes en TIG , avec une volonté d'aide à l'insertion des personnes condamnées et de lutte contre la récidive.

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Transmise au Ministère de la justice


Réponse du Ministère de la justice publiée le 09/09/2021

Depuis sa création, l'Agence du travail d'intérêt général et de l'insertion professionnelle des personnes placées sous main de justice (ATIGIP), est chargée de développer le travail d'intérêt général selon ces trois principes directeurs : simplicité, efficacité et proximité. L'ATIGIP travaille en lien avec des structures d'accueil afin de déterminer leurs besoins, de faciliter l'accueil par leurs équipes de personnes condamnées à un travail d'intérêt général et valoriser l'implication de ces personnes auprès du service public de la Justice. L'engagement des collectivités territoriales – et plus particulièrement celui des communes – dans l'effort collectif d'insertion des personnes condamnées, doit à ce titre être souligné. La personne exécutant un travail d'intérêt général relève d'un double statut, employée à la fois par l'Etat et par la structure d'accueil (personne morale de droit public, collectivité territoriale, un établissement public, une personne morale de droit privé chargée d'une mission de service public ou une association habilitée). Ce statut est toujours le même, que la structure d'accueil soit une personne morale de droit public ou de droit privé. Les dispositions encadrant le travail d'intérêt général se retrouvent dans le code pénal ainsi que dans le code de la sécurité sociale. S'agissant des obligations sociales relatives au travail de la personne exécutant un travail d'intérêt général, elles sont à la charge de l'Etat qui est considéré comme un employeur de la personne condamnée. L'article D. 412-74 du code de la sécurité sociale dispose que l'exécution des obligations de l'employeur relatives notamment à l'affiliation des personnes mentionnées à l'article D. 412-72, au versement des cotisations et à la déclaration de l'accident, incombe au directeur interrégional des services pénitentiaires. Il en est ainsi pour les personnes majeures comme pour les personnes mineures exécutant un travail d'intérêt général. Par conséquent, le condamné bénéficie d'une couverture sociale prise en charge par l'Etat, notamment en cas d'accident de travail survenu lors de l'exécution du travail d'intérêt général ou de maladie professionnelle contractée dans ce cadre. En cas de faute de la personne exécutant un travail d'intérêt général, c'est la responsabilité de l'Etat et non celle de la structure d'accueil qui est en cause. L'article 131-24 du code pénal dispose que l'Etat répond du dommage ou de la part du dommage qui est causé à autrui par un condamné et qui résulte directement de l'application d'une décision comportant l'obligation d'accomplir un travail d'intérêt général. Ainsi, la responsabilité de l'Etat est subrogée à celle de la commune pour le dommage causé par une personne exécutant un travail d'intérêt général. En cas de faute civile de la personne exécutant cette mesure, l'indemnisation de l'éventuel préjudice incombera à l'Etat. En cas de faute pénale, le paiement des dommages et intérêts sera à la charge de l'Etat. L'article 131­ 24 ajoute d'ailleurs que l'Etat est subrogé de plein droit dans les droits de la victime de l'infraction causée par l'exécutant d'un travail d'intérêt général. Concernant les obligations encadrant l'exécution de cette mesure, l'article 131-23 du code pénal dispose que le travail d'intérêt général est soumis aux prescriptions législatives et réglementaires relatives au travail de nuit, à l'hygiène, à la sécurité ainsi qu'au travail des femmes et des jeunes travailleurs. L'observation de ces prescriptions législatives et réglementaires incombe à la structure d'accueil, quel que soit son statut juridique, seule en mesure de garantir le respect de ces prescriptions par l'équipe accueillant la personne condamnée. La personne exécutant un travail d'intérêt général est par conséquent soumise aux mêmes règles de sécurité que les personnes salariées ou bénévoles dans la structure. La personne condamnée est de plus placée sous le contrôle d'un tuteur de travail d'intérêt général, qui veille au respect des mesures de sécurité afférentes au poste de travail et qui lui indique les tâches à effectuer. Par conséquent, la responsabilité pénale des élus à la tête d'une collectivité territoriale et de leurs agents, pour une infraction dont serait victime la personne exécutant un travail d'intérêt général, est la même que pour tout autre agent employé par la collectivité. Elle relève du régime de droit commun de l'article 121-3 du code pénal. Ainsi, la responsabilité pénale d'un agent de la collectivité peut être retenue en cas d'infraction involontaire lorsque la loi le prévoit : soit en cas de mise en danger délibérée de la personne d'autrui, soit en cas de faute d'imprudence, de négligence ou de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, s'il est établi que l'auteur des faits n'a pas accompli les diligences normales compte tenu de ses missions, de ses compétences, du pouvoir et des moyens dont il disposait. En revanche, la responsabilité pénale de l'auteur indirect d'une infraction involontaire, notamment celle d'un maire à la tête d'une commune, ne pourra être engagée que s'il est établi qu'il a violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, ou qu'il a commis une faute caractérisée qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'il ne pouvait ignorer. Ainsi, si la personne condamnée est victime d'une infraction involontaire, la responsabilité du maire et de ses agents pourra être engagée dans les conditions du droit commun comme pour tout autre agent victime. Au demeurant, l'article R.131-33 du code pénal dispose qu'en cas de danger immédiat pour le condamné, le responsable de la structure d'accueil peut suspendre l'exécution du travail d'intérêt général en informant sans délai le juge de l'application des peines ou l'agent de probation. Les dispositions de la circulaire du 27 mars 2020 qui a suspendu l'exécution des mesures de travail d'intérêt général sauf cas particulier pendant la durée du premier état d'urgence sanitaire, se fondaient notamment sur cet article. Pour prévenir ces situations, les services du ministère de la Justice veillent à l'accompagnement constant des structures d'accueil, par le biais de 61 référents territoriaux du travail d'intérêt général chargés dans chaque département de l'animation du réseau des structures d'accueil, ou des conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation pour les personnes majeures et des éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse pour les personnes mineures chargés du suivi de l'exécution de la peine. Ces personnels sont joignables en permanence afin de répondre aux interrogations des structures d'accueil et d'intervenir en cas d'incident. Aussi, au regard de la précision des dispositions du code pénal et du code de la sécurité sociale d'une part, de la rareté des cas d'engagement de la responsabilité pénale d'élus à la suite d'infractions à l'encontre d'une personne exécutant un travail d'intérêt général d'autre part, il n'est pas envisagé à ce jour une modification législative ou réglementaire du statut de la personne condamnée à un travail d'intérêt général. Enfin, afin d'accompagner au mieux les structures d'accueil et notamment les tuteurs des personnes en travail d'intérêt général, un catalogue de formation à destination des responsables d'organismes et des tuteurs et un guide du tuteur sont en cours d'élaboration par l'ATIGIP. Ces outils pédagogiques présentent un intérêt majeur afin de rassurer les structures d'accueil sur le suivi et la prise en charge opérationnels des personnes condamnées et de les accompagner dans la réalisation de leurs missions avec l'appui des services du ministère de la Justice.

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