Question de Mme DREXLER Sabine (Haut-Rhin - Les Républicains-A) publiée le 05/11/2020
Mme Sabine Drexler attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports concernant le souhait du Gouvernement d'interdire l'instruction en famille (ou école à la maison).
Dans son intervention du 2 octobre 2020, le président de la République a présenté les grandes lignes du futur projet de loi sur la lutte contre les séparatismes. Il a notamment indiqué qu'il souhaitait strictement limiter l'école à la maison aux cas exceptionnels.
Cette annonce a plongé de nombreux parents dans l'incompréhension et le désarroi.
Les familles qui font le choix de l'instruction en famille ne sont pas contre l'école. Elles souhaitent simplement continuer à avoir la liberté de « choisir le genre d'éducation à donner à leurs enfants » comme le permet la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 dans son article 26-3.
S'il est compréhensible de vouloir lutter contre toute forme de radicalisation et de séparatisme, il ne faut pas faire d'amalgame avec les familles pratiquant l'instruction à domicile qui n'ont pas de velléité d'éloigner leur enfant de la République.
L'instruction en famille est d'ailleurs encadrée et la loi n° 2019-791 du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance est venue renforcer ce cadre réglementaire : les parents font chaque année une déclaration auprès du maire. Un contrôle a lieu automatiquement la première année puis tous les deux ans par les services de la mairie du domicile des parents. À cela s'ajoute un contrôle de l'inspecteur académique au moins une fois par an. Ainsi, toute dérive sectaire, radicale, séparatiste ou de maltraitance peut être détectée et stoppée. D'ailleurs, les cas d'enfants exposés à un risque de radicalisation et repérés à l'occasion d'un contrôle de l'instruction au domicile sont exceptionnels. Interdire l'instruction à domicile n'empêchera pas ceux qui enseignent le radicalisme religieux à leurs enfants de continuer à le faire.
Il est aussi envisagé de restreindre l'instruction en famille aux seules raisons de santé. Là encore, cette décision serait contraire à la déclaration des droits de l'enfants du 20 novembre 1959 qui stipule dans son principe 7 que « l'intérêt supérieur de l'enfant doit être le guide de ceux qui ont la responsabilité de son éducation et de son orientation ; cette responsabilité incombe en priorité aux parents. L'enfant doit avoir toutes les possibilités de se livrer à des jeux et à des activités récréatives, qui doivent être orientés vers des fins visées par l'éducation ; la société et les pouvoirs publics doivent s'efforcer de favoriser la jouissance de ce droit. »
Les mesures envisagées pour limiter l'enseignement à domicile porteraient donc atteinte aux libertés fondamentales inscrites dans la loi du 28 mars 1882 et viendraient restreindre l'autorité parentale définie à l'article 371-1 du code civil.
Les raisons de l'instruction en famille sont nombreuses et variées. La liberté de choix du mode d'instruction de ses enfants doit continuer à être la règle. Aussi, elle lui demande si le Gouvernement engage de mener une concertation avec les associations représentatives des familles en amont du projet de loi sur la lutte contre les séparatismes.
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Réponse du Ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports publiée le 06/05/2021
Le Président de la République a annoncé, lors de son discours sur le thème de la lutte contre les séparatismes du 2 octobre 2020, que la scolarisation serait rendue obligatoire pour tous les enfants âgés de trois à seize ans. Ceci implique la restriction de l'instruction dans la famille aux cas pour lesquels la scolarisation de l'enfant est impossible ou pour lesquels la situation particulière de l'enfant justifie une autorisation d'instruction en famille. Il y a lieu, en préambule, de relever que l'instruction en famille augmente fortement chaque année avec une accélération marquée pour la période 2016-2020 pendant laquelle le nombre d'enfants concerné a doublé. Sur dix ans, ce nombre a plus que triplé puisqu'il est passé de 19 000 enfant à la rentrée 2010 à 62 000 à la rentrée 2020. On précisera également que, il y a dix ans, 70 % de ces enfants étaient inscrits au Centre national d'enseignement à distance (CNED) dit « réglementé », c'est à dire en vue de suivre à distance, pour des motifs objectifs (maladie, handicap, itinérance de la famille, éloignement géographique ou activités sportives ou artistiques de haut niveau ) une scolarité conforme aux programmes de l'éducation nationale. En 2020, ils ne représentent plus que 25% de l'effectif total, les ¾ des enfants étant instruits à domicile pour ce que l'on qualifiera de convenances personnelles puisque les familles n'ont aucune justification à fournir lorsqu'elles procèdent à la déclaration informant l'autorité académique de leur décision. Plusieurs affaires récentes ont montré les limites du dispositif actuel de l'instruction dans la