Question de M. BOCQUET Éric (Nord - CRCE) publiée le 22/10/2020

M. Éric Bocquet attire l'attention de M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur la problématique de l'évasion fiscale et des flux financiers illégaux issus de l'extraction minière qui assèchent les recettes de l'Afrique.
Un rapport de la conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (Cnuced), publié le 29 septembre 2020, énonce que 836 milliards de dollars ont illégalement quitté le continent africain entre 2000 et 2015, soit environ 4 % du produit intérieur brut (PIB) des pays d'Afrique réunis.
Et ce, alors même que la dette extérieure de l'Afrique, qui pèse avant tout sur les Africains et notamment les plus démunis d'entre eux, s'élevait à 770 milliards de dollars en 2018. Ainsi, sans évasion fiscale, il n'y aurait plus de dette extérieure.
Il est à noter qu'en Afrique, l'évasion fiscale des multinationales représente 52 milliards de dollars par an !
Pour exemple, au Nigéria, les grands groupes envoient 2,4 milliards de profits par an vers les paradis fiscaux dont plus de 600 millions aux seuls Pays-Bas.
En Egypte, l'évasion fiscale représente chaque année 3,4 milliards de dollars de perte. En Afrique du Sud, ce sont environ 5 milliards de dollars de profits des filiales de multinationales qui sont dirigées notamment vers l'Irlande et la Suisse.
Le rapport de la Cnuced estime que dans de nombreux pays africains, 20 à 30 % des fortunes privées sont placées dans les paradis fiscaux.
À cela s'ajoutent des mécanismes de fraude à grande échelle notamment dans le domaine de l'extraction minière (or, diamant, platine). C'est par exemple la mise en place d'un système de sous-facturation qui consiste pour une entreprise exportatrice à minorer la valeur déclarée de ses exportations afin de dissimuler une partie des bénéfices commerciaux qu'elle réalise à l'étranger.
Ce sont des milliards de dollars de richesses qui échappent aux pays d'Afrique et aux Africains eux-mêmes.
Aussi, face à cet enjeu planétaire de lutte contre l'évasion et la fraude fiscales et pour le bien des peuples du monde, il lui demande ce que compte faire la France pour qu'une coopération internationale puisse enfin s'engager contre ces fléaux et rendre par ailleurs toutes leurs richesses aux pays du sud.

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Réponse du Ministère de l'Europe et des affaires étrangères publiée le 01/04/2021

