Question de M. TISSOT Jean-Claude (Loire - SER) publiée le 24/02/2022
Question posée en séance publique le 23/02/2022
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Tissot, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Jean-Claude Tissot. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation.
En matière agricole, le programme d'Emmanuel Macron mettait en avant en 2017 deux grandes priorités : le rééquilibrage de la valeur au sein des filières et les pesticides.
Au début du quinquennat, le discours de Rungis et les États généraux de l'alimentation ont pu faire croire à une réelle volonté de changer la donne.
Le Président de la République promettait ainsi une loi pour « permettre aux agriculteurs de vivre du juste prix payé ». La loi du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (Égalim 1), très modestement corrigée par la loi Égalim 2, comme M. le Premier ministre vient de le rappeler, a rapidement montré toutes les limites de la théorie du ruissellement appliquée à l'agroalimentaire, avec une baisse du prix d'achat aux producteurs en 2019.
Bilan : un constat d'échec unanimement partagé, sauf au sein de la grande distribution
Le candidat Emmanuel Macron avait également promis un « calendrier prévoyant l'élimination progressive des pesticides [
] et le développement d'alternatives ».
Cinq ans plus tard, toujours pas de calendrier et presque toujours autant de pesticides. On constate, en outre, un manque de transparence, puisque le nombre de doses unitaires (NODU), indicateur de référence du plan Écophyto, n'a toujours pas été publié pour 2020, alors qu'il aurait dû l'être en décembre 2021. Pouvez-vous nous le donner aujourd'hui, monsieur le ministre ?
Quant aux alternatives, une première brèche a été ouverte avec la réautorisation des néonicotinoïdes pour la filière betteraves. À quoi bon rechercher des alternatives, si le Gouvernement accepte de détricoter la loi à la demande ?
Bilan : un nouvel échec, de l'aveu même du Président de la République, sur le glyphosate qui devait être interdit sous trois ans et dont les ventes ont à peine baissé de 2 %.
La déclinaison que vous allez faire de la politique agricole commune (PAC) avec le plan stratégique national (PSN), monsieur le ministre, confirme encore le choix d'une orientation qui se traduit par la chute du nombre d'exploitations et d'emplois, l'insuffisance des revenus des agriculteurs et une dépendance à des substances nocives pour la santé et l'environnement.
Ainsi, l'augmentation du seuil d'accès à l'indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN) va encore entraîner la disparition de petites fermes. Dans mon département, la Loire, soixante-neuf exploitations sont concernées.
Au final, vous avez tourné le dos à vos objectifs initiaux pour conforter un modèle agro-industriel qui se noie dans ses propres dérives.
Monsieur le ministre, ne pensez-vous pas qu'il est temps de changer de direction ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST. M. Pierre Ouzoulias applaudit également.)
Réponse du Ministère de l'agriculture et de l'alimentation publiée le 24/02/2022
Réponse apportée en séance publique le 23/02/2022
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation.
M. Julien Denormandie, ministre de l'agriculture et de l'alimentation. Monsieur le sénateur Tissot, il me semble qu'au fond nous ne partageons pas la même vision. Vous me répondrez qu'il est beau, en démocratie, d'avoir des visions différentes
Notre vision a pour objectif l'indépendance et la souveraineté agroalimentaires de notre pays. Dans votre intervention, pas une fois vous n'avez évoqué la mission nourricière de notre agriculture. C'est trop facile de l'oublier ! (MM. Jean-Claude Tissot et Thierry Cozic protestent.)
Notre méthode consiste à remettre la science et la raison au centre de tout, ce qui est plus courageux que d'aller dans le sens du vent, au gré de prises de position, d'injonctions et du fameux « y'a qu'à, faut qu'on ». Pour quelqu'un qui connaît aussi bien l'agriculture que vous, monsieur Tissot, il me semble que remettre science et raison à leur juste place devrait être fondamental. Et vous savez combien je me suis engagé dans ce combat pour plus de science et de raison dans nos politiques agricoles.
Et quid des résultats, monsieur le sénateur ? Vous évoquez les produits phytosanitaires : depuis 2017, les substances les plus préoccupantes ont été réduites de 93 % et celles classées cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction dans les catégories 1 et 2 (CMR1 et CMR2) de 40 %.
Vous parlez souvent du bio : depuis 2017, nous avons doublé les surfaces agricoles en bio pour prendre la première place européenne.
Mme Sophie Primas. Et les prix ?
M. Laurent Duplomb. Et les débouchés ?
M. Julien Denormandie, ministre. En ce qui concerne la rémunération, connaissez-vous beaucoup de mandatures qui remettent l'ouvrage sur le métier ? C'est ce que nous avons fait en adoptant la loi Égalim 2, reconnaissant ainsi qu'Égalim 1 n'allait pas assez loin. Ce n'est généralement pas ce que font les politiques, mais nous l'avons fait et nous nous battons, comme l'a rappelé M. le Premier ministre.
Je voudrais enfin profiter de cette dernière séance de questions d'actualité pour remercier l'ensemble du Parlement. J'ai eu beaucoup de plaisir à travailler avec vous.
M. Bruno Retailleau. Nous aussi !
M. Julien Denormandie, ministre. Nous avons souvent eu des désaccords, mais nous avons su travailler en bonne intelligence pour trouver des solutions. (M. Bruno Sido applaudit.) Je voudrais saluer tout particulièrement la présidente de la commission des affaires économiques, Sophie Primas, et Laurent Duplomb (Marques d'amusement sur les travées du groupe Les Républicains.) et vous dire, mesdames, messieurs les sénateurs, que la politique du dépassement fonctionne dans le monde agricole.
Je suis persuadé que cette politique peut fonctionner ailleurs et je vous invite par conséquent à la choisir ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes RDSE et UC.)
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