Question de M. GONTARD Guillaume (Isère - GEST) publiée le 10/11/2022
M. Guillaume Gontard interroge M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur les orientations du plan stratégique national de la politique agricole commune (PAC) 2023-2027 concernant le pastoralisme.
Pratiqué depuis des siècles, l'élevage pastoral de montagne fait partie de l'identité des massifs des Alpes, du Massif Central, des Pyrénées, du Jura et de la Corse. Cette agriculture extensive repose notamment sur la transhumance, c'est-à-dire le déplacement du bétail en fonction des saisons, afin de trouver de nouveaux pâturages. Bien que faiblement productif par rapport à d'autres types d'élevage, le pastoralisme apporte une contribution essentielle à l'entretien des sols, à la protection de la biodiversité dans les montagnes et à l'emploi dans des zones très isolées, comme le rappelle la n° 2005-157 du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux. Alors que notre modèle agricole, très largement industrialisé et mondialisé, est de plus en plus menacé par les soubresauts du marché international, les pandémies et le changement climatique, le maintien de cette activité traditionnelle est essentiel.
Étant donné ses faibles rendements, le pastoralisme est cependant fragile. Depuis la création de la PAC, cette pratique fait donc l'objet d'aides spécifiques, notamment sous la forme d'indemnités compensatoires de handicap naturel (ICHN). Chaque réforme de la PAC à l'échelle nationale, via les plans stratégiques nationaux (PSN), donne d'ailleurs lieu à de nombreux débats pour préserver cette activité tout en respectant les objectifs fixés au niveau européen. Alors que la PAC 2023-2027 est en préparation, de nombreuses organisations, notamment des chambres d'agriculture, s'inquiètent de plusieurs évolutions à venir.
La non-prise en compte des surfaces d'estives collectives, qui représentent pourtant plus de 580 000 hectares et sont essentielles pour la protection des sols et le maintien des prairies permanentes et de la biodiversité, est totalement incomprise par ces organisations et les éleveurs. Le fait que certains gestionnaires d'estives puissent bénéficier d'aides de l'éco-régime interroge lui aussi, puisqu'il induit une inégalité de traitement entre « agriculteurs actifs » d'une part et coopératives et syndicats d'autre part. Enfin, le niveau de chargement plancher, c'est-à-dire un minimum d'exploitation du terrain par le bétail, prévu à 0,2 UGB/hectare, est bien trop élevé pour certaines zones pastorales, notamment celles de haute altitude ou sous climat méditerranéen. De tels seuils risquent en effet de surexploiter les pâturages et de les épuiser, ce qui doit être évité.
Ainsi, il souhaiterait savoir comment le Gouvernement entend répondre aux inquiétudes soulevées par les éleveurs et les organisations agricoles concernant le pastoralisme. Plus précisément, il lui demande s'il entend revenir sur les seuils de chargement et prendre en compte les estives collectives dans l'éco-régime, afin de continuer à protéger l'élevage pastoral.