La France et l'Union européenne (UE) sont engagées de longue date auprès des pays africains sur les sujets de mobilisation des ressources intérieures, de transparence fiscale, notamment dans le secteur minier. La France poursuit et renforce sa mobilisation au sein des initiatives internationales pour accélérer la mise en œuvre d'actions concrètes. Les ressources intérieures d'un pays - tant fiscales que non fiscales (comme par exemple, les revenus tirés de l'extraction des matières premières) - devraient constituer à long terme la première source de financement public du développement. Aujourd'hui et malgré des progrès et de fortes hétérogénéités entre États, la mobilisation de ces ressources demeure souvent trop faible en proportion du produit intérieur brut dans de nombreux pays et insuffisante au regard des besoins de développement. C'est pourquoi, la France et l'UE font de la mobilisation des ressources intérieures l'une des priorités de leur politique de développement et de coopération internationale et africaine. Cela se traduit dans le nouvel accord entre l'UE et les pays d'Afrique, Caraïbes et Pacifique (ACP), dont les négociations sont quasi-achevées, par l'inscription dans le socle du dialogue politique et de coopération renouvelé avec l'Afrique par des engagements réciproques renforcés en matière de transparence fiscale et financière, de lutte contre la fraude et de réformes fiscales. En parallèle, pour assurer la mise en œuvre opérationnelle de la stratégie interministérielle « fiscalité et développement » structurant les priorités de la coopération française en appui à la mobilisation des ressources intérieures publiques des économies en développement, la France a élaboré un « Plan d'investissement stratégique pour le développement 2020-2023 ». Ce dernier permet le financement d'initiatives bilatérales et multilatérales destinées à accroître la mobilisation des ressources intérieures en Afrique subsaharienne. Pour ce plan d'action, des indicateurs d'impacts ont été définis, sur lesquels la France assurera une redevabilité. Sur les 60M€ mobilisés, 30 M€ sont dédiés aux projets bilatéraux portés par l'Agence française de développement (AFD) et Expertise France. Plusieurs projets sont déjà en cours : en Mauritanie, s'inscrivant dans une démarche de programmation conjointe avec l'UE, la France appuie l'utilisation des nouvelles technologies pour renforcer les échanges d'informations entre la direction générale des impôts et la direction générale des douanes et à fiabiliser le recensement des contribuables, et pour faciliter les obligations des entreprises, réduire les défaillances déclaratives et de paiement permettant d'améliorer le recouvrement des recettes. La France mène également un projet régional en Afrique de l'Ouest, sur la formation des cadres des administrations fiscales et douanières des États membres de l'Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA). En matière de transparence fiscale, la France entretient une coopération étroite avec les administrations fiscales étrangères, dont celles des pays africains. La France est l'un des plus importants partenaires et donateurs du programme « Initiative Afrique », institué en 2014 par le Forum mondial pour la transparence fiscale et l'échange de renseignements à des fins fiscales, en partenariat avec les pays africains membres du forum mondial et les organisations régionales. Ce programme vise à sensibiliser politiquement sur les avantages de la transparence et l'échange de renseignements dans la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales et à aider les administrations fiscales africaines en matière d'échange de renseignements tant sur demande qu'automatique. Au sein de cet espace, les organisations africaines (Union africaine, Commission économique des Nations unies pour l'Afrique, Banque africaine de développement, Communautés régionales économiques) veillent à la mise en œuvre des engagements pris au niveau politique en matière de lutte contre la fraude et l'évasion fiscales. Ce dispositif a largement contribué au renforcement des capacités des administrations fiscales africaines dans leur lutte contre la fraude et l'évasion fiscales internationales. De plus, particulièrement consciente du problème de l'opacité de la fiscalité minière en Afrique, la France s'est engagée en faveur de la transparence du secteur afin que les revenus issus de l'exploitation minière bénéficient davantage aux populations des pays producteurs. La France apporte un appui politique, technique et financier à « l'Initiative pour la Transparence des Industries Extractives (ITIE) », norme mondiale qui vise à promouvoir une gestion ouverte et responsable des ressources extractives. L'ITIE vise à assurer la divulgation des versements effectués par les entreprises pétrolières, gazières et minières aux gouvernements des 54 pays membres de l'initiative, dont 25 pays d'Afrique. Elle impose également la publication des contrats extractifs et exigera au 1er janvier 2021 la publication de registres des bénéficiaires effectifs des entreprises. La France a accueilli, en juin 2019, la dernière grande conférence internationale de l'initiative et a annoncé à cette occasion une contribution de 5M€ au fonds fiduciaire multi-bailleurs de la Banque mondiale pour financer des projets de transparence du secteur, notamment en Afrique. La France soutient également la Fondation pour les études et recherches sur le développement international (FERDI) dans ses activités de formation sur la fiscalité minière en Afrique. Ces formations doivent permettre aux bénéficiaires de mieux comprendre le partage de la rente minière entre l'État et les investisseurs, dans l'objectif de favoriser la mobilisation des ressources intérieures. Enfin, la France organisera, le 18 mai prochain à Paris, un sommet sur le financement des économies africaines, dont l'un des axes forts sera le soutien au secteur privé et renforcement des capacités des États, notamment via la mobilisation des ressources intérieures fiscales, l'amélioration de la transparence et la fiscalisation de l'exploitation du secteur extractif ainsi que la lutte contre les flux financiers illicites.

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