Question de Mme LHERBIER Brigitte (Nord - Les Républicains) publiée le 27/01/2022

Mme Brigitte Lherbier attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice sur la situation de la justice en France.

Des magistrats et personnels de greffe se sont mobilisés en décembre 2021 pour dénoncer l'état de la justice dans notre pays. Au cours du mois de janvier 2022, les personnels du siège, du parquet et les agents du greffe du tribunal judiciaire de Lille ont prononcé dans une motion commune une « impossibilité de faire judiciaire ».

À Lille, par exemple, ils déploraient un an de délai en moyenne pour qu'un justiciable soit convoqué par le tribunal correctionnel. Cette attente peut durer jusqu'à huit ans s'agissant de la cour d'assises de Douai. Leurs conditions de travail sont particulièrement difficiles. Le tribunal peut juger jusqu'à 15 dossiers de violences conjugales sur une matinée ; les juges des enfants lillois suivent chacun la situation de 1 000 mineurs.

En réponse aux sollicitations de tous les professionnels qui concourent au service de la justice, il met en avant l'augmentation historique de son budget. Des recrutements ont été faits et des moyens techniques ont été apportés dans les juridictions. Force est de constater que ces mesures - certes nécessaires - ne sont pas suffisantes. Elles ne permettent toujours pas aux personnels de rendre une justice de qualité, sans s'épuiser face à l'ampleur de la mission régalienne qui leur est confiée.

Les professionnels de la justice constatent encore le décalage entre d'une part, l'ampleur des missions confiées et l'augmentation des attentes vis-à-vis de l'institution et d'autre part, les ressources, humaines et matérielles dont elle dispose pour y faire face.

Elle lui demande ce qu'il peut répondre à ces professionnels et quelles sont les dispositions prises pour mesurer leur souffrance au travail. Elle souhaite connaître également les mesures qu'il compte prendre pour améliorer encore davantage leurs conditions de travail et permettre aux Français de bénéficier d'une justice à la hauteur de leurs attentes.

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Réponse du Ministère auprès du ministre de l'intérieur - Citoyenneté publiée le 16/02/2022

Réponse apportée en séance publique le 15/02/2022

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Lherbier, auteur de la question n° 2113, adressée à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Brigitte Lherbier. Madame la ministre, des magistrats et des personnels de greffe se sont mobilisés en décembre 2021 pour dénoncer l'état de la justice dans notre pays.

Au cours du mois de janvier 2022, les personnels du siège, du parquet et les agents de greffe du tribunal judiciaire de Lille ont prononcé, dans une motion commune, une « impossibilité de faire » judiciaire. À Lille, par exemple, ils déploraient un an de délai, en moyenne, pour qu'un justiciable soit convoqué par le tribunal correctionnel. Cette attente peut durer jusqu'à huit ans devant une cour d'assises.

Leurs conditions de travail sont particulièrement difficiles : le tribunal peut juger jusqu'à quinze dossiers de violences conjugales sur une matinée ; les juges des enfants lillois suivent chacun la situation de mille mineurs.

En réponse aux sollicitations de tous les professionnels qui concourent au service de la justice, le garde des sceaux met en avant l'augmentation historique de son budget. Il est vrai que des recrutements ont été effectués et que des moyens techniques ont été mis à disposition des juridictions. Force est de constater que ces mesures, certes nécessaires, ne sont pas suffisantes et ne permettent toujours pas aux personnels de rendre une justice de qualité sans s'épuiser face à l'ampleur de la mission régalienne qui leur est confiée.

Les professionnels de justice constatent encore un décalage entre, d'une part, l'ampleur des missions qui leur sont confiées et les attentes croissantes vis-à-vis de l'institution, d'autre part, les ressources humaines et matérielles dont celle-ci dispose pour y faire face.

Qu'entend faire le Gouvernement pour répondre à ces professionnels ? Quelles dispositions sont mises en œuvre pour mesurer leur souffrance au travail ? Quelles mesures comptez-vous prendre pour améliorer leurs conditions de travail et permettre aux Français de bénéficier d'une justice à la hauteur de leurs attentes, d'une justice humaine et à l'écoute ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur, chargée de la citoyenneté. Madame la sénatrice, M. le garde des sceaux, retenu, m'a demandé de répondre à votre question.

Comme vous le savez, entre 2017 et 2021, 698 magistrats nouveaux sont arrivés en juridiction, ce qui représente une augmentation de 9 % des effectifs globaux. Le seuil historique des 9 000 magistrats a été atteint en 2020, tandis que 870 greffiers supplémentaires sont également venus renforcer les effectifs entre le 1er septembre 2017 et le 1er septembre 2021, soit une hausse de 9,4 %.

En y ajoutant le recrutement de 2 000 contractuels dans le cadre de la mise en œuvre de la justice de proximité, on en arrive rapidement à la conclusion arithmétique qu'il n'y a jamais eu autant de personnels dans les juridictions et que ce gouvernement a fait énormément en la matière.

Pour autant, nous n'ignorons pas les difficultés qui perdurent en juridiction et que vous soulignez. La situation n'est en effet pas pleinement satisfaisante en matière d'effectifs : nous devons poursuivre les efforts de recrutement qui ont été amorcés. C'est la raison pour laquelle le garde des sceaux a annoncé l'ouverture d'un nombre record de places au prochain concours d'accès à l'École nationale de la magistrature, avec le recrutement de 460 magistrats – 380 au titre des concours d'accès dits « classiques » et 80 autres au titre des concours complémentaires. Ainsi, la prochaine promotion d'élèves magistrats sera la plus importante de l'histoire.

Le Gouvernement a aussi pérennisé 1 414 emplois de contractuels recrutés au titre de la justice de proximité.

Le garde des sceaux ne méconnaît pas les difficultés du tribunal judiciaire de Lille. Au cours des deux dernières années, neuf postes ont été créés spécialement à son profit. Les effectifs des magistrats du siège sont au complet, tandis qu'un poste est vacant au parquet.

S'il est exact que les effectifs de la juridiction sont régulièrement grevés par plusieurs arrêts maladie temporaires et des congés légitimes, les chefs de cour bénéficient toutefois d'un renfort de trente magistrats placés, qu'ils peuvent temporairement déléguer en soutien de la juridiction.

En ce qui concerne les fonctionnaires, au 1er mars 2022, le tribunal judiciaire de Lille accusera un déficit de vingt postes, situation de vacance trop importante que nous allons nous attacher à combler au cours de ce semestre, grâce à l'entrée en fonction de deux directeurs des services de greffe, de huit greffiers et de deux adjoints supplémentaires administratifs.

En outre, la mise en œuvre du plan de soutien à la justice de proximité a permis le recrutement de seize contractuels, dont deux de catégorie A et quatorze de catégorie B.

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