Question de M. FÉRAUD Rémi (Paris - SER) publiée le 05/11/2020
Question posée en séance publique le 04/11/2020
M. le président. La parole est à M. Rémi Féraud, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)
M. Rémi Féraud. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères.
Alors que le terrorisme djihadiste frappe de nouveau notre pays et l'Europe, le président Erdogan multiplie les menaces contre la France, comme il l'avait d'ailleurs fait ces derniers mois contre le gouvernement autrichien.
M. Richard Yung. Tout à fait !
M. Rémi Féraud. Sa politique impérialiste se manifeste en Méditerranée, en Libye, en Syrie, en Irak et, désormais, dans le Caucase, où il soutient concrètement l'offensive de l'Azerbaïdjan contre l'Arménie.
Nous soutenons la position claire et ferme du Président de la République, non pas contre le peuple turc, à qui nous exprimons notre solidarité après le tremblement de terre d'Izmir, mais contre un pouvoir autoritaire, qui menace la stabilité de la région et la sécurité de l'Europe,
M. Julien Bargeton. Tout à fait !
M. Rémi Féraud.
alors même qu'il est membre de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord, l'OTAN.
Monsieur le ministre, il faut maintenant que les actes soient à la hauteur des paroles. La France va-t-elle vraiment demander des sanctions financières contre la Turquie ? Alors que son processus d'adhésion à l'Union européenne est au point mort, ce pays perçoit-il encore des fonds de préadhésion ?
Le boycott des produits français est décrété en violation de l'union douanière entre l'Europe et la Turquie. S'il perdurait, seriez-vous prêt à demander sa suspension ?
En septembre dernier, un rapport de l'ONU a dévoilé les exactions très graves commises à l'encontre des Kurdes de Syrie : quelles suites envisagez-vous d'y donner ? Comptez-vous saisir le Conseil de sécurité des Nations unies ? Pouvez-vous d'ailleurs nous garantir que la France a mis un terme à toute vente de matériel militaire à la Turquie ?
Enfin, après la nécessaire dissolution de l'organisation extrémiste des Loups gris, comptez-vous agir résolument contre l'influence du régime turc sur le territoire national ? (Applaudissements sur des travées des groupes SER, CRCE et RDPI.)
M. Julien Bargeton. Bravo !
Réponse du Ministère de l'Europe et des affaires étrangères publiée le 05/11/2020
Réponse apportée en séance publique le 04/11/2020
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères.
M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Monsieur le sénateur, vos questions sont légitimes et totalement pertinentes. (Exclamations sur des travées du groupe SER.)
Une longue liste de désaccords très sérieux nous oppose à Ankara. Nous attendons tout d'abord de la Turquie qu'elle cesse d'avoir un comportement belliqueux dans le voisinage européen. Ses actions unilatérales en Méditerranée orientale, sa politique agressive en Libye et ses manuvres dans le Haut-Karabakh sont autant de ferments de déstabilisation majeurs. Mais, ces dernières semaines, nous avons franchi dans nos relations avec la Turquie un palier inadmissible entre pays alliés.
Les insultes, les calomnies, la volonté d'instiller une campagne de haine contre la France et l'Europe sont de nature totalement différente : ce sont des menaces. Nous attendons que le président turc et son gouvernement y mettent un terme immédiat. Nous ne tolérerons pas non plus que cette haine et cette violence soient exportées sur le territoire français ; les groupuscules qui les relaient ne doivent pas avoir droit de cité.
En Europe, les réactions de solidarité sont unanimes. Elles le démontrent : il ne s'agit pas d'un simple contentieux franco-turc, mais d'attaques contre l'Europe, ses valeurs et son modèle, fondé sur les libertés fondamentales et l'État de droit.
M. Philippe Pemezec. Alors, pourquoi vouloir laisser la Turquie entrer ?
M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Le Conseil européen a fixé un rendez-vous le mois dernier, avant même l'escalade à laquelle nous avons assisté. Si la Turquie ne modifie pas fondamentalement et concrètement sa posture avant le Conseil européen de décembre prochain, nous prendrons, à l'échelle européenne, les mesures nécessaires à l'encontre des autorités turques.
Vous avez proposé une liste de sanctions, et je vous assure que, dans cette perspective, toutes les options sont sur la table ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Rémi Féraud, pour la réplique.
M. Rémi Féraud. Monsieur le ministre, lors de l'invasion d'Afrine, dans le nord de la Syrie, nous avions alerté quant aux risques d'être faible face aux entreprises du président Erdogan ; la suite a montré que nous avions raison.
Qu'il s'agisse des mots ou des actes, nous veillerons à la fermeté de votre gouvernement ! (Applaudissements sur des travées du groupe SER. M. Julien Bargeton et Mme Patricia Schillinger applaudissent également.)
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