Question de M. PELLEVAT Cyril (Haute-Savoie - Les Républicains-R) publiée le 14/07/2022

M. Cyril Pellevat attire l'attention de Mme la secrétaire d'État auprès de la Première ministre, chargée de l'économie sociale et solidaire et de la vie associative sur les conditions de travail au sein des établissements et services d'aide par le travail (ESAT), ainsi qu'aux faibles rémunérations des personnes accueillies au sein de ces établissements, au vu de la hausse générale du coût de la vie.
Il a récemment été contacté au sujet des conditions de travail au sein des ESAT par une personne handicapée accueillie dans un de ces établissements. Cette personne lui a témoigné de l'existence d'inégalités de traitement entre les personnes dans ces établissements. De plus, il a été informé d'une inadaptation des conditions de travail aux handicaps des personnes employées.
Également, il a été porté à son attention les difficultés rencontrées par des personnes accueillies en ESAT concernant leur pouvoir d'achat en lien avec un niveau de rémunération n'atteignant que rarement la valeur d'un salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC). La période inflationniste a d'autant plus mis en exergue les faibles niveaux de rémunérations accordées aux personnes handicapées accueillies en ESAT. Ce phénomène est d'autant plus amplifié au sein de départements où le coût de la vie est cher, tels que Paris ou les départements frontaliers avec la Suisse et le Luxembourg. Il résulte de cette situation une paupérisation significative d'une grande partie de personnes handicapées accueillies au sein des ESAT se trouvant sur les territoires parmi lesquels le coût de la vie est devenu excessivement cher.
Il a de même été soulevé des difficultés liées au délai de carence ouvrant le versement des indemnités journalières liées à un arrêt de travail. Dans les cas de personnes handicapées sujettes à de réguliers problèmes de santé, il paraît anormal de ne prévoir en aucun cas l'ouverture de ces droits dans un délai de carence restreint par rapport aux employés en milieu ordinaire.
Aussi, il souhaiterait tout d'abord savoir s'il existe des mécanismes de contrôles effectifs par les services de l'État visant à s'assurer des bonnes conditions de travail des employés en ESAT. Par ailleurs, il lui demande si elle compte ouvrir une réflexion concernant les conséquences de cette période inflationniste sur la rémunération et le pouvoir d'achat des personnes handicapées accueillies en ESAT. Enfin, il aimerait connaître son avis sur l'opportunité de ne pas soumettre les employés en ESAT au délai de carence de 3 jours avant ouverture des droits au versement d'indemnités journalières, afin de ne pas contraindre ces personnes fragilisées à davantage de précarité économique en ces temps d'ores et déjà difficiles.

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Transmise au Ministère auprès du ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées, chargé des personnes handicapées


Réponse du Ministère auprès du ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées, chargé des personnes handicapées publiée le 08/12/2022

