Question de Mme GRUNY Pascale (Aisne - Les Républicains) publiée le 10/11/2022
Mme Pascale Gruny attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur le phénomène de sous-location de terres agricoles françaises par des producteurs en provenance d'autres États-membres pour l'exploitation de la pomme de terre. Depuis une quinzaine d'années, de nombreux industriels non nationaux, en particulier belges et néerlandais, viennent cultiver et récolter des pommes de terre en France, le plus souvent à proximité de la frontière (Hauts-de-France notamment), pour ensuite les transporter vers le Benelux afin de les transformer dans leurs usines, engrangeant ainsi de la valeur ajoutée et y créant de nombreux emplois. En manque de foncier disponible dans leur pays pour exploiter la pomme de terre, ces industriels cherchent à saturer l'utilisation de leur matériel en allant prospecter des terres dans des pays voisins. Très équipés en matériel, maîtrisant les méthodes pour abaisser les coûts par des économies d'échelle et en faisant travailler des équipes de jour et des équipes de nuit de salariés détachés pour le travail du sol et les arrachages de pommes de terre, ils sous-louent les terres au prix fort une pratique pourtant interdite permettant à certains agriculteurs français, la plupart du temps locataires, de percevoir une somme bien plus importante que celle qu'ils versent à leur propriétaire qui, lui, ne peut augmenter le prix du fermage, très encadré. Ces pratiques sont encouragées par les distorsions de concurrence entre producteurs français et ceux d'autres États-membres : procédures administratives, coût d'un hectare agricole jusqu'à dix fois moins cher en France qu'aux Pays-Bas selon l'union nationale des producteurs de pommes de terre (UNPT), etc. Ce phénomène de sous-location industrielle est une dérive du système d'échange de parcelles, lequel rend un vrai service aux agriculteurs qui ont des parcelles éloignées de chez eux et qu'il est coûteux de remembrer. Cette spéculation foncière complexifie voire empêche également l'installation de nouveaux agriculteurs. Elle génère aussi du mécontentement chez les élus locaux, chez les habitants mais aussi chez une grande majorité des agriculteurs français qui constatent de nombreuses incivilités et violations de la loi : non-respect du code de la route par les transporteurs, salissage des routes et utilisation de produits non autorisés en France, etc. Aussi, elle lui demande comment il entend répondre à cette situation et mettre fin à ces distorsions de concurrence qui pénalisent fortement la filière de la pomme de terre française.
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Réponse du Ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire publiée le 12/01/2023
La sous-location de terres agricoles, particulièrement dans les départements du Nord de la France, n'est pas un phénomène nouveau et est la conséquence d'exigences agronomiques de rotation. En outre, le foncier local, très prisé, est exploité à plus de 85 % en faire-valoir indirect. Longtemps « régularisée » par des échanges de parcelles entre agriculteurs, cette pratique a semblé régresser ces dernières années, en raison des réformes successives de la politique agricole commune et, notamment, l'introduction du découplage des aides à compter de 2003. Depuis lors, des « contrats de vente » ou des « contrats de mise en culture » se sont développés ces dernières années et à l'initiative de producteurs français, et, lors des dernières campagnes, le phénomène s'est amplifié à la faveur du développement de marchés à l'international notamment pour des produits congelés. Elle est effectivement aussi le fait d'entreprises belges entre autres. Le code rural et de la pêche maritime (CRPM) affirme, en son article L. 411-35 - « Toute sous-location est interdite » -, le principe d'ordre public d'interdiction de la cession du bail rural et de la sous-location de tout ou partie du fonds agricole loué. La sous-location constitue une cause de résiliation du bail, en dehors des cas limitativement énumérés par l'article L. 411-35 du CRPM, avec l'accord du bailleur : - sous-locations pour un usage de vacances ou de loisirs, pour une durée maximale de trois mois consécutifs ; - sous-locations des bâtiments à usage d'habitation. Les agriculteurs belges sont également soumis au contrôle des structures. Néanmoins, l'identification de la forme juridique des terres retenue pour exploiter est difficile lorsqu'il s'agit de déterminer qui met en valeur l'exploitation de manière effective. De plus, le périmètre du contrôle des structures ne prend pas en compte les parcelles exploitées en Belgique lors de l'instruction des autorisations d'exploiter des exploitants belges. Outre la question foncière, les services du ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sont très vigilants sur le respect des règles sanitaires. Ainsi, la direction régionale de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt (DRAAF) des Hauts-de-France s'assure régulièrement du respect des bonnes conditions agricoles et environnementales sur les terrains concernés, notamment pour vérifier les méthodes de pulvérisation et la présence de nématodes dans les parcelles et aussi opérer des prélèvements d'échantillons de végétaux (contrôles d'introduction dans l'Union européenne, contrôle de l'origine des plants et plans de contrôle des produits phytopharmaceutiques). Il est, par définition, complexe d'accéder à une estimation solide des surfaces concernées par la sous-location. Par ailleurs, les contrôles d'utilisation de produits phytosanitaires précités n'ont, pour l'heure, pas encore donné de résultats en ce qui concerne les producteurs belges. Ces contrôles vont se poursuivre. Les efforts fournis en matière de conduite des contrôles par la DRAAF (service régional de l'alimentation - SRAL), en allant au-delà des taux prescrits par les plans de contrôles, ont été appréciés par les professionnels de la filière agricole. Complétant les contrôles réalisés par le SRAL de la DRAAF, un travail d'information a été engagé avec la profession agricole pour que les agriculteurs français et belges enclins à recourir à la sous-location soient dûment avertis des risques afférents à cette modalité de production. Ainsi, dans le département du Nord, ces réflexions ont abouti, en mars 2022, à la signature, par les organisations professionnelles et les services déconcentrés de l'État, d'une charte de définition de la sous-location, afin de permettre de mieux combattre localement ce problème. Dans ce document ont été définis précisément les contrats pouvant être établis et donc ce qui constitue ou ne constitue pas de la sous-location.
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