Question de M. DARNAUD Mathieu (Ardèche - Les Républicains) publiée le 07/05/2020
Question posée en séance publique le 06/05/2020
M. le président. La parole est à M. Mathieu Darnaud, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. Mme Nadia Sollogoub applaudit également.)
M. Mathieu Darnaud. Monsieur le Premier ministre, à l'heure où les parents d'élèves s'inquiètent, où les directeurs d'école redoutent cette date du 11 mai et ses nombreuses inconnues, où les maires s'interrogent sur leur capacité à répondre à la lourdeur écrasante des protocoles qui leur sont imposés, il est temps que le Gouvernement rassure en envoyant des signes clairs et forts.
Trop d'interrogations demeurent sur la question des moyens. Je pense aux masques, au gel ou encore aux concours financiers pour soutenir les communes et les intercommunalités qui mettraient en œuvre les activités périscolaires que vous avez dénommées « sport, santé, civisme et culture ».
À ce propos, nous souhaiterions une réponse précise : quel protocole s'appliquera pour ces activités périscolaires ? un protocole spécifique ou un protocole scolaire ?
Enfin, sur la problématique majeure de la responsabilité, le Sénat, au cours de l'examen du projet de loi prorogeant l'état d'urgence sanitaire, a souhaité offrir aux élus et aux directeurs d'établissement l'assurance que, en appliquant des consignes qu'ils n'ont en rien décidées, ils ne sauraient être poursuivis en cas de nouvelles contaminations. Il s'agit d'un préalable essentiel si l'on veut garantir un climat de confiance indispensable à cette rentrée scolaire.
Ma question est claire : soutiendrez-vous cette disposition afin que la sortie du confinement souhaitée ne devienne pas une date redoutée ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. Mme Nadia Sollogoub et M. Hervé Maurey applaudissent également.)
Réponse du Premier ministre publiée le 07/05/2020
Réponse apportée en séance publique le 06/05/2020
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le sénateur, je vais répondre à la dernière partie de votre question, qui porte sur un sujet central.
Vous avez été élu maire, je l'ai été aussi. Vous vous souvenez donc comme moi de l'étendue des responsabilités qui ont été les nôtres : je ne pense pas que, ni dans votre cas ni dans le mien, cela ne nous ait jamais empêchés de prendre des décisions en veillant, dans toute la mesure du possible, à respecter la loi. Ce faisant, nous n'avons jamais cherché à nous exonérer de nos responsabilités. De ce point de vue, nous sommes bien alignés.
Vous avez raison, la perspective du déconfinement interroge ; parfois, elle inquiète nombre de nos concitoyens, parce que le virus fait peur, parce que beaucoup d'inconnues subsistent encore à la fois sur l'impact médical, sur la réalité de ce virus et sur ses modes de transmission. Par ailleurs, après une si longue période de confinement, reprendre une vie normale, même prudemment, même progressivement, a forcément quelque chose d'inquiétant.
Comme vous l'avez indiqué à juste titre, nous sommes tous saisis de très nombreuses questions formulées parfois par les maires, parfois par des responsables associatifs, parfois par des chefs d'entreprise, parfois par des responsables administratifs, qui s'interrogent sur les bonnes décisions à prendre.
Quelquefois, mais à titre infiniment subsidiaire, ils se posent aussi des questions sur la mise en cause de la responsabilité qui pourrait être la leur. Je ne dis pas que la problématique n'est pas importante, je dis seulement qu'en général ceux qui ont des décisions à prendre se posent d'abord la question de savoir si la décision qu'ils vont prendre est bonne. Seulement ensuite, le cas échéant, ils se demandent si l'on pourrait venir la leur reprocher. Je pense que c'est l'expérience que vous aussi avez.
J'ai indiqué ici même, à la tribune, lundi, à l'occasion de la présentation du plan de déconfinement, que ces questions étaient importantes et qu'il fallait les traiter sérieusement. J'entends parfaitement que le Parlement, dans son pouvoir souverain, puisse essayer d'apporter des améliorations.
J'ai également indiqué, monsieur le sénateur, et vous m'avez certainement entendu, que j'étais parfaitement favorable à ce que l'on précise le droit existant, déjà très protecteur, grâce au Sénat, d'ailleurs. Ce dernier, il y a vingt ans, a permis que la responsabilité des « décideurs », comme on dit parfois par facilité de langage, soit beaucoup mieux encadrée de telle sorte qu'elle ne soit pas trop facilement et trop systématiquement attaquée dans des cas où ils ne peuvent être tenus pour responsables. Je crois que ce dispositif est bon.
S'agissant de la réouverture des écoles, c'est l'État qui prend la responsabilité de les rouvrir. C'est l'État qui a fermé les écoles et c'est l'État qui décidera de les rouvrir. Il s'agit bien d'une responsabilité de l'État.
Sans doute faut-il préciser, s'agissant de la responsabilité civile ou de la responsabilité pénale, le régime de responsabilité. Faudrait-il inclure dans la loi des choses qui sont déjà dans la jurisprudence ou préciser que l'on ne peut prendre de décisions, s'agissant d'une épidémie, qu'en état actuel des connaissances scientifiques ? Sans doute. Mais atténuer, monsieur le sénateur, la responsabilité d'une catégorie de décideurs ou même de tous les décideurs ne me semble pas une bonne idée.
Je le dis comme je le pense, en étant conscient que ma réponse peut susciter chez beaucoup de maires des interrogations, voire des oppositions : si nous donnions le sentiment d'atténuer ou, plus encore, si nous atténuions effectivement la responsabilité des décideurs, nous ne rendrions pas service à notre pays et nous ne redonnerions pas confiance à nos concitoyens.
Je me permets donc de dire clairement que je ne m'inscris pas du tout dans une logique d'atténuation de la responsabilité. Le Sénat s'est exprimé. La position du Gouvernement a été claire. L'Assemblée nationale est saisie du texte tel qu'il est issu des travaux du Sénat. J'ai tendance à penser que le débat sera intéressant. Je fais confiance à la navette, je fais confiance à la discussion entre les assemblées, comme je l'ai toujours fait, mais je vous ai indiqué de la façon la plus claire possible quelle était la position du Gouvernement.
Je crois, monsieur le sénateur, qu'il faut songer, y compris dans ces moments d'angoisse, à ce que penseraient nos concitoyens si nous prenions une telle décision. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
M. Bruno Retailleau. Monsieur le Premier ministre, il faut aller le dire aux députés En Marche, car la commission des lois de l'Assemblée nationale examine en ce moment un amendement sur la responsabilité !
M. le président. La parole est à M. Mathieu Darnaud, pour la réplique, et à lui seul !
M. Mathieu Darnaud. Certes, monsieur le Premier ministre, c'est l'État qui prend la responsabilité, mais vous ne pouvez pas méconnaître que ce sont les maires qui seront à la manuvre, y compris lorsqu'il s'agira, dans le cadre du temps scolaire, de mettre en place des programmes qui sont périscolaires. L'agilité que vous leur demandez n'est pas chose simple. Si vous voulez que ce déconfinement et cette rentrée scolaire se passent de la meilleure façon, il importe plus que jamais de renouer le lien de la confiance. C'est cette confiance qui permettra toutes les formes de réussite ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. Mmes Françoise Gatel et Nadia Sollogoub applaudissent également.)
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