Question de M. MIZZON Jean-Marie (Moselle - UC) publiée le 02/07/2020

M. Jean-Marie Mizzon interroge M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse sur l'illettrisme qui demeure, à l'aube du XXIe siècle, une réalité dans notre pays. Si l'analphabétisme caractérise une personne qui ne sait ni lire ni écrire, l'illettrisme concerne les personnes qui, ayant appris à lire et à écrire, en ont complètement perdu l'usage. Concrètement, à ce jour en France, 7 % de la population adulte, âgée de 18 à 65 ans, ne maîtrise pas la langue française. Il s'agit donc de 2,5 millions d'hommes et de femmes qui ont bien été scolarisés mais n'ont pas acquis – ou ont perdu - une maîtrise suffisante de la lecture, de l'écriture, du calcul ou encore de compétences de base. Par là-même, ils ne peuvent être autonomes dans les situations simples de la vie courante et se trouvent, de facto, particulièrement exposés au risque d'exclusion sociale. Sur ces millions de personnes, la moitié a plus de 45 ans. Plus de la moitié exerce une activité professionnelle. Enfin, la moitié vit dans des zones rurales ou faiblement peuplées et 10 % vivent dans des zones urbaines sensibles (ZUS). Ces statistiques de l'institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) et tous ces chiffres sont particulièrement glaçants. Ils sont surtout éminemment inacceptables pour la patrie des Lumières. Les journées nationales d'action contre l'illettrisme, organisées par l'agence nationale de lutte contre l'illettrisme (ANLCI) dans le prolongement de la grande cause nationale attribuée en 2013 à la lutte contre l'illettrisme, n'y changent malheureusement pas grand-chose. C'est d'autant plus déplorable que les conséquences pour ces hommes et ces femmes sont multiples. Ainsi, aujourd'hui en France, nombre de nos concitoyens rencontrent des difficultés à communiquer, à s'exprimer, à échanger, à utiliser des biens et des services, à accéder aux soins, au logement. Ils sont également confrontés à des difficultés pour accéder à l'information, pour construire de nouvelles connaissances sans parler des difficultés à accéder à l'emploi, à faire face aux changements dans leur entreprise ou encore à participer à la vie sociale et culturelle de notre pays. Les formes de l'illettrisme sont, elles aussi, multiples et leur énumération mérite l'exhaustivité tant elle peut, à elle seule, provoquer une prise de conscience aiguë de ce problème. Elles consistent, en effet, à ne pas savoir se repérer dans le temps et dans l'espace et circuler seul, ne pas pouvoir faire ses courses, ne pas savoir prendre un médicament, ne pas savoir lire une notice, ne pas savoir utiliser un appareil, ne pas pouvoir suivre la scolarité de son enfant, ne pas pouvoir retirer de l'argent d'un distributeur automatique, ne pas pouvoir lire un schéma, ne pas savoir lire une consigne de travail ou de sécurité, ne pas savoir lire un planning d'horaires de travail, ne pas savoir calculer les quantités et, enfin, ne pas pouvoir communiquer avec son entourage au travail (clients, collègues…). Afin d'être le plus très complet possible sur cette question douloureuse pour notre Nation, il convient de citer et surtout d'entendre le propos d'un linguiste engagé depuis plus de vingt ans dans la lutte contre l'illettrisme et qui dresse le constat suivant, particulièrement alarmant : « En France, 11 % des plus de 15 ans ont de grosses difficultés de lecture et d'écriture et sont incapables de lire un texte simple de plus de cinq lignes et d'en tirer une information ou une action. C'est inacceptable pour la santé culturelle et économique de notre pays mais aussi sur le plan des valeurs. Laisser quelqu'un sur le bord du chemin de la lecture, incapable de raisonner, c'est le rendre vulnérable à des discours extrémistes ». Aussi, il demande si des mesures conséquentes sont envisagées pour pallier cette situation inacceptable au regard de notre pacte républicain.

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Transmise au Ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports


Réponse du Ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports publiée le 07/01/2021

