Question de M. LEVI Pierre-Antoine (Tarn-et-Garonne - UC) publiée le 21/07/2022

M. Pierre-Antoine Levi attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique sur l'habilitation donnée au Gouvernement par l'article 41 du projet de loi de finances pour 2022 pour réformer, par ordonnance, le régime de responsabilité des gestionnaires publics.
En effet, l'objectif est d'abroger le régime de responsabilité personnelle et pécuniaire en instaurant un nouveau régime de responsabilité des gestionnaires publics.
Il lui indique déplorer que le mécanisme de mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics, qui dérive du principe de séparation entre ordonnateur et comptable, puisse être supprimé par voie d'ordonnance.
Le Gouvernement dit vouloir préserver l'existence d'un contrôle des comptables publics sur la régularité des opérations mais ce nouveau régime prévoit que l'obligation de vérification, assignée aux comptables, ne serait plus assortie d'aucune sanction.
En effet, les comptables n'auraient aucune incitation à suspendre les paiements insuffisamment fondés. Alors pourquoi supprimer un tel régime de responsabilité ? Mettre en avant la responsabilité de fonctionnaires soumis au pouvoir hiérarchique direct des élus, notamment pour les directeurs généraux des services dont le rôle n'est pas strictement défini par la loi, les placerait dans une situation délicate par rapport à leurs employeurs directs.
Il lui précise enfin que le fait de faire signer aux ordonnateurs une « lettre de décharge » risque de créer des dysfonctionnements dans les services et d'engendrer une paralysie.
Cette réforme est le signe d'un démantèlement du réseau des finances publiques sur le territoire.
Ainsi, il craint que ce mécanisme conduise à faire payer les exécutants et non les responsables de pratiques irrégulières et souhaiterait connaître les attentes qui pèseront sur le contrôle interne des collectivités.

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Réponse du Ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique publiée le 15/09/2022

La réforme du régime de responsabilité des gestionnaires publics instaure, à compter du 01/01/2023, un régime unifié de responsabilité dont seront justiciables tous les acteurs de la chaîne financière qu'ils exercent des fonctions d'ordonnateur ou de comptable. Elle est l'aboutissement de réflexions engagées dans le cadre du comité interministériel de la transformation publique (CITP) d'octobre 2018 qui avait fait le constat que « le cadre actuel de gestion publique responsabilise peu les acteurs et limite leur prise d'initiative ». Des travaux menés en concertation avec la Cour des comptes et le Conseil d'État ont permis de définir, à l'été 2021, les contours d'un nouveau régime répressif de responsabilité financière s'inspirant de l'actuelle Cour de discipline budgétaire et financière (CDBF). Ainsi, l'objectif de la réforme est-il de réserver l'intervention d'un juge financier uniquement aux infractions les plus graves ayant causé un préjudice financier significatif à l'organisme public concerné ou celles qui, compte tenu de leur nature, sont considérées comme importantes eu égard à l'ordre public financier (octroi d'avantage injustifié, non production de comptes pour un comptable). Les erreurs ou fautes les moins graves doivent se voir apporter une réponse managériale sans l'intervention d'un juge. En outre, le nouveau régime ne remet pas en cause la séparation des ordonnateurs et des comptables qui demeure le principe cardinal de l'organisation de la chaîne financière et sort renforcée de la réforme. Ainsi, l'ordonnance porte-t-elle au niveau législatif la procédure de réquisition actuellement prévue par le décret relatif à la gestion budgétaire et comptable publique. De plus, elle institue une procédure de signalement permettant au comptable d'attirer l'attention de l'ordonnateur sur des pratiques susceptibles de relever de la Cour, ce qui renforce son rôle de conseil. Enfin, les situations de gestion de fait, dès lors qu'une personne non habilitée vient agir dans le champ propre du comptable, constitueront une infraction du nouveau régime qui sera sanctionnée en tant que telle. La réforme met fin au régime de responsabilité personnelle et pécuniaire auquel sont soumis les comptables publics mais elle ne modifie pas l'organisation comptable et ne signifie pas la disparition des missions des comptables qui conservent pleinement leur rôle en matière de contrôle des fonds publics. À cet égard, les comptables publics continueront de veiller à la régularité des opérations de dépenses et de recettes, conformément aux dispositions des articles 19 et 20 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique. L'objectif n'est pas d'amoindrir les contrôles des comptables mais de les centrer sur les enjeux les plus importants et sur les opérations les plus risquées dans le cadre d'une approche hiérarchisée. Dans la sphère locale, les élus locaux sont exclus du périmètre des justiciables, comme ils le sont actuellement pour la CDBF. En revanche, tout fonctionnaire ou représentant d'une collectivité locale, y compris les directeurs généraux des services (DGS), sont dans le champ des justiciables, et pourront voir leur responsabilité engagée en cas de fautes, comme c'est le cas aujourd'hui avec le régime de la CDBF. Ils pourront néanmoins être exonérés de toute responsabilité en cas d'ordre écrit pouvant être une lettre de couverture émise par un élu ou une délibération d'un organe délibérant dûment informé présentant un lien direct avec l'affaire. De manière plus générale, le nouveau cadre légal prévoie bien que les justiciables ayant agit conformément aux instructions de leurs supérieurs hiérarchques ne sont passibles d'aucune sanction, la responsabilité du supérieur, s'il est justiciable, se substituant à la leur. Il n'y a donc pas de risque de paralysie de l'action publique. Cette réforme offre un cadre favorable pour rénover le partenariat ordonnateur-comptable au plan local mais aussi pour renforcer la maîtrise des risques, non seulement pour se prémunir d'éventuelles mises en cause par le juge financier, mais également pour identifier les situations anormales et les corriger. Cette démarche doit se traduire par une meilleure répartition des contrôles sur la base d'une analyse des risques partagée.

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