Question de M. DÉTRAIGNE Yves (Marne - UC) publiée le 03/11/2022
M. Yves Détraigne souhaite appeler l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice sur la nécessité de privilégier un temps de présence parentale aussi équilibré que possible en cas de séparation parentale.
Malgré l'introduction, par la loi n° 2002-305 du 4 mars 2002 relative à l'autorité parentale, de la résidence alternée dans le code civil, seuls 12 % des enfants de parents divorcés se trouvent en résidence alternée selon l'institut national de la statistique et des études économiques (INSEE).
Il n'est pas possible de justifier ce chiffre en avançant le désintérêt général des pères, puisqu'en cas d'opposition de la mère, la demande de résidence alternée formulée par le père n'est accordée que dans 30 % des cas. Désormais, les pères osent davantage demander la garde alternée. Pourtant certains déplorent une justice « sexiste » dont le réflexe serait d'attribuer, en cas de conflit, la garde des enfants aux mères, en considérant l'attachement maternel comme prioritaire.
Une meilleure répartition des responsabilités entre la mère et le père amoindrirait pourtant les risques de paupérisation et d'épuisement de l'ex-conjoint qui a la garde et l'éviction progressive de l'autre. Il ne s'agirait pas d'imposer au juge une solution mais de lui demander d'examiner prioritairement un temps parental équilibré, en dehors naturellement des cas avérés de violences d'un parent sur l'autre parent ou sur l'enfant.
C'est dans l'optique d'avancer sur cette question sociétale majeure qu'il s'est associé à la proposition de loi relative aux droits de l'enfant à entretenir régulièrement des relations personnelles avec ses parents en cas de séparation de ces derniers, déposée en décembre 2021 par ses collègues.
Chaque année, 200 000 enfants se retrouvent ainsi sans lien physique avec un de leur parent pendant 13 jours, le fameux 4/26, 4 jours par mois avec le parent « non-gardien » ou « secondaire », et 26 jours avec l'autre. Par conséquent, il lui demande de légiférer pour encourager la résidence alternée, lorsque cela est possible.
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Réponse du Ministère de la justice publiée le 02/03/2023
L'analyse des statistiques démontre que la résidence alternée progresse de manière significative en France. En 2016, 400 000 enfants mineurs vivaient en résidence alternée (source INSEE Première n° 1728 janvier 2019). Selon l'étude de l'INSEE n° 1841 de mars 2021, en 2020, en France hors Mayotte, 480 000 enfants mineurs partagent de manière égale leur temps entre les deux domiciles de leurs parents séparés. La résidence alternée égalitaire a ainsi progressé de 20 % en quatre ans, de 2016 à 2020. Le droit en vigueur impose, d'ores et déjà, au juge d'envisager la résidence alternée comme première hypothèse puisque l'article 373-2-9 du code civil dispose en son premier alinéa « la résidence de l'enfant peut être fixée en alternance au domicile de chacun des parents ou au domicile de l'un d'eux. » Si la résidence alternée peut être encouragée, il est essentiel de conserver la possibilité pour le juge de prendre en compte la réalité de chaque situation familiale et d'apprécier au cas par cas l'intérêt de l'enfant afin d'ajuster sa décision aux multiples configurations familiales. La résidence alternée paritaire ne peut être un modèle unique pour tous. Elle peut être adaptée à la situation de l'enfant dans certains cas et ne pas l'être dans d'autres. Ainsi, elle devra être écartée par exemple en cas d'éloignement géographique ou bien dans un contexte de violences. En pratique, dans 80 % des situations, les parents s'accordent sur les modalités d'organisation de la résidence des enfants et la résidence alternée n'est choisie que dans 19 % des cas (enquête statistique du ministère de la justice de novembre 2013 sur des données du 1er semestre 2012). La généralisation par principe de la résidence alternée ne ferait donc pas écho à la pratique la plus répandue au sein des familles. En outre, comme constaté par le Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes dans son rapport en date du 22 novembre 2017, « Si la résidence des enfants est majoritairement fixée aujourd'hui chez les mères, c'est parce que les pères ne la demandent pas. En effet, 93,4 % des décisions des juges aux affaires familiales sont rendues conformément à la demande des pères et 95,9 % conformément à la demande des mères. » Le juge est lié par les demandes des parties. Il appartient donc aux pères et à leurs conseils de solliciter davantage la résidence alternée s'ils le souhaitent. La résidence alternée doit effectivement être privilégiée, dès lors que chacun des parents a eu un investissement réel auprès de l'enfant du temps de la vie commune et que les conditions de vie de chacun le permettent afin de maintenir, autant que faire se peut, la stabilité du cadre de vie de l'enfant après la séparation de ses parents.
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