Question de M. LAURENT Daniel (Charente-Maritime - Les Républicains) publiée le 24/06/2021
M. Daniel Laurent attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de la relance sur les commandes des trains à grande vitesse (TGV) du futur. Alors que la SNCF accusait, en 2020, une perte de 3 milliards d'euros et que la fréquentation des TGV a été en baisse pendant de longs mois pour cause de restriction de déplacements, elle envisage de reconsidérer ses prochains investissements, en annonçant une révision du planning de livraison, avec un étalement sur quatre ans, qui pourrait générer une baisse d'activité pour le groupe Alstom de l'ordre de 25 %. On passerait ainsi d'une livraison de 12 trains à 9 par an. Si, en termes d'emplois, les conséquences n'ont pas encore été évaluées, elles seront sans conteste considérables. Cette annonce, si elle devait être confirmée, serait un très mauvais signal pour notre industrie déjà en grande difficulté, dans cette période de relance économique indispensable. Alors que l'entreprise est un des fleurons industriels mondialement reconnus sur des technologies de pointe et des enjeux d'avenir, il convient de tout mettre en œuvre pour conserver les compétences et les savoir-faire. En conséquence, il lui demande quelle est la position du Gouvernement et quelles mesures il compte mettre en œuvre en la matière.
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Réponse du Ministère auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance - Industrie publiée le 21/07/2021
Réponse apportée en séance publique le 20/07/2021
M. le président. La parole est à Corinne Imbert, en remplacement de M. Daniel Laurent, auteur de la question n° 1731, adressée à M. le ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Mme Corinne Imbert. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je pose cette question au nom de mon collègue Daniel Laurent, qui ne peut être présent aujourd'hui et qui vous prie de bien vouloir l'excuser.
Cette question porte sur les commandes de TGV du futur et les légitimes préoccupations des acteurs économiques de nos territoires.
Avec une perte de 3 milliards d'euros en 2020, la SNCF envisage de reconsidérer ses prochains investissements, annonçant une révision du planning de livraison, de douze à neuf trains par an, avec un étalement sur quatre ans, qui pourrait susciter une baisse d'activité pour le groupe Alstom de l'ordre de 25 %.
Si les conséquences sur l'emploi de cette évolution n'ont pas encore été évaluées, nul doute qu'elles seront considérables, avec des dommages collatéraux sur les équipementiers et sur les sous-traitants. Les bassins de vie et d'emploi seront touchés, dans un contexte où le maintien des activités industrielles est indispensable dans nos territoires.
Cette annonce, si elle devait être confirmée, serait un très mauvais signal pour notre industrie fortement fragilisée, alors que la relance économique est essentielle pour l'avenir industriel de notre pays.
En 2018, la mission d'information du Sénat sur Alstom et la stratégie industrielle préconisait d'utiliser la commande publique pour maintenir l'attractivité des sites français, le maintien du débouché français étant l'une des clés du maintien d'une activité industrielle ferroviaire en France.
L'entreprise Alstom est un fleuron industriel de renommée mondiale, du point de vue tant des technologies de pointe que des enjeux d'avenir. Aussi, il convient de tout mettre en uvre pour conserver ses compétences, ses savoir-faire et sa capacité d'innovation.
En conséquence, madame la ministre, quelle est la position du Gouvernement sur ce dossier et quelles sont les mesures que vous comptez prendre ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargée de l'industrie. Madame la sénatrice Imbert, vous me faites part, dans cette question du sénateur Laurent, de vos craintes sur les commandes de rames longue distance par la SNCF à Alstom.
La crise sanitaire et les restrictions de déplacement mises en place depuis le début de l'épidémie ont considérablement affecté la fréquentation de tous les secteurs des transports, y compris les trains longue distance.
Les activités de grande vitesse ferroviaire du groupe SNCF ont été très fortement touchées en 2020, avec une baisse de fréquentation de 48 % par rapport à 2019 et une perte de chiffre d'affaires estimée à plus de 4 milliards d'euros.
Depuis le début de l'année, la crise continue de pénaliser la fréquentation et les recettes, donc les grands équilibres économiques de la SNCF.
Le retour du volume de passagers dans les TGV à un niveau équivalent à celui que nous connaissions avant cette crise dépendra fortement du contexte sanitaire et des évolutions, plus ou moins durables, des comportements des voyageurs, notamment de la clientèle professionnelle.
Dans ce cadre, il était nécessaire que la SNCF adapte son plan pluriannuel d'activité, pour prendre en compte les effets de cette crise sur son niveau de trafic et sur sa trajectoire économique.
Pour autant, le contrat des TGV M avec Alstom, concernant la livraison de cent rames TGV de nouvelle génération pour un montant de près de 3 milliards d'euros, a été maintenu malgré l'impact majeur de la crise. Ce contrat est important pour la qualité de service et pour l'activité industrielle d'Alstom.
La SNCF a cependant appliqué les dispositions contractuelles existantes permettant d'adapter le rythme de livraison des rames à ses besoins commerciaux, jusqu'à dix-huit mois avant la date de livraison, en passant à une livraison de neuf rames entre 2024 et 2026, au lieu de douze rames prévues sur cette période avant la crise. Le rythme serait ensuite de douze rames par an dès 2027.
Ce lissage des livraisons permet d'adapter le niveau de charges pesant sur la SNCF pendant cette période de rétablissement économique sans remettre en cause l'engagement de SNCF d'acquérir les cent rames commandées à Alstom.
L'État s'est par ailleurs mobilisé pour accompagner Alstom dans sa prise de commandes. Ainsi, le contrat annoncé le 15 avril 2021 pour douze trains à hydrogène pour le compte de quatre régions inclut un cofinancement de l'État ; de même, nous avons signé, le 13 mai dernier, un accord intergouvernemental avec l'Ukraine pour le financement d'une commande de locomotives de fret dont la fabrication impliquera directement le site de Belfort et la sous-traitance française.
Plus largement, le Gouvernement est engagé pour la compétitivité de la filière ferroviaire, comme l'a montré, tout récemment, le 9 juillet dernier, la signature d'un avenant à son contrat stratégique de filière, avec notamment la mise en place du comité d'orientation de la recherche et développement et de l'innovation du ferroviaire, le Corifer, pour soutenir les projets d'innovation les plus structurants au service du maintien de ses savoir-faire et de sa compétitivité.
M. le président. La parole est à Mme Corinne Imbert, pour la réplique.
Mme Corinne Imbert. Tout le monde a évidemment à l'esprit la crise sanitaire, dont nous savons quel impact elle a eu sur le trafic de voyageurs.
Je vous remercie de confirmer que la commande de cent rames est maintenue : c'est une bonne chose pour Alstom.
Les moyens dégagés dans le cadre du plan de relance pour soutenir le secteur ferroviaire doivent être activés pour financer les investissements et accompagner nos entreprises industrielles.
La part de l'industrie dans le PIB est passée de 24 % en 1980 à 12,5 % en 2017. Comme l'indiquait le rapport de la mission d'information du Sénat précitée, « la désindustrialisation est forte, mais n'a rien d'irrémédiable, à condition que l'État se comporte en stratège et se donne les moyens d'accompagner efficacement son industrie ».
Je sais que vous agissez en ce sens, madame la ministre. Je sais aussi que ce rapport a été écrit avant la crise sanitaire.
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