Question de M. HAYE Ludovic (Haut-Rhin - RDPI) publiée le 25/03/2021
M. Ludovic Haye attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur le démantèlement progressif de l'office national des forêts (ONF) et ses conséquences directes dans la gestion de nos forêts. Depuis la tempête de 1999 qui a très sévèrement impacté les forêts du Grand-Est et notamment les forêts lorraines et alsaciennes, ces dernières méritent une attention et un suivi tout particuliers. Se sont ajoutés à cela de nombreux phénomènes aggravants, tels que des épisodes répétés de canicule, la prolifération des scolytes et des chenilles processionnaires impactant de manière durable nos forêts de plaine comme de montagne. Les conséquences sont écologiques avec la disparition de nombreuses espèces d'arbres, mais aussi économiques avec un effondrement du cours du bois. Le ministère de l'agriculture a su rapidement réagir à ses interpellations sur ce sujet essentiel, en incluant des projets majeurs de reforestation dans le plan de relance et il l'en remercie. Cela passe notamment par une plantation de 50 millions d'arbres pour un montant de 150 millions d'euros pour le renouvellement forestier. À ce jour, les surfaces à reconstituer sont de 990 ha pour l'Alsace : 460 ha pour le Bas-Rhin et 520 ha pour le Haut-Rhin, cependant si ces diverses campagnes de reforestation sont une bonne initiative, beaucoup de ces décisions stratégiques doivent être adossées à des études d'impacts (études de terrain, évaluation des surfaces à replanter, préparation des sols et suivi) et ne pas uniquement s'appuyer sur des outils de pilotage et d'aide à la décision. Or le niveau de connaissance et d'expertise en la matière de l'ONF n'est plus à prouver et les maires élus des communes forestières, tout comme nos concitoyens, s'inquiètent légitimement de la baisse drastique des effectifs de cette institution, portant sur la suppression de 1 500 postes d'ici à 2022. Se pose à présent la problématique d'une privatisation de ce « service public », si l'ONF est un service public dont la mission première est de gérer, entretenir et assurer le renouvellement à long terme des forêts domaniales et communales. Il est aussi une entreprise à laquelle l'État impose depuis quelque temps des contrats d'objectifs. Malgré une forte mobilisation syndicale, les agents de l'ONF se voient progressivement déposséder de leurs compétences. À présent fortement endetté, l'ONF a un déficit de 360 millions d'euros, elle subit un modèle économique fragilisé avec des cours du bois à la baisse, des suppressions de postes, des départs à la retraite non remplacés. Il est également question de défendre un véritable service public qui réponde aux attentes de notre société et assure la gestion de notre biodiversité. Il estime comme le ministre de l'agriculture que notre patrimoine écologique ne doit pas être « bradé » et mis à la marge par un service public diminué, mais qu'il doit rester au contraire au cœur d'une gestion multifonctionnelle et durable de la forêt. Il y a un véritable danger pour l'ONF et ses personnels ; il faut préserver cette répartition, liée à notre sol et à nos climats de façon soutenable et durable. Enfin les événements récents qui se sont produits en Ariège il y a quelques jours (vol d'une centaine d'arbres sur pied sur plus de 13 parcelles) montrent non seulement que la qualité du bois français attise les convoitises mais également toute l'utilité et la nécessité de la présence d'agents dans nos forêts. Il lui demande donc quelles mesures le Gouvernement entend prendre pour assurer la survie de ce service public forestier de qualité, et comment il entend assurer la gestion future de nos forêts françaises sans l'aide précieuse de ces spécialistes.
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Réponse du Ministère de l'agriculture et de l'alimentation publiée le 03/02/2022
Le Gouvernement est attaché à la pérennité de l'office national des forêts (ONF) et entend conserver l'unité de gestion des forêts publiques, domaniales et communales, par l'ONF. Pour mener une politique forestière ambitieuse et développer les usages du bois, l'État a besoin d'un ONF fort et performant, au regard des défis que rencontre la forêt face au changement climatique et du potentiel qu'elle représente par la valorisation des matériaux bois dans l'atténuation du changement climatique. Il s'agit de maintenir les différents services que les forêts publiques rendent, que ce soit les services économiques, environnementaux, climatiques ou sociétaux. La gestion durable et multifonctionnelle est au cur du modèle de l'ONF et doit le rester. Ce principe est un élément central du nouveau contrat d'objectif entre l'État et l'ONF pour la période 2021-2025. Pour autant, l'ONF connaît depuis plusieurs années une situation financière en déséquilibre, aggravée récemment par la crise des scolytes dans l'Est de la France, la crise économique et l'impact du changement climatique. Cette situation appelle donc des réponses conjoncturelles mais aussi structurelles, notamment sur son modèle de financement. L'endettement de l'ONF atteint aujourd'hui 350 millions d'euros (M) et menace la pérennité de l'établissement. Dans ce contexte, le Gouvernement a décidé de renouveler, dans le cadre du contrat État-ONF 2021-2025, sa confiance en l'ONF, garant de la gestion durable et multifonctionnelle des forêts publiques, tout en engageant des mesures importantes visant à lui redonner des perspectives soutenables. L'État maintient le statut de l'établissement public à caractère industriel et commercial de l'ONF et réaffirme