Le Gouvernement est soucieux des conditions de travail et des ressources des travailleurs handicapés en établissements ou services d'aide par le travail (ESAT). Dans la continuité des recommandations du rapport de l'inspection générale des affaires sociales (IGAS) et de l'inspection générale des finances (IGF) d'octobre 2019 relatif aux ESAT et portant sur la nécessité de faire évoluer le secteur du travail protégé et de renforcer les droits individuels et collectifs des travailleurs, y compris en affirmant leur droit à un parcours professionnel, une large concertation nationale s'est engagée sous l'égide du Secrétariat d'Etat auprès du Premier ministre chargé des personnes handicapées, de janvier à juillet 2021 avec le concours des administrations et services concernés et associant plus d'une centaine de participants : des travailleurs en ESAT, des représentants des personnes en situation de handicap, des fédérations et organismes gestionnaires ainsi que des professionnels de l'accompagnement et des employeurs. Les travaux ont permis de définir un plan partagé de transformation des ESAT au bénéfice de l'ensemble des parties prenantes par lequel le gouvernement réaffirme le soutien aux ESAT, acteurs médico-sociaux dont le rôle est reconnu pour l'inclusion sociale et professionnelle de plus de 120 000 personnes admis dans plus de 1 400 établissements et services, tout en impulsant une nouvelle dynamique au secteur, en créant de nouveaux droits pour les travailleurs d'ESAT et en renforçant la mission d'accompagnement des personnes dans une trajectoire professionnelle à l'intérieur de l'ESAT et de l'ESAT vers le milieu ordinaire adapté ou classique. Les mesures phares de ce plan font l'objet de l'article 136 de la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale : possibilité pour la personne handicapée orientée en ESAT de partager son temps de travail entre le milieu protégé et le milieu ordinaire de travail, dans la limite de la durée maximale de travail ; et pour celle qui sort vers le marché du travail de bénéficier, dans le cadre d'un parcours renforcé en emploi, de tous les accompagnements médico-sociaux et professionnels nécessaires pour garantir son maintien en emploi. Un décret relatif au parcours professionnel et aux droits des travailleurs handicapés admis en ESAT, publié prochainement au Journal officiel, précise notamment les modalités de mise en œuvre de la double activité en milieux ordinaire et protégé ainsi que les droits ouverts dans le cadre du parcours renforcé en emploi pour les travailleurs qui entrent sur le marché du travail (bénéfice d'une convention d'appui conclue entre l'ESAT et l'employeur, d'une durée maximale de trois ans, avec un relai possible via l'emploi accompagné sur décision de la maison départementale des personnes handicapées ou sur prescription du service public de l'emploi ; droit au retour pendant toute la durée de validité de la décision de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées l'orientant en ESAT ou de la convention d'appui. Le décret ouvre également l'accès des travailleurs en ESAT à de nouveaux droits tant individuels que collectifs qui relèvent de l'ordre public social applicable à l'ensemble des travailleurs, quel que soit leur statut. Ainsi, ce texte prévoit que les travailleurs handicapés en ESAT élisent en leur sein, pour une durée de trois ans renouvelables, un délégué chargé de les représenter auprès de la direction de l'établissement ou du service, sur des situations d'ordre individuel. Ce délégué est membre de droit du conseil de la vie sociale avec voix consultative. Il prévoit par ailleurs la création en ESAT d'une instance, composée en nombre égal de représentants des usagers et de représentants des salariés de l'établissement ou du service. Les représentants des usagers au sein de cette instance sont les représentants des usagers qui siègent au sein du conseil de la vie sociale ainsi que le délégué chargé de représenter l'ensemble des travailleurs. Cette instance émet des avis et formule des propositions sur la qualité de vie au travail, l'hygiène et la sécurité, ainsi que l'évaluation et la prévention des risques professionnels. Pour ce qui concerne la rémunération des travailleurs en ESAT, et plus largement leur revenu disponible, pour mémoire, le rapport IGAS-IGF précisait fin 2019 que « le revenu disponible d'un travailleur d'ESAT avoisine les 1 400 € en additionnant la rémunération garantie, l'allocation aux adultes handicapés (AAH), la prime d'activité et les aides au logement ». En tout état de cause, le Gouvernement reste très attentif à la question du pouvoir d'achat de ces travailleurs. Ainsi, les ESAT sont fortement invités à renforcer leur politique d'intéressement à leurs excédents d'exploitation, en versant à leurs travailleurs la prime de partage de la valeur (PPV) dont le régime est fixé par la loi du 16 aout 2022 portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat. La PPV des travailleurs d'ESAT est exonérée de toutes charges sociales et fiscales dans la limite de 6 000 € par bénéficiaire et par année civile pour les ESAT qui la mettent en œuvre. Par ailleurs, cette prime, dans cette limite, n'est pas prise en compte dans la base ressources pour le calcul de l'AAH. Enfin, pour inciter financièrement les travailleurs orientés et accueillis en ESAT à s'engager dans un temps partagé entre le travail protégé et le marché du travail, des dispositions réglementaires modifiant le code de la sécurité sociale pour définir la base ressources pour le calcul de l'AAH sont en cours de concertation. Elles prévoient des abattements à la fois sur la rémunération garantie et le salaire à temps partiel pour le calcul de l'AAH afin de permettre au travailleur en temps partagé d'avoir un pouvoir d'achat supérieur à celui résultant d'une activité à temps plein en ESAT.

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