Question de M. GAY Fabien (Seine-Saint-Denis - CRCE) publiée le 23/04/2020
M. Fabien Gay attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur les impacts de la crise liée à la pandémie de Covid-19 sur le modèle agricole et la sécurité alimentaire de la France.
La crise sanitaire mondiale liée à la pandémie de Covid-19 et les impacts qu'elle produit sur l'agriculture de notre pays ne sont pas négligeables. De nombreux exploitants souffrent de cette crise. Mais leur souffrance ne date pas d'aujourd'hui.
Leur mal-être et leurs inquiétudes sont bien plus profonds, et trouvent leurs causes bien avant cette crise qui ne fait qu'exacerber les contradictions d'un système qui n'a fait que fragiliser la situation économique des exploitations agricoles de notre pays via une accentuation permanente de la concurrence sur un marché plus que jamais mondialisé.
Nos agriculteurs se retrouvent ainsi contraints de produire toujours plus à moindre coût pour répondre aux injonctions d'un marché totalement dérégulé, qui plus est par des accords de libre-échange comme le traité de libre-échange transatlantique (TAFTA), l'accord économique et commercial global entre l'Union européenne et le Canada (CETA) ou encore les accords avec le marché commun du sud (Mercosur). Ces accords mettent non seulement en danger la pérennité de nos exploitants agricoles, et notamment notre agriculture paysanne, mais laissent aussi craindre pour notre capacité à acquérir une souveraineté alimentaire, qui montre toute sa nécessité par temps de crise.
Le président de la République, et certains membres du Gouvernement ont affirmé que cette crise devait être l'occasion de repenser notre modèle de société. Repenser notre modèle de société implique de repenser notre modèle de production et de consommation, tout en répondant aux défis sociaux et écologiques qu'impose notre époque.
Pour répondre à ces défis majeurs, il convient de repenser en profondeur notre modèle agricole. Par exemple, il pourrait être envisageable de refuser les accords de libre-échange pour relocaliser certaines productions agricoles en France et ainsi favoriser une agriculture plus locale et paysanne, respectueuse de l'environnement qui pourrait être profitable autant aux agriculteurs qu'aux consommateurs, et permettre la souveraineté alimentaire de la France.
Enfin, la coopération et un juste échange doivent devenir la norme plutôt que la compétition et le libre-échange.
Il souhaite donc savoir d'une part, si le Gouvernement prévoit d'engager des mesures fortes et concrètes pour aider les agriculteurs à faire face à cette crise, et d'autre part, s'il ambitionne de mettre en place un nouveau modèle agricole, refusant les accords de libre-échange, relocalisant certains productions avec de hautes ambitions en matières de normes sociales et environnementales, garantissant une certaine souveraineté alimentaire à la France, afin de protéger les agriculteurs comme les consommateurs, mais aussi nos écosystèmes.
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Réponse du Ministère de l'agriculture et de l'alimentation publiée le 25/06/2020
La crise covid-19 est une crise sanitaire sans précédent, dont les impacts sur l'économie sont majeurs. Dans le secteur agro-alimentaire, cette crise a notamment entraîné la fermeture de certains débouchés pour les filières agricoles et des perturbations sur le marché européen. La priorité du Gouvernement est d'assurer la viabilité des entreprises agricoles et agroalimentaires. Au niveau national, ces dernières peuvent bénéficier des dispositifs de soutien à la trésorerie mis en place par le Gouvernement depuis le début de la pandémie. Ainsi, les exploitations agricoles les plus touchées par la crise peuvent également bénéficier du fonds de solidarité mis en place par le Gouvernement. Il permet de soutenir les entreprises qui auraient connu une chute d'au moins 50 % de leur chiffre d'affaires mensuel en mars et avril 2020 par rapport à l'année passée, dans la limite d'un plafond d'aide de 8 000 euros par entreprise, tous financeurs confondus. Les filières les plus impactées par les fermetures administratives bénéficieront en complément d'exonérations de charges sociales. La priorité est également d'assurer, au niveau européen, le bon fonctionnement du marché unique et de réguler les marchés dans les secteurs où les cours se sont repliés. Depuis le début de la crise sanitaire, la France a multiplié les initiatives diplomatiques et a mobilisé ses partenaires pour inciter la Commission européenne à mettre en place les mesures de gestion des marchés et des crises prévues par l'organisation commune des marchés lorsque la situation des filières le nécessite. À la suite des demandes récurrentes