qu'il n'existe aucun projet de privatisation. Ce contrat conforte les missions d'intérêt général (MIG) portées par l'ONF, et consacre la notion de prise en charge à coût complet de ces missions, quel qu'en soit le commanditaire. De son côté l'État s'engage sur un financement complet des MIG qu'il confie à l'ONF. La revalorisation des financements accordés au titre des MIG, à périmètre constant, sur la biodiversité et en outre-mer va permettre de rétablir cet équilibre, et représente 12 M depuis 2021 et atteindra 22 M en 2024. Les MIG confiées par l'État à l'ONF représenteront ainsi 55 M par an. En complément, le Gouvernement décide de mobiliser 60 M supplémentaires répartis entre 2021 et 2023 (30 M en 2021, 20 M en 2022 et 10 M en 2023) pour soutenir son établissement en renforçant la subvention d'équilibre. Ceci vient en complément des 140 M de versement compensateur annuel. Enfin, dans le cadre du volet forestier du plan France Relance, une dotation de 30 M a été allouée pour 2021 à l'ONF pour financer la reconstitution des forêts domaniales atteintes par les crises sanitaires, parmi lesquelles notamment celle des scolytes, ainsi que 1 M pour mettre en place de nouveaux vergers à graines de l'État sur des essences d'avenir en lien avec le changement climatique. En contrepartie de ces engagements de l'État, il est demandé à l'établissement un effort de réduction de ses charges à hauteur de 5 % à l'horizon de cinq ans afin d'atteindre l'équilibre financier de l'établissement en 2025. Il est ainsi attendu de l'ONF la poursuite de la mise en uvre de son schéma d'emplois (- 95 ETP par an) sur la durée du prochain contrat État-ONF et une modération de ses dépenses de fonctionnement à hauteur de 4 M dès 2022. Ceci représente une baisse inférieure à 5 % du montant des charges annuelles sur la durée du contrat. Dans le cadre de cet effort, l'État demande à l'établissement de préserver le maillage territorial pour garantir le niveau de services auprès des communes. En parallèle, le Gouvernement a souhaité maintenir l'association étroite des communes forestières à la gouvernance de l'ONF. L'ONF et la FNCOFOR vont s'engager dans une convention arrêtant leurs engagements réciproques sur 2021-2025. Par ailleurs, sur la base d'une comptabilité analytique réformée, l'ONF va assurer une transparence économique et financière renforcée vis-à-vis de l'État, des communes forestières et de ses administrateurs. Initialement envisagé après un réexamen à compter de 2023, le Président de la République a annoncé qu'aucun soutien complémentaire des communes propriétaires de forêts au budget de l'ONF ne sera sollicité. Cette décision doit permettre de s'engager ensemble avec les communes forestières au développement de la filière, en particulier en développant la contractualisation de la vente de bois. En synthèse, le Gouvernement entend ici, avec ses engagements forts et ses orientations précises, donner à l'ONF de la visibilité et des perspectives soutenables, assurer un retour progressif à l'équilibre financier en associant toutes les parties prenantes et lui donner des outils pour mieux maîtriser à l'avenir son modèle économique. L'importance accordée à l'ONF par le Gouvernement reflète l'ambition portée pour la filière forêt-bois et la volonté de placer cette filière au cur de sa stratégie dé-carbonation. En effet, la filière permet de compenser environ 20 % des émissions françaises de CO2. Elle joue aussi un rôle majeur en matière d'atténuation du changement climatique. Ce rôle repose sur la résilience des forêts, et notamment sur leur capacité à s'adapter à ce changement climatique. Or les sécheresses des années 2003, 2018 et 2019, ainsi que les attaques de scolytes des forêts d'épicéas de l'Est de la France ont été des alertes fortes sur la résilience des forêts. Pour répondre à ce défi, le Gouvernement a décidé, dès juillet 2020, d'investir 200 M dans la filière forêt et bois. Dès juillet dernier, le Premier ministre a renforcé ces moyens à hauteur de 100 M, portant ainsi l'effort à 300 M dans le cadre du plan France Relance. Dans le cadre du plan France 2030 annoncé par le Président de la République le 12 octobre dernier, 500 M sont dédiés pour les forêts françaises et la filière bois. Les assises de la forêt et du bois sont l'occasion de partager les enjeux et de construire des solutions opérationnelles permettant de déployer au mieux ces moyens. Conscients de l'impact de la crise des scolytes, le Gouvernement français a instauré dès 2018 des aides à l'exploitation et à la commercialisation des bois colonisés par ces insectes et les a prolongés systématiquement. Au regard des impacts sur les finances des communes propriétaires de forêt, le ministère de l'agriculture et de l'alimentation et la ministre chargée de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales ont décidé un mécanisme de soutien exceptionnel en faveur des communes forestières particulièrement touchées par la crise des scolytes, et qui entraîne une dégradation importante de leur situation financière. Par ailleurs, les modalités de constitution d'un fonds d'amorçage pour les communes forestières font actuellement l'objet de discussions avec la Banque des Territoires. De même, des échanges avec les représentant de Régions de France et de la fédération nationale des communes forestières doivent être menés prochainement afin de déterminer l'architecture optimale du dispositif. L'ensemble de ces efforts illustre la détermination du Gouvernement à répondre aux enjeux de la filière forêt et bois.
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