Question de Mme SOLLOGOUB Nadia (Nièvre - UC) publiée le 16/04/2020
Mme Nadia Sollogoub attire l'attention de M. le ministre des solidarités et de la santé sur les risques de rupture de stock de produits de sédation (curares, midazolam, propofol). En avril 2020, le chef de service de réanimation dans un hôpital francilien interrogé s'en inquiétait, en soulignant qu'habituellement, dans le service, moins de 50 % des patients sont intubés pour une durée de sept jours. Or, chacun sait aujourd'hui, avec le Covid-19, 100% des malades entrant en réanimation seront intubés pour une durée de quinze jours au moins.
L'organisation mondiale de la santé, comme les agences des médicaments, reçoivent depuis plusieurs jours des alertes à répétition sur de possibles ruptures de stock dans de nombreux pays. Le point de la situation du ministère de l'intérieur du 25 mars 2020 indiquait ainsi que « les hôpitaux civils n'ont qu'une semaine d'approvisionnement, tandis que les hôpitaux militaires n'ont plus que 2,5 jours de stock, contre quinze jours en temps normal ».
Les manques sont aujourd'hui tels que les centres hospitaliers mettent en place une politique de gestion de la pénurie. Ainsi, l'assistance publique-hôpitaux de Paris (AP-HP) a établi en urgence un guide des bonnes pratiques, destiné à encadrer l'utilisation des traitements. Il s'agit par exemple de mesurer avec précision la « profondeur de l'anesthésie » pour une meilleure posologie du curare, ou encore de « potentialiser les hypnotiques » grâce à l'ajout d'autres médicaments. Mais, dans la durée, rien ne sera possible sans l'organisation rapide de nouvelles filières d'approvisionnement, fussent-elles multiples.
On a déjà appris que l'agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) avait pris contact avec les industriels concernés afin de garantir la sécurisation de l'approvisionnement, voire l'augmentation de la production. Mais l'on sait aussi que ce besoin impérieux se heurte à la difficulté d'accès à des matières premières. Or, l'Inde a par exemple interdit dès le 4 mars 2020 l'exportation de vingt-six principes actifs, tandis que certains redoutent que les États-Unis puissent décider de réserver leur production de curares à leurs besoins internes.
Dans ce contexte, pour donner tant aux soignants qu'à nos concitoyens l'assurance qu'ils n'auront pas de pertes de chances liées à ces ruptures, elle souhaiterait que le Gouvernement veuille enfin détailler l'action, par produits et par filière d'origine, qui est menée pour anticiper les pénuries. Elle souhaite notamment savoir si les moyens sont recensés au niveau national, et si oui, lesquels, afin d'identifier quelle ligne de production de médicament pourrait être utilisée ou réquisitionnée pour réorienter au plus vite la production vers ces médicaments de première nécessité dont nous allons manquer.
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Transmise au Ministère des solidarités et de la santé
Réponse du Ministère des solidarités et de la santé publiée le 30/07/2020
Les hôpitaux du monde entier sont confrontés à des besoins croissants en médicaments, en particulier pour ceux utilisés en réanimation, et les ruptures de stock de médicaments sont une préoccupation majeure des pouvoirs publics. À ce titre, tout levier incitatif permettant de développer l'investissement dans les capacités de production sur le territoire de l'Union européenne est investigué. Ces tensions sont maîtrisées grâce à un dispositif exceptionnel qui vise à massifier les achats et à sécuriser la mise à disposition des médicaments dont les difficultés d'approvisionnement font courir aux patients un risque grave et immédiat. Ce dispositif, créé par le décret n° 2020-466 du 23 avril 2020 complétant le décret n° 2020-293 du 23 mars 2020, prévoit que l'achat des molécules prioritaires (3 curares et 2 hypnotiques) est effectué uniquement par l'État ou, pour son compte, par Santé publique France, l'État se substituant ainsi aux établissements de santé. Le ministère chargé de la santé répartit les stocks entre les établissements, en lien avec l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé et les Agences régionales de santé, sur la base d'une attribution hebdomadaire. Plus largement, la feuille de route « Lutter contre les pénuries et améliorer la disponibilité des médicaments en France » présentée le 8 juillet 2019 par le ministère des solidarités et de la santé vise à répondre aux préoccupations légitimes des patients. Faisant suite à la présentation de cette feuille de route, le comité de pilotage chargé de la stratégie de prévention et de lutte contre les pénuries de médicaments, installé en septembre 2019, rassemble les associations de patients, l'ensemble des acteurs de la chaîne d'approvisionnement, les prescripteurs, l'Ordre national des pharmaciens, l'Ordre national des médecins et les autorités nationales compétentes. Par ailleurs, le Premier ministre a confié à M. Jacques Biot la rédaction d'un rapport visant à analyser les causes profondes de cette situation en matière de choix industriels. Les conclusions de ce rapport sur les processus de production et logistiques, permettront d'étudier des solutions concrètes aux problématiques actuelles de la production pharmaceutique française.
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