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Réponse du Ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire publiée le 05/01/2023
Une attention particulière a été portée tout au long de l'élaboration du plan stratégique national (PSN) sur les dispositions applicables aux surfaces pastorales, compte tenu de l'enjeu qu'elles revêtent pour l'agriculture pastorale et les territoires. En particulier, alors qu'ils ont été régulièrement remis en cause dans le cadre des audits sur la programmation actuelle, les coefficients d'admissibilité de ces surfaces ont pu être maintenus à un niveau inchangé dans la version finale du PSN adopté par la Commission européenne en date du 31 août 2022. Pour autant, des évolutions étaient nécessaires par rapport au cadre actuel, pour permettre la mise en uvre des nouveaux dispositifs tels que l'écorégime ou de nouvelles modalités de vérification des surfaces admissibles à travers notamment le système de suivi des surfaces en temps réel. Les modalités d'application suivantes du plan stratégique national (PSN) ont ainsi été retenues. Les griefs de la Commission sur l'actuelle programmation, les difficultés rencontrées lors des contrôles quant à la vérification des indices de pâturage et l'évolution vers des modalités automatisées d'évaluation de l'admissibilité ont conduit à décider de la mise en place d'un critère de chargement pour la détermination de l'admissibilité de ces surfaces, dont l'entretien est principalement assuré par les animaux, en particulier celle des surfaces à forte proportion de ligneux. Ce critère de taux de chargement concernera uniquement les prairies composées majoritairement de ligneux, arbres, arbustes ou buissons dans 38 départements du Sud de la France, ainsi que les surfaces en chênaies et châtaigneraies dans la zone Causses-Cévennes et en Corse, et s'appliquera aux exploitations déclarant ce type de surfaces (qu'il s'agisse d'exploitations individuelles, en société ou de gestionnaires d'estives). La valeur minimale de ce taux de chargement sera fixée à 0,2 unité de gros bétail (UGB) par hectare (ha) admissible ce qui caractérise un type d'élevage extensif et permet d'assurer un entretien minimal de ces surfaces. Il ne s'agit pas en l'espèce d'évaluer la capacité « fourragère » de ces surfaces mais de s'assurer que l'exploitation dispose d'un nombre d'animaux suffisant pour maintenir ces milieux ouverts et exploitables, avec par ailleurs la vérification de l'absence d'enfrichement. Ce taux sera calculé sur la base des surfaces admissibles ce qui permettra de mieux reconnaître l'activité pastorale sur ces surfaces spécifiques. En effet, à la différence des surfaces graphiques utilisées pour calculer le taux de chargement de l'indemnité compensatrice de handicaps naturels, les surfaces admissibles tiennent compte de la diversité des territoires en appliquant des coefficients d'admissibilités (proratas) différenciés selon la disponibilité en ressources fourragères. Dans le cas où le seuil de chargement ne serait pas atteint, les surfaces seront plafonnées de manière à atteindre le seuil de 0,2 UGB/ha. Ce plafonnement ne concernera que les surfaces pastorales composées majoritairement de ligneux et ne sera pas susceptible de remettre en cause l'admissibilité des autres types de pâturages, vérifiée selon d'autres critères. L'éco-régime doit par ailleurs permettre de valoriser les services environnementaux rendus par l'élevage extensif. C'est pourquoi il a été décidé d'étendre à l'éco-régime le mécanisme de rapatriement des surfaces d'estives gérées en commun aux éleveurs bénéficiaires de cette aide, au prorata de leur utilisation au cours de l'année, mécanisme déjà mobilisé dans le cadre du versement de l'aide de base pour un développement durable. L'objectif est de pouvoir verser l'éco-régime sur toutes les surfaces utilisées par l'exploitant, y compris les pâturages en commun au prorata de leur utilisation, sous réserve du respect des critères d'accès à l'aide. À cet égard, et compte tenu de la typicité des surfaces pastorales, le respect des critères conditionnant le versement de l'éco-régime sera vérifié distinctement, d'une part, sur les surfaces de l'exploitation « du bas » (surfaces déclarées par l'exploitant dans son dossier de politique agricole commune) conformément à la voie d'accès choisie par le demandeur, et d'autre part, sur les surfaces rapatriées d'estive conformément à la voie d'accès s'appliquant à ces surfaces utilisées en commun. Le gestionnaire d'estives pourra selon le même principe faire une demande d'aide et obtenir le versement de l'éco-régime à due concurrence des surfaces lui permettant d'activer des droits à paiement de base, dont il dispose. Ces dispositions permettront de soutenir l'élevage extensif et de reconnaître l'importance des territoires pastoraux dans leur diversité tout en s'assurant de la valorisation des surfaces concernées par un pâturage effectif des animaux, nécessaire à leur entretien en l'absence de possibilité de fauche ou broyage et, seule, susceptible de justifier l'octroi de soutiens publics aux termes du PSN.
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