Question de M. BELIN Bruno (Vienne - Les Républicains-R) publiée le 14/07/2022
M. Bruno Belin attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer sur le rapport de la commission indépendante sur les abus sexuels dans l'Église.
Mardi 5 octobre 2021, la commission indépendante sur les abus sexuels dans l'Église (CIASE), a publié son rapport après deux ans et demi de travaux, d'auditions, d'investigations.
Le constat est fracassant.
Il est dénombré plus de 300 000 victimes en 70 ans. Au-delà du droit canonique en accord avec la loi civile, de tels actes ne doivent plus être cachés.
Il rappelle que le code pénal français oblige tout citoyen, lorsqu'il en a les moyens d'empêcher un crime ou un délit contre l'intégrité corporelle de la personne (art. 223-6) ; d'informer la justice, quel que soit l'âge de la victime, de tout crime dont il est encore possible de prévenir ou de limiter les effets ou dont les auteurs sont susceptibles de récidiver (art. 434-1), et de tous faits ou privation, mauvais traitements ou atteintes sexuelles infligées à un mineur ou à une personne vulnérable (art. 434-3). L'évêque diocésain est donc tenu d'informer l'autorité judiciaire étatique du crime ou du délit d'abus sexuel sur mineurs perpétré par des clercs relevant de sa juridiction.
Il note cependant la rareté des réactions suite à la publication du rapport. Il ne s'agit pas simplement d'affaires d'Église. Il s'agit également de citoyens brisés. Les actes dont ils ont été victimes doivent être reconnus. Ils doivent obtenir la réparation du préjudice.
Il souhaite connaître sa position, suite au rapport de la CIASE et les mesures envisagées afin d'aider les victimes d'abus sexuels dans l'Église.
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Réponse du Ministère de l'intérieur et des outre-mer publiée le 24/08/2023
S'agissant de la lutte contre les abus sexuels dans l'Eglise catholique, compte tenu de l'ampleur des agissements qu'il a révélés, la remise du rapport de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l'Eglise (CIASE), le 5 octobre 2021, constitue un moment déterminant. À la suite de sa publication, les instances catholiques se sont engagées dans un long travail dès novembre 2021. La Conférence des Evêques de France (CEF) et la Conférence des religieux et religieuses en France (CORREF) ont reconnu le caractère « systémique » des abus et la responsabilité institutionnelle de l'Eglise, ces propos revêtant une importance majeure, en rompant avec des habitudes de silence ou de rejet de la faute sur des responsabilités individuelles. Ces instances ont lancé un processus de reconnaissance et de réparation des victimes : la CORREF a créé, en novembre 2021, la Commission reconnaissance et réparation (CRR) et la CEF a instauré, en février 2022, l'Instance nationale de reconnaissance et de réparation (INIRR). Un outil de financement a été créé avec le Fonds de solidarité et de lutte contre les agressions sexuelles sur mineur (SELAM), chargé de verser les réparations financières et abondé par l'Eglise catholique à hauteur de 20 millions d'euros. Selon son rapport annuel 2022, l'INIRR indique avoir reçu 1133 saisines de personnes victimes ; son collège a rendu 142 décisions. Dans son rapport d'activité 2022, la CRR fait état de 604 saisines, de 277 demandes instruites et de 112 recommendations de réparation. Si les associations de victimes regrettent le temps d'instruction des dossiers, elles reconnaissent la difficulté de ce type de démarche et ont pris note de l'accompagnement proposé. À la suite de la dernière assemblée plénière de novembre 2022, la CEF a annoncé plusieurs changements dans la gestion de ces affaires. Un conseil de suivi « Vos estis lux mundi » a été créé afin d'accompagner la hiérarchie de l'Eglise catholique dans le traitement des affaires et de faciliter la communication avec le Vatican et la justice civile française. Par ailleurs, un Tribunal pénal canonique national (TPCN) a été institué le 5 décembre 2022. Composé de 13 magistrats (8 prêtres et 5 laïcs, dont 4 femmes), il sera compétent pour les affaires liées aux abus sexuels commis sur des personnes majeures. Les affaires impliquant des évêques et celles concernant les abus sexuels commis sur des personnes mineures resteront prises en charge par le dicastère pour la doctrine de la foi du Vatican. Les mesures adoptées en France interviennent parallèlement aux mesures du Saint-Siège prises pour l'ensemble de l'Eglise catholique à l'initiative du Pape François. Dès avant la publication du rapport de la CIASE, le Saint-Siège a adopté de nouvelles mesures afin de lutter contre les abus sexuels sur mineurs. Le 9 mai 2019, une lettre apostolique a été publiée, en forme de Motu proprio, intitulée « Vos estis lux Mundi ». Cette lettre prévoit la création, dans chaque diocèse, d'une structure facilement accessible au public et permettant de recevoir des signalements. Elle introduit également une obligation pour les clercs et religieux de signaler les abus. Elle a été complétée, le 16 juillet 2020, par la publication d'un « Vademecum sur quelques points de procédure dans le traitement des cas d'abus sexuel sur mineur commis par des clercs ». Ce document apporte aux évêques et aux juristes de l'Eglise catholique un appui pour appliquer le droit canonique et détaille les procédures à suivre dans les affaires d'abus sexuel. Il prévoit également une « collaboration » entre l'Eglise et l'État, les autorités ecclésiales étant invitées à déposer une plainte auprès de la justice civile lorsque cela doit être fait, et les enquêtes internes à l'Eglise devant être menées dans le respect des lois civiles. Dans le respect de la loi de séparation des Eglises et de l'État, le Gouvernement suit attentivement les différentes mesures prises par la CEF et par la CORREF. Il prend note de la volonté des responsables de ces deux instances de lutter contre les abus, d'accompagner les victimes et de travailler plus étroitement avec l'autorité judiciaire. À travers un dialogue nourri avec l'Eglise catholique de France, il s'assurera, dans la durée de la réalité de la mise en oeuvre des mesures annoncées pour que les victimes soient prises en considération à la mesure de ce qu'elles ont enduré et que tout soit fait, au sein de l'Eglise et au-delà, pour que les agissements qu'elles ont subis ne puissent plus se reproduire.
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