Question de M. MASSON Jean Louis (Moselle - NI) publiée le 04/08/2022

Sa question écrite du 15 juillet 2021 n'ayant pas obtenu de réponse sous la précédente législature, M. Jean Louis Masson attire à nouveau l'attention de M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires sur le fait que dans les conseils municipaux, les conseils départementaux et les conseils régionaux, les élus ont le droit de présenter des propositions, des motions ou des vœux selon des modalités précisées dans le règlement intérieur de l'assemblée. Il lui demande si le règlement intérieur peut limiter le nombre de motions, de vœux ou de propositions présentés par un élu lors d'une séance et si le dépôt du ou des textes correspondants peut être subordonné à un délai limite de plusieurs jours ou de plusieurs semaines avant l'ouverture de la séance.

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Réponse du Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires publiée le 24/11/2022

La liberté d'expression est une liberté fondamentale dont jouissent les élus locaux dans le cadre de leur mandat (CE, 22 mai 1987, Tête, n° 70085 et CE, 28 janvier 2004, Commune du Pertuis, n° 256544). Les conseillers municipaux, et par extension les conseillers départementaux et régionaux, ont le droit de s'exprimer sur les affaires soumises à délibération, au cours des débats, et de suggérer des propositions, motions, voeux ou amendements aux projets de délibérations, comme y invite implicitement l'article L. 2121-19 du code général des collectivité territoriales. Cette liberté d'expression, protégée par la Cour européenne des droits de l'Homme, en particulier en ce qui concerne les élus de l'opposition, ne peut se voir imposer que des limites très strictes et des restrictions dites « légitimes » (CEDH, 12 avril 2012, De Lesquen du Plessis-Casco c/ France, req. n° 54216/09). En ce qui concerne la possibilité de déposer des amendements, un article du règlement intérieur du conseil départemental qui subordonne la recevabilité d'un amendement ou d'un sous-amendement à son dépôt préalable en commission, et qui a pour effet de rendre irrecevable tout amendement ou sous-amendement soumis directement lors d'une séance, « porte atteinte à l'exercice effectif du droit d'amendement » (CAA Paris, 12 févr. 1998, Tavernier, n° 96PA01170). La cour administrative d'appel de Versailles a également considéré que les dispositions du règlement intérieur « ne sauraient avoir pour objet ni pour effet de ne pas soumettre au vote chaque projet inscrit à l'ordre du jour ainsi que les amendements afférents, sauf à porter atteinte au droit d'amendement qui constitue un élément intrinsèque du pouvoir délibérant des membres du conseil municipal » (CAA Versailles 6 juill. 2006, M. X., n° 05VE01393). Ces jurisprudences, transposables à l'ensemble des règlements intérieurs des assemblées délibérantes, permettent au règlement intérieur de limiter le nombre de motions, voeux ou propositions présentés par un élu, en imposant par exemple un délai au-delà duquel ils ne peuvent plus être déposés pour la bonne tenue des débats. Toutefois, il convient de s'assurer, compte tenu des circonstances de l'espèce, que les limitations apportées ne portent pas atteinte à l'exercice effectif de ce droit. En ce qui concerne la fixation de ce délai, plusieurs éléments sont à prendre en compte parmi lesquels les circonstances particulières de la collectivité, sa taille, les affaires en cours, les points à l'ordre du jour de la séance ou encore les modalités de convocation des élus. Pour une illustration, le tribunal administratif de Lille a d'ores et déjà jugé que, compte tenu de l'importance de la commune en question, ayant une population de 95 000 habitants, et des modalités d'envoi des convocations des conseillers municipaux fixées à six jours francs avant la séance, le règlement intérieur pouvait organiser les modalités du droit d'amendement en exigeant le dépôt des amendements, par écrit, 72 heures avant la séance du conseil municipal sans que cela ne constitue un obstacle à ce que les conseillers soient en mesure de proposer des modifications aux textes examinés (TA Lille, 29 mai 1997, Carton c. Commune de Roubaix, n° 96-532). La liberté d'expression s'exerce sous l'autorité du maire ou du président qui assure la police de l'assemblée et veille au bon déroulement de la séance. Les propositions, motions ou voeux doivent être en lien direct avec l'objet de la délibération. Le règlement intérieur, soumis au contrôle du juge administratif, ne peut porter atteinte au droit d'expression et au droit d'amendement des élus en les limitant de manière abusive mais il peut toujours leur apporter des tempéraments.

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