Question de M. BILHAC Christian (Hérault - RDSE) publiée le 22/12/2022
M. Christian Bilhac attire l'attention de M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires sur la nécessaire préservation des chemins ruraux. La disparition de 200 000 kilomètres de chemins ruraux, dans les soixante dernières années, a conduit à l'inscription de nouvelles mesures visant à les préserver dans les articles 102 et suivants de la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale (dite 3DS) et les articles L 161-2, L 161-6-1, L 161-8, L 161-10-2 et L161-11 du code rural. Ces articles tendent à lutter contre la dépossession des communes, par certains riverains, de ces sentiers et chemins non goudronnés et à renforcer le pouvoir des communes.
Ces nouvelles dispositions législatives renforcent la présomption d'affectation à l'usage public du chemin rural, réduisant considérablement la possibilité de vente de ces parcelles. Elle donne à la commune le droit d'interrompre le délai de prescription acquisitive, le conseil municipal pouvant délibérer pour recenser les chemin ruraux sur le territoire communal, suspension valable jusqu'à une deuxième délibération, prise dans les deux ans suivant la première, après enquête publique.
En outre, l'échange d'un chemin rural est désormais autorisé s'il répond à un projet d'intérêt général, selon certaines conditions de continuité et de préservation de la biodiversité et après information du public. Autre sujet sensible, celui de l