Question de M. OUZOULIAS Pierre (Hauts-de-Seine - CRCE) publiée le 27/10/2022
M. Pierre Ouzoulias interroge Mme la ministre de l'Europe et des affaires étrangères au sujet des crimes de guerre commis par l'armée azerbaïdjanaise contre des soldats arméniens.
Le vendredi 14 octobre 2022, l'organisation non gouvernementale Human Rights a dénoncé un « crime de guerre odieux » après avoir expertisé une vidéo montrant l'exécution de militaires arméniens, capturés en septembre 2022 lorsque l'Arménie a de nouveau été agressée par l'Azerbaïdjan. Cette dénonciation s'ajoute à la longue liste des barbaries perpétuées par les soldats azéris, lesquels sont régulièrement accusés de commettre des viols, des actes de tortures et des meurtres contre des militaires et des civils arméniens.
Ces atrocités ont atteint leur paroxysme en 2020, pendant la guerre de quarante-quatre jours au Haut-Karabakh, période durant laquelle les vidéos faisant voir des soldats arméniens insultés, torturés ou mutilés étaient légion, au grand dam de la population arménienne qui vit encore sous le joug de la terreur imposée par Bakou.
En réaction à la publication de cette vidéo, la France a demandé à ce qu'une enquête impartiale et indépendante soit ouverte, quand la Commission européenne, par la voix de son porte-parole, Peter Stano, a estimé que cette vidéo « devrait faire l'objet d'une enquête par les autorités azerbaïdjanaises ». Cette déclaration laisse pour le moins perplexe. Au mieux, elle démontre la naïveté dont fait preuve la présidente de la Commission européenne vis-à-vis de Bakou. Au pire, elle témoigne de la duplicité de la Commission européenne, laquelle feint d'ignorer le caractère dictatorial du régime azéri pour ne pas avoir à se justifier de commercer avec lui.
Dans ce contexte, il l'interroge sur la pertinence politique de l'accord gazier intervenu en juillet 2022 entre l'Union européenne et l'Azerbaïdjan. Il lui demande si les impératifs liés à la crise énergétique autorisent les États européens, dont la France, à renier les droits de l'homme, la convention de Genève et l'amitié que le vieux continent s'est promis d'honorer envers l'Arménie.
Il lui demande ce que la France va faire pour contraindre l'armée azerbaïdjanaise à arrêter les crimes de guerre qu'elle ne cesse de commettre sur des soldats arméniens. Plus généralement, il souhaite savoir comment le Gouvernement français entend agir pour garantir la sécurité territoriale arménienne.
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Réponse du Secrétariat d'État auprès de la ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé du développement, de la francophonie et des partenariats internationaux publiée le 15/02/2023
Réponse apportée en séance publique le 14/02/2023
Mme le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, auteur de la question n° 229, adressée à Mme la secrétaire d'État auprès de la ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée de l'Europe.
M. Pierre Ouzoulias. Madame la secrétaire d'État, pendant la guerre des 44 jours que l'Azerbaïdjan a livrée à la petite République d'Artsakh, puis de nouveau en septembre 2022, l'armée azérie s'est livrée à des exactions contre les militaires arméniens, en violation du droit international, mais aussi contre les civils.
Ma première question est simple : quelles initiatives la France va-t-elle prendre pour faire reconnaître ces crimes de guerre par les instances internationales ?
Depuis le 12 décembre 2022, donc depuis deux mois, l'Azerbaïdjan met en uvre un blocus militaire de la République d'Artsakh : 120 000 Arméniens sont privés de tout, l'Azerbaïdjan ne leur laisse le choix qu'entre fuir et périr.
La France et l'Europe ont des moyens de pression sur l'Azerbaïdjan. Pourquoi ne les utilisent-elles pas ?
En 1939, la France a abandonné à la Turquie le sandjak d'Alexandrette, condamnant à l'exil 50 000 Arméniens. Allons-nous, une nouvelle fois, abandonner la République d'Artsakh ?
Mme le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Chrysoula Zacharopoulou, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée du développement, de la francophonie et des partenariats internationaux. Monsieur le sénateur Ouzoulias, lors de l'offensive azerbaïdjanaise des 13 et 14 septembre 2022, la France a immédiatement dénoncé la violation de l'intégrité territoriale de l'Arménie et appelé au retour des forces azerbaïdjanaises à leurs positions initiales.
En outre, comme elle le fait depuis le déclenchement de la guerre du Haut-Karabagh en 2020, la France a rappelé que les crimes de guerre devaient être jugés et leurs auteurs punis. La lutte contre l'impunité est essentielle pour offrir, enfin, aux populations de la région une perspective de paix.
La réunion organisée par le Président de la République à Prague, le 6 octobre 2022, avec MM. Nikol Pachinian, Ilham Aliev et Charles Michel, a permis d'obtenir un accord pour l'envoi d'une mission civile de la politique de sécurité et de défense commune (PSDC). Cette mission s'est déployée pour deux mois en territoire arménien. Elle a contribué à faire baisser la tension sur le terrain et le nombre d'incidents significatifs a diminué.
Après ce bon résultat, nos efforts ont concouru à ce que les 27 États membres de l'Union européenne décident, le 23 janvier dernier, le déploiement d'une mission en territoire arménien, pour deux ans cette fois. La France y contribuera par l'envoi de gendarmes.
La diplomatie française est mobilisée au plus haut niveau pour permettre une paix juste et durable dans le Caucase du Sud, au bénéfice des populations. Cette mobilisation, qui est la nôtre depuis plus de trente ans, se poursuit aujourd'hui avec la même détermination, comme l'ont montré les échanges qu'a encore eus, la semaine dernière, le Président de la République avec ses homologues d'Arménie et d'Azerbaïdjan.
Concernant le gaz, je rappelle que la France n'importe pas de gaz azerbaïdjanais. Nous soutenons les efforts de la Commission européenne pour diversifier les approvisionnements énergétiques de l'Europe et réduire notre dépendance au gaz russe.
Mme le président. Il faut conclure, madame la secrétaire d'État !
Mme Chrysoula Zacharopoulou, secrétaire d'État. Notre position sur le sujet est constante : les efforts indispensables pour renforcer la souveraineté énergétique de l'Union européenne ne doivent en aucun cas se faire au détriment de nos principes.
Mme le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour la réplique.
M. Pierre Ouzoulias. Madame la secrétaire d'État, j'aurais aimé que la France reconnaisse la violation de l'intégrité territoriale de l'Arménie, mais aussi de la République d'Artsakh, parce que c'est bien celle-ci qui a été attaquée par l'Azerbaïdjan.
Je pense qu'aujourd'hui la seule solution pour sauver les 120 000 Arméniens de la République d'Artsakh est une reconnaissance officielle de celle-ci par la France, comme le Sénat vous l'a demandée à une très large majorité.
Vous m'avez répondu, mais vous n'avez eu aucun mot au sujet du blocage actuel de la République d'Artsakh. Les gens y manquent de tout et en sont réduits à utiliser des tickets de rationnement : il n'y a plus de nourriture, il n'y a plus de médicaments, il n'y a plus rien ! Il faut agir maintenant ! (Mme Brigitte Devésa applaudit.)
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