famille ainsi que des risques de persistance du non-respect du droit à l'éducation. Certaines inspections ont ainsi mis en évidence les lacunes d'une part non négligeable des enfants instruits à domicile (10 % des enfants contrôlés présentent des lacunes majeures) ; d'autres ont révélé, indépendamment du niveau scolaire, un repli d'ordre communautaire ou sectaire ; d'autres enfin ont permis de détecter l'existence d'écoles de fait, ouvertes à l'initiative de familles préférant éviter de scolariser leurs enfants dès l'âge de trois ans ou permettre à ces derniers de suivre un enseignement à caractère confessionnel plus marqué voire exclusif d'autres enseignements fondamentaux, empêchant leurs enfants d'acquérir à l'âge de seize ans les connaissances du socle commun de connaissances, de compétences et de culture prévu à l'article L. 122-1-1 du code de l'éducation. Or l'École, qui est au cur de la promesse républicaine, est le lieu des apprentissages fondamentaux et de la socialisation, où les enfants font l'expérience des valeurs de la République et du vivre ensemble. L'instruction à l'école qui constitue un droit fondamental de l'enfant comme l'intérêt supérieur de celui-ci commandent que soient satisfaits deux objectifs : - d'une part, que l'enfant reçoive une instruction effective et complète lui permettant d'acquérir les connaissances, la méthode et l'esprit critique requis à chaque niveau d'enseignement. Il en va à la fois de son épanouissement intellectuel et psychique, et de sa future insertion dans la vie professionnelle. Ceci implique que les enseignements soient dispensés par des professionnels compétents, à même de penser des modalités d'individualisation, régulièrement formés et inspectés ; - d'autre part, la socialisation de l'enfant. Le développement psychologique de l'enfant et la construction de soi passent par de multiples interactions, à la fois avec ses pairs et avec des tiers adultes, qui incarnent une autorité différente de celle des parents. La construction de citoyens libres et éclairés implique qu'un enfant puisse faire la double expérience de l'altérité et de la collectivité, dans un cadre neutre et protecteur, respectueux de ses convictions comme de sa santé. Cette socialisation est d'autant plus importante qu'elle est synonyme d'apprentissage du respect des règles communes : rituels en maternelle, règles de vie à l'école et au collège. Il convient enfin d'ajouter que la scolarisation des enfants relève également d'un enjeu de santé publique et de protection de l'enfance. En termes de prévention, l'école contribue au dépistage de certains troubles et permet de vérifier le respect des obligations vaccinales dans le cadre plus général de l'éducation à la santé : éducation à l'alimentation mais aussi à la sexualité, afin de promouvoir le respect du corps et de l'autre. Le projet de loi n° 3649 confortant le respect des principes de la République pose le principe de la scolarisation obligatoire de l'ensemble des enfants aujourd'hui soumis à l'obligation d'instruction, soit les enfants âgés de trois à seize ans. Il ne pourra être dérogé à cette obligation de fréquenter un établissement d'enseignement public ou privé que sur autorisation délivrée par les services académiques, pour des motifs tirés de la situation de l'enfant et définis par la loi. Les demandes d'autorisation d'instruction dans la famille ne pourront reposer sur les convictions politiques, philosophiques ou religieuses de la famille. L'autorisation ne pourra être accordée que pour les motifs suivants : - l'état de santé de l'enfant ou son handicap ; - la pratique d'activités sportives ou artistiques intensives ; - l'itinérance de la famille en France ou l'éloignement géographique d'un établissement scolaire ; - l'existence d'une situation particulière propre à l'enfant, sous réserve que les personnes qui en sont responsables justifient de leur capacité à assurer l'instruction en famille dans le respect de l'intérêt supérieur de l'enfant. Synonyme à la fois de qualité de l'instruction et de socialisation, la mesure rendant la scolarisation obligatoire pour les enfants âgés de trois à seize ans dans un établissement d'enseignement public ou privé s'inscrit dans la continuité de la loi n° 2019-791 du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance, notamment son article 11 qui a étendu l'instruction obligatoire aux enfants âgés de trois à seize ans, et constitue ainsi un levier de justice sociale et de réussite pour tous les élèves, visant à leur offrir les mêmes chances de réussite dans leur scolarité. Le projet de loi précité confortant le respect des principes de la République a fait l'objet d'une concertation avec les associations représentatives des familles afin d'apporter une réponse équilibrée aux questions soulevées par l'obligation de scolariser les enfants âgés de trois à seize ans dans un établissement d'enseignement public ou privé et les restrictions apportées à l'instruction dans la famille.
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