Question de Mme HARRIBEY Laurence (Gironde - SER) publiée le 13/01/2022

Mme Laurence Harribey attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur les conditions de détention au centre pénitentiaire de Bordeaux-Gradignan.

Dans son avis du 4 juin 2020, le contrôleur général des lieux de privation de liberté rappelait : « 79. Le nombre de personnes hébergées au sein d'un lieu de privation de liberté ne doit jamais excéder le nombre de personnes que ce lieu est en mesure d'héberger dans le respect de leur dignité. Le recours à un couchage de fortune ne saurait garantir le respect de la dignité des personnes privées de liberté et doit être prohibé.
80. Les locaux, individuels ou collectifs, doivent être aménagés conformément à leur destination.»

Dans les faits, la situation est bien différente.

Le personnel de l'administration pénitentiaire de Gradignan l'alerte sur la situation de plus en plus critique au sein de l'établissement : il y a aujourd'hui 90 matelas à même le sol dans le bâtiment principal et plus de dix cellules individuelles ou logent 3 détenus.
Les personnels sont en souffrance et se sentent de plus en plus démunis et en insécurité. Et que dire du respect des droits de l'homme pour les détenus ? La situation de Gradigan n'est évidemment pas un cas isolé.

Elle demande au Gouvernement d'agir rapidement, pas simplement par effets d'annonces, mais concrètement afin de remédier à cette situation intenable.

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Réponse du Ministère auprès du ministre de l'intérieur - Citoyenneté publiée le 16/02/2022

Réponse apportée en séance publique le 15/02/2022

M. le président. La parole est à Mme Laurence Harribey, auteure de la question n° 2063, adressée à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Laurence Harribey. Dans son avis du 4 juin 2020, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté rappelait que le nombre de personnes admises dans un lieu de privation de liberté ne doit jamais excéder le nombre de personnes que ce lieu est en mesure d'héberger.

Dans sa tribune du 7 février dernier, publiée dans le journal Le Monde, la Contrôleuse générale des lieux de privation de liberté dresse un inventaire inquiétant : insalubrité des cellules, surpopulation en hausse de 11 % en 2021 générant des atteintes aux droits fondamentaux des détenus, notamment en matière de soins et de formation.

Pourtant, la France avait été condamnée par la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) en janvier 2020 pour traitement inhumain et dégradant.

Cette situation pèse sur le personnel. J'ai été alertée par celui du centre pénitentiaire de Bordeaux-Gradignan, où la situation est critique : 779 détenus pour 434 places, 94 matelas à même le sol dans le bâtiment, plus de dix cellules individuelles de neuf mètres carrés où logent trois détenus. Cette promiscuité est d'autant plus grave en période d'épidémie.

Le personnel est en souffrance et démuni. Certes, les annonces de revalorisation salariale sont bienvenues, mais celle-ci sera insuffisante si les conditions structurelles ne s'améliorent pas. Parmi les représentants du personnel que j'ai entendus, on m'a dit : « J'espère vraiment que vous porterez nos voix pour que notre ministre prenne réellement conscience de notre mal-être. » Que leur répondez-vous ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur, chargée de la citoyenneté. Madame la sénatrice, M. le garde des sceaux, retenu par d'autres obligations, m'a chargée de répondre à votre question.

La surpopulation carcérale est l'une des priorités du ministère de la justice, parce qu'elle porte des enjeux liés au respect de la dignité des personnes incarcérées, à l'efficacité de la peine en matière de prévention et de récidive, ainsi qu'à l'amélioration des conditions de travail des personnels – chacun connaît l'engagement fort d'Éric Dupond-Moretti sur ce sujet.

Concernant le centre pénitentiaire de Bordeaux-Gradignan, sur lequel vous attirez l'attention du Gouvernement, la densité carcérale y est effectivement excessive, spécialement dans le quartier maison d'arrêt. Pour remédier à cela, les services du ministère de la justice ont procédé en 2021 à soixante transferts dits « de désencombrement » vers des centres pénitentiaires voisins, ce qui a permis une baisse du taux d'occupation.

Le garde des sceaux a annoncé un budget de 409 millions d'euros en 2022 pour le programme immobilier, qui devient ainsi le plus ambitieux depuis trente ans, avec la construction de 15 000 places de prison supplémentaires. En outre, un budget de 138 millions d'euros est consacré aux opérations de maintenance et d'entretien des établissements existants.

De nouveaux projets immobiliers sont prévus en région Nouvelle-Aquitaine. Ainsi, l'établissement de Bordeaux-Gradignan bénéficie d'un chantier de création de 250 places supplémentaires. La première phase de livraison aura lieu dès 2023.

La construction d'un nouvel établissement à Pau entrera également en phase opérationnelle en 2022, tandis que deux structures d'accompagnement vers la sortie ont été ouvertes : en 2020 à Poitiers et en 2021 à Bordeaux-Gradignan.

Enfin, la loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire comporte des dispositions qui permettent de désengorger les prisons tout en assurant une exécution encadrée de la peine. Je pense notamment à la libération sous contrainte de plein droit pour les peines de moins de deux ans, au renforcement de l'assignation à résidence sous surveillance électronique en lieu et place de la détention provisoire.

Soyez certaine, madame la sénatrice, de pouvoir compter sur l'action de notre Gouvernement et sur la détermination de nos services à mener une politique volontariste de régulation carcérale.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Harribey, pour la réplique.

Mme Laurence Harribey. Madame la ministre, j'accompagnais le garde des sceaux, l'année dernière, lors de sa visite de l'établissement de Bordeaux-Gradignan. Je dois le dire, celle-ci avait suscité un espoir, le ministre s'étant alors engagé à améliorer les choses. Le problème, c'est que rien n'a changé et, surtout, que le dialogue social avec le personnel n'existe pas vraiment. Face à l'une des situations les plus graves auxquelles a pu être confronté un établissement pénitentiaire, en France, un petit geste serait bienvenu pour garantir au personnel que la situation est en voie de s'améliorer.

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