Le Gouvernement est pleinement investi dans la lutte contre l'illettrisme et la maîtrise par tous des compétences de base, pour l'insertion sociale, culturelle et professionnelle de tous les citoyens. Être en situation d'illettrisme, c'est avoir désappris à lire, à écrire, à compter, au fil de la vie, à cause d'acquis et de savoirs trop fragiles. C'est pourquoi le ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports (MENJS) mène avant tout une action volontariste de prévention de l'illettrisme, qui consiste à mettre l'accent durant toute la scolarité sur l'acquisition des savoirs fondamentaux (lire, écrire, compter, respecter autrui) et à permettre à tous d'atteindre une aisance en lecture et en écriture suffisante pour conserver durablement la maîtrise et le goût de la langue, ne pas désapprendre au cours de sa vie et ne pas se retrouver en situation d'illettrisme. Le MENJS met donc en œuvre un ensemble de mesures ambitieuses, ciblées sur ceux qui en ont le plus besoin, afin d'agir le plus précocement possible et de favoriser des apprentissages durables et solides, particulièrement : l'abaissement de l'âge de l'instruction obligatoire à 3 ans pour combattre les déterminismes sociaux, en développant très tôt, par un travail quotidien, le vocabulaire des enfants, en leur faisant découvrir la phonologie et le principe alphabétique, en développant leur écoute et leur compréhension de textes lus par l'adulte, en les familiarisant avec les livres ; le dédoublement des classes de CP et CE1 en zone d'éducation prioritaire pour mieux accompagner les élèves au moment crucial de l'entrée dans la lecture et l'écriture ; un renouvellement et un enrichissement des pratiques pédagogiques dans les classes élémentaires pour plus d'efficacité dans les apprentissages en formant et accompagnant les professeurs grâce à un ensemble d'outils et de ressources pédagogiques ciblés sur les savoirs fondamentaux ; des évaluations en CP, CE1 et 6ème, des tests de positionnement (français et mathématiques) en classes de seconde et de CAP, afin de repérer les difficultés de certains élèves et de mettre en place des solutions de remédiation adaptées à chacun ; des ressources spécifiques d'aide à la remédiation pour les élèves repérés en difficulté, mises à la disposition des professeurs, et des dispositifs de soutien aux élèves, comme les stages de réussite, « Devoirs faits », l'accompagnement personnalisé… ; des actions autour du livre et la lecture afin de faire naître et croître le goût de la lecture, de former des lecteurs compétents et actifs aimant la lecture sous toutes ses formes : plan d'investissement pluriannuel dans les bibliothèques d'école ; distribution en fin d'année scolaire à tous les élèves de CM2 d'un recueil de fables de La Fontaine illustrés par un dessinateur renommé pour encourager la lecture sur le temps de loisir (« Un livre pour les vacances ») ; instauration d'un temps de lecture personnelle quotidien à l'école, appelé « quart d'heure lecture » ; promotion de la lecture à voix haute, avec particulièrement un grand concours national, « Si on lisait à voix haute », organisé en partenariat avec France télévisions et l'émission « La grande librairie »… Ces différentes mesures, en faveur d'une amélioration des conditions d'apprentissage, de la qualité des enseignements dispensés, de la détection des élèves en difficulté et de la remédiation qui leur est proposée, et de la place du livre et de la lecture à l'École permettront à chaque élève d'acquérir durablement la maîtrise de la lecture, de l'écriture et des compétences de base. Quant aux élèves repérés en grande difficulté avec l'écrit lors de la Journée défense et citoyenneté, leurs noms sont transmis par les centres du service national aux directions des services départementaux de l'éducation nationale, qui doivent mettre en place pour ces jeunes des actions de remédiation dans les établissements publics locaux d'enseignement ou au niveau d'un district voire d'un bassin de formation. Les missions de lutte contre le décrochage scolaire (MLDS) et les réseaux Formation Qualification Emploi (FOQUALE), qui se déploient sur l'ensemble du territoire et regroupent les établissements et dispositifs relevant de l'éducation nationale, dont les structures de retour à l'école de type micro-lycée, peuvent être mobilisés. Enfin, pour ce qui concerne l'accès des adultes illettrés aux compétences de base, le MENJS est engagé, au côté des autres ministères concernés, des collectivités territoriales, des acteurs du monde de l'emploi, de la formation et l'orientation professionnelles, des entreprises et des opérateurs de compétences, dans le renforcement de l'action de l'Agence nationale de lutte contre l'illettrisme (ANLCI). L'existence de l'ANLCI vient d'être pérennisée par une nouvelle convention constitutive sans limitation de durée. Une enquête nationale va permettre de dresser bientôt un état des lieux précis, territoire par territoire, de l'illettrisme et des profils des personnes concernées (les dernières données nationales disponibles datent de 2011), pour mieux répondre aux besoins ; et surtout, le réseau des chargés de mission régionaux « illettrisme » va être complété et renforcé, afin d'assurer de manière équitable et adaptée la nécessaire coordination des actions dans les régions. L'ANLCI assurera quant à elle la coordination nationale de ce réseau. L'ANLCI va pouvoir ainsi, mieux et plus encore, fédérer les acteurs et optimiser les moyens consacrés par l'État et ses partenaires à la lutte contre l'illettrisme, accompagner et professionnaliser les acteurs engagés dans cette lutte, et mettre à leur disposition un cadre commun de référence actualisé, des outils et des méthodes d'intervention opérationnels.

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