Question de M. GENET Fabien (Saône-et-Loire - Les Républicains-R) publiée le 20/10/2022
M. Fabien Genet attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire au sujet des conséquences pour les filières d'élevage du récent accord de libre-échange signé entre l'Union européenne et la Nouvelle-Zélande.
En Saône-et-Loire, ce récent accord vient toucher plusieurs filières d'excellence. Pour la filière ovine par exemple, déjà fortement impactée par les attaques de prédateurs de type loup, cet accord bilatéral octroie un quota de 38 000 tonnes équivalents carcasses (TEC) qui viennent s'ajouter aux contingents historiques déjà accordés à la Nouvelle-Zélande.
Pour la filière viande bovine, activité principale en Saône-et-Loire, le contingent accordé s'élève à 10 000 tonnes équivalent carcasse taxées à 7,5 %, et est de 55 000 tonnes pour les produits laitiers.
Ces nouveaux contingents accordés à la Nouvelle-Zélande viennent concurrencer directement les éleveurs français et européens avec des prix bas au vu des modes de production locale et des conditions sociales, alors que ces derniers n'arrivent pas à tirer un revenu décent de leur métier.
Le combat engagé en faveur de la « réciprocité des normes de production agricole dans la politique commerciale de l'Union européenne », mieux connu désormais comme la bataille des « clauses miroir », avait fait naitre l'espoir d'une meilleure reconnaissance de la production agricole française, mais aujourd'hui les éleveurs français sont déçus et attendent une cohérence dans la politique de l'Union européenne.
À l'heure où la France, voire l'Europe, traverse une crise du pouvoir d'achat due aux nombreux bouleversements de l'économie mondiale (covid-19, crise ukrainienne, etc.) et que la question de la souveraineté alimentaire est un enjeu majeur, la signature de cet accord est un signal négatif donné aux Français et aux Européens en garantissant à un pays tiers les conditions de son autosuffisance tout en sacrifiant nos éleveurs et l'avenir de leur métier.
C'est pourquoi, face à l'inquiétude des éleveurs et de toute la filière agricole de voir encore grandir une concurrence déloyale et une perte de la souveraineté alimentaire de la France et de l'Europe, il lui demande d'apporter des éléments de précision sur ces accords de libre-échange et d'apporter les garanties quant à la protection des éleveurs et des consommateurs de notre pays.
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Réponse du Ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire publiée le 10/11/2022
L'ouverture de marchés dans les pays tiers offre des débouchés supplémentaires aux filières et constitue un relais de croissance important et donc une source de revenu pour les agriculteurs. Le Gouvernement est donc favorable aux accords de libre-échange et au commerce, pour autant que les accords signés soient équilibrés et respectent les filières sensibles. Tout produit importé dans l'Union européenne (UE) doit être sûr, ne représenter aucun danger pour la santé des consommateurs et être conforme à la législation sanitaire et phytosanitaire (SPS) de l'UE. Cependant, pour répondre aux interrogations légitimes des agriculteurs et de la société civile, le Gouvernement est attaché à obtenir une meilleure application des normes liées aux procédés et aux modes de production afin de renforcer la protection de la santé ou de l'environnement à la plus grande échelle possible, dans le respect des règles de l'organisation mondiale du commerce (OMC). Le Gouvernement a ainsi fait de la thématique de la réciprocité des normes une priorité de la présidence française du Conseil de l'UE. Un échange de vues a été organisé en février 2022 au conseil agriculture et pêche, sur la nécessité de renforcer la cohérence entre le pacte vert, la politique agricole commune et la politique commerciale pour soutenir la transition vers des systèmes alimentaires durables. La publication d'un rapport de la Commission européenne sur l'application des normes sanitaires et environnementales de l'UE aux produits agricoles et agroalimentaires importés le 3 juin 2022 représente une avancée notable car il confirme la possibilité d'agir aux niveaux multilatéral et bilatéral mais également au niveau unilatéral, sous certaines conditions, via l'adoption de mesures miroirs visant à appliquer les normes de production européennes aux produits importés. Le Gouvernement veillera à ce que les travaux de la Commission, du Conseil et du Parlement européen se poursuivent, notamment afin de mettre place à chaque fois que cela est nécessaire et pertinent des mesures miroirs dans la législation sectorielle de l'UE. Ces mesures doivent notamment être légitimes, nécessaires, proportionnées et non discriminatoires pour être conformes aux règles de l'OMC. Elles s'appliquent à tous les flux commerciaux, y compris à ceux qui s'inscrivent dans le cadre d'un accord de commerce. L'accord avec la Nouvelle-Zélande présente une avancée en matière de cohérence des politiques européennes, en conditionnant l'accès au contingent bilatéral de viande bovine au respect de standards de durabilité, qui exclut les bovins élevés en parcs d'engraissement (feedlots). Cela n'aurait pas été possible sans la mobilisation constante du Gouvernement pour l'introduction de conditionnalités tarifaires relatives à des modes de production durables dans les accords commerciaux. En outre, l'accord protège les filières sensibles contre des ouvertures trop importantes en excluant des libéralisations complètes et en prévoyant des contingents, ouverts progressivement. Par ailleurs, la Nouvelle-Zélande est un partenaire qui partage les ambitions européennes en matière de développement durable et de bien-être animal, permettant à l'accord d'être le plus ambitieux jamais négocié sur ce point : il intègre l'accord de Paris comme clause essentielle et comporte un chapitre nouveau sur les systèmes alimentaires durables permettant de coopérer davantage en matière de bien-être animal, de réduction des pertes et gaspillages, de fertilisation ou de produits phytosanitaires. Si certaines règles de la Nouvelle-Zélande relatives au transport animal sont moins précises, notamment en ce qui concerne la durée de transport, d'autres sont plus strictes. En outre, la Nouvelle-Zélande est consciente des enjeux de déforestation. Plus de 60 % de la forêt naturelle du pays est protégée et n'admet aucune exploitation. Les produits forestiers néozélandais proviennent essentiellement de forêts de plantation. Le futur règlement européen sur la lutte contre la déforestation s'appliquera aux produits mis sur le marché en provenance de Nouvelle-Zélande. Pour l'instant, les produits laitiers ne sont pas intégrés dans le règlement, mais le périmètre de ce dernier pourra être révisé deux ans après son entrée en vigueur, si cela est jugé nécessaire. Enfin, cet accord, comme tous les accords de commerce de l'UE, ne remet pas en cause le principe selon lequel tout produit qui entre dans l'UE doit être conforme à ses normes et standards. Ainsi, les limites maximales de résidus (LMR) pour l'atrazine et le diflubenzuron ont été fixées dans l'UE au seuil de quantification et s'appliquent à tous les produits importés. Le Gouvernement évaluera le projet d'accord avec la Nouvelle-Zélande en vue de sa présentation au Conseil. Ce dernier sera invité à se prononcer à la majorité qualifiée sur la décision de signature de l'accord, puis après approbation du Parlement européen, sur la décision de conclusion de l'accord en vue de son entrée en vigueur.
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