Question de M. BELIN Bruno (Vienne - Les Républicains-R) publiée le 14/07/2022

M. Bruno Belin attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice sur les conflits de succession en indivision.
Il constate que, aujourd'hui en France, de nombreux biens sont vacants dans les communes sans que ces dernières ne puissent intervenir.
Il prend l'exemple d'un cas de succession bloquée lorsque l'un des indivisaires refuse de consentir au partage à l'amiable.
Il note que l'article 815 du code civil prévoit que nul ne peut être contraint à demeurer dans l'indivision et que le partage peut toujours être provoqué, à moins qu'il n'y ait été sursis par jugement ou convention. La vente d'un bien sujet à succession en indivision exige une décision unanime des propriétaires indivis.
Il soulève que la présence de ces biens vacants, bloqués et inoccupés dans certaines communes peut poser des difficultés spécifiques telles que la dégradation des biens alors laissés à l'abandon, la limitation de l'offre d'habitation ou encore une absence de versement de la taxe foncière à la commune, et ce, pendant plusieurs années.
De plus, il relève que de nombreuses lois telles que la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové, la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique ou bien plus récemment la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, impliquent une réduction massive de l'artificialisation des sols. Ces lois induisent la réhabilitation des centres bourgs et dents creuses afin d'éviter tout mitage ou consommation des terrains agricoles.
Il souligne la volonté de bien faire des collectivités et des nombreuses politiques de réhabilitation des centres bourgs menées dans différents territoires.
Cependant, face à une demande grandissante de logements en milieu rural dans cette ère post-confinement, il faut être en mesure d'aider les collectivités afin d'éviter toute habitation vacante.
C'est pourquoi il demande les mesures envisagées par le Gouvernement pour limiter dans le temps les blocages de succession de biens en indivision qui ne se règlent pas.

- page 3630


Réponse du Ministère de la justice publiée le 02/03/2023

En présence de plusieurs successeurs à titre universel (héritiers ou légataires), les biens qui composent le patrimoine du défunt se trouvent en indivision à compter du décès. En l'absence de convention d'indivision, les dispositions du régime légal de l'indivision prévues aux articles 815 à 815-18 du code civil s'appliquent. En vertu de l'article 815 du code civil, nul ne peut être contraint à demeurer dans l'indivision. Ainsi, le partage peut toujours être provoqué, à moins qu'il n'y ait été sursis par jugement ou convention. En principe le partage est amiable, mais il devient toutefois judiciaire dans les cas prévus à l'article 840 du code civil (refus de l'un des indivisaires de consentir au partage amiable, existence de contestations, absence d'autorisation ou d'approbation en présence d'un indivisaire défaillant ou faisant l'objet d'une mesure de protection). Les indivisaires peuvent également vendre un immeuble indivis. Cependant, l'article 815-3 du code civil prévoit une règle d'unanimité pour procéder à un tel acte de disposition. Cette règle se justifie par le fait que chaque indivisaire est propriétaire de la totalité des biens indivis et bénéficie, de ce fait, de la protection supra-législative accordée au droit de propriété par les articles 17 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen et 1er de la Convention européenne des droits de l'homme. Un indivisaire s'opposant à la vente d'un immeuble indivis ne saurait donc faire l'objet d'une expropriation pour cause d'utilité privée. Toutefois, dans la mesure où la règle de l'unanimité peut conduire à des blocages et empêcher une sortie de l'indivision, la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d'allègement des procédures a instauré une procédure spécifique d'autorisation judiciaire, afin d'accélérer les ventes d'immeubles en indivision successorale en cas d'opposition d'un ou plusieurs indivisaires minoritaires. L'article 815-5-1 du code civil issu de cette loi prévoit que l'aliénation d'un bien indivis peut être autorisée par le tribunal judiciaire, à la demande de l'un ou des indivisaires titulaires d'au moins deux tiers des droits indivis. Ces derniers doivent au préalable exprimer devant notaire leur intention d'aliéner l'immeuble indivis. Dans le délai d'un mois suivant son recueil, le notaire fait signifier aux indivisaires minoritaires l'intention d'aliéner. En cas d'opposition de ces derniers ou en l'absence de toute manifestation de leur part au terme d'un délai de trois mois, le notaire en dresse procès-verbal. Le tribunal judiciaire peut alors autoriser la vente de l'immeuble par licitation, s'il estime que celle-ci ne porte pas une atteinte excessive aux droits des indivisaires minoritaires. En outre, des difficultés peuvent apparaître au moment du partage de l'indivision, empêchant la répartition des biens entre les successeurs. Le partage, en principe amiable, devient judiciaire notamment en cas de contestations, ce qui entraîne généralement un allongement de la durée du règlement de la succession. Pour limiter le recours au partage judiciaire, la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités a favorisé le partage amiable en l'autorisant dans des situations qui, sous le droit antérieur, impliquaient un partage judiciaire. Ainsi, l'article 837 du code civil permet désormais de surmonter la défaillance d'un indivisaire afin de procéder au partage amiable d'une indivision successorale. Un copartageant peut mettre l'indivisaire défaillant en demeure de se faire représenter au partage amiable dans un délai de trois mois. À défaut, le juge peut, sur demande de l'un des copartageants, désigner une personne qualifiée pour représenter l'indivisaire défaillant, et autoriser celle-ci à consentir au partage au nom de cet indivisaire. Il en résulte une accélération du partage de la succession. Si des dispositions existent afin de limiter dans le temps les blocages et ainsi favoriser les sorties d'indivision, le ministère de la Justice conduit actuellement une réflexion, notamment fondée sur le rapport de l'inspection générale de la justice sur le traitement des dossiers civils longs et complexes (décembre 2021), afin de simplifier les procédures de partage judiciaire des indivisions.

- page 1580

Page mise à jour le