des États membres, la Commission européenne a pris le 22 avril 2020 différentes mesures dans le cadre de l'organisation commune des marchés, notamment des dispositifs d'aide au stockage privé dans les secteurs des produits laitiers et de la viande et un dispositif d'aide à la distillation de crise dans le cadre du programme national d'aides à la viticulture. L'ensemble du Gouvernement, dont le ministère de l'agriculture et de l'alimentation, reste pleinement mobilisé pour suivre l'évolution de la situation pour l'ensemble des filières agricoles et apporter les solutions appropriées le plus rapidement possible. La propagation mondiale du covid-19 place le monde entier dans une situation inédite avec un double défi, sanitaire et économique, auquel il convient de faire face collectivement. Dans ce contexte, la capacité de l'Union européenne (UE) à conserver ses outils de production et de transformation agricole et alimentaire, à renforcer la robustesse, la durabilité et la résilience de la chaîne alimentaire est un enjeu majeur pour l'avenir de l'UE et pour le projet européen. En matière de politique commerciale, il importe que l'Europe continue à favoriser un commerce mondial équilibré, et évite l'écueil du repli sur soi, dont les conséquences pourraient amplifier les effets de la crise. Le Gouvernement a déjà pris dans le plan d'action de l'accord économique et commercial global (CETA) des engagements relativement aux accords commerciaux que négocie l'UE avec les pays tiers. La France est particulièrement attachée à ce que les filières européennes bénéficient de cadres européens protecteurs efficaces vis-à-vis de la concurrence déloyale et reste très attentive pour activer les instruments de défense commerciale et les mécanismes de sauvegarde, dès que les critères sont réunis, dans le respect du droit européen et international. Le principe selon lequel tout produit qui entre dans l'UE doit respecter les règles du marché intérieur, en particulier les normes sanitaires et phytosanitaires, est non-négociable. Le Gouvernement a bien identifié que les préoccupations exprimées, à la fois par les éleveurs et les consommateurs, ne portent pas seulement sur la qualité sanitaire des importations, mais également sur l'équivalence des modes de production. L'article 44 de la loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous s'inscrit dans cet objectif d'égalisation des conditions de concurrence entre les producteurs de l'UE et des pays tiers. Sa mise en uvre, à laquelle travaille le Gouvernement, doit cependant intégrer l'ensemble des dimensions du marché unique et préserver la compétitivité des producteurs français au sein même de l'UE. C'est prioritairement au niveau européen que les standards de production applicables aux produits issus de pays tiers doivent être fixés. La France est à l'initiative de l'introduction, dans la réglementation sanitaire de l'UE, d'éléments de réciprocité envers les produits issus de pays tiers, comme en témoigne le règlement européen sur les médicaments vétérinaires. Le Gouvernement porte auprès de la Commission européenne l'objectif d'une meilleure cohérence entre la politique commerciale et la politique agricole de l'UE, conformément aux engagements de l'axe 3 de son plan d'action relatif au CETA. Il le porte également dans la réforme de la politique agricole commune (PAC), en affirmant que la nouvelle PAC, en cohérence avec les autres politiques européennes, doit accompagner le projet européen au service d'une agriculture répondant à des standards exigeants et ne peut se concevoir sans une régulation sociale, environnementale et sanitaire des échanges avec les autres pays. C'est une priorité stratégique pour la France. Le pacte vert, au travers de la stratégie « de la ferme à la table » et en lien avec la stratégie biodiversité, constitue en ce sens une opportunité unique pour réaffirmer et refonder le contrat social sur l'alimentation qui lie l'UE avec ses concitoyens depuis la mise en place du traité de Rome. L'objectif est de mettre en place des systèmes alimentaires équitables, sains et respectueux de l'environnement dans un contexte d'urgence climatique et environnementale, qui nécessite d'accompagner la transition écologique des systèmes alimentaires afin d'en renforcer la résilience et la durabilité. Le plan protéines porté par la France s'inscrit dans la double perspective d'accroître l'autonomie française, notamment en matière d'alimentation animale, et de contribuer à une production agricole plus durable, tant par l'apport de ces cultures à la santé des sols agricoles français, qu'au regard des produits végétaux actuellement importés pour nourrir le bétail.
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