Question de M. MASSON Jean Louis (Moselle - NI) publiée le 04/06/2020
M. Jean Louis Masson attire l'attention de M. le ministre de l'économie et des finances sur le fait que certains indicateurs économiques sont totalement aberrants. Ils contribuent à tromper l'opinion publique et c'est d'autant plus grave que l'Insee les utilise parfois. Ainsi le calcul du taux de pauvreté prend en compte les ménages dont le revenu est inférieur à 50 % du revenu médian. Il faudrait au contraire prendre en compte la proportion de personnes dont le revenu ne permet pas d'accéder à un ensemble minimal de biens et de services pour mener une vie considérée comme décente. Avec le système actuel du calcul de pauvreté, si demain tous les revenus sont multipliés par deux et que les prix n'augmentent pas, il y aura toujours le même nombre de pauvres. De même, si demain tous les revenus sont divisés par deux et que les prix restent inchangés, il y aura également le même nombre de pauvres. Cela prouve bien que le calcul utilisé est stupide. En fait, ce que l'on appelle le taux de pauvreté est seulement un indicateur d'inégalité ou d'écart de revenu. Il lui demande s'il ne pense pas que le taux de pauvreté devrait être calculé avec des critères vraiment représentatifs de la pauvreté.
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Transmise au Ministère de l'économie, des finances et de la relance
Réponse du Ministère de l'économie, des finances et de la relance publiée le 24/12/2020
Il n'existe pas de définition statistique internationale de la pauvreté à ce jour mais schématiquement il existe deux approches de la mesure de la pauvreté relativement différentes. La première approche est une mesure qui se veut absolue de la pauvreté où l'on cherche à mesurer la capacité des personnes à acquérir un panier de consommation minimal. La seconde approche est une mesure de la pauvreté « relative » où sont pauvres les personnes dont les ressources sont très inférieures au revenu courant dans le reste de la population. L'approche relative est privilégiée depuis longtemps en Europe, et donc en France. Ainsi le Conseil de l'Europe définissait en 1984 les personnes "pauvres" comme « les personnes dont les ressources (matérielles, culturelles ou sociales) sont si faibles qu'elles sont exclues des modes de vie minimaux acceptables dans l'État membre où elles vivent ». La référence à une norme dépendant de l'État où l'on vit renvoie dans cette définition à une approche plutôt relative de la pauvreté. Ainsi, même s'il existe plusieurs indicateurs de pauvreté, l'indicateur central de la pauvreté en Europe, et donc en France, est un indicateur relatif, avec un seuil de pauvreté fixé à 60 % de la médiane des revenus (plutôt que 50 %, même si les chiffres avec un seuil à 50 % sont aussi diffusés par l'Insee). Le parlementaire a raison de dire, que dans une situation où tous les revenus seraient multipliés par deux, la pauvreté ne bougerait pas. De même il est exact que l'indicateur de pauvreté ainsi mesuré est un indicateur d'inégalités ou d'écart entre le bas d'une distribution de revenus, et sa partie médiane. Il nous semble pourtant que cette mesure a du sens. Elle consiste à considérer qu'on est exclu des modes de vie « normaux » (représentés par la médiane) dès lors que ses ressources sont loin (c'est le 60 %) des ressources « courantes » dans le pays. La notion d'exclusion est ici importante : les personnes sont pauvres quand leurs ressources sont tellement en dessous de celles du ménage moyen que cela les exclut des modes de vie ordinaires du pays. Pour autant, les économistes et statisticiens, dont ceux de l'Insee, sont conscients de la complexité de la pauvreté et de la nécessité de disposer de plusieurs indicateurs pour la mesurer. L'Insee et les autres instituts statistiques européens disposent d'une mesure dite de la pauvreté en condition de vie qui relève d'une approche absolue de la pauvreté : sont définis comme pauvres en condition de vie les personnes qui cumulent un certain nombre de privations dans leur existence. Ces privations peuvent être des restrictions de consommation (parmi une liste proposée), des retards de paiements, ou des difficultés de logement. On est pauvre en condition de vie quand on cumule un nombre de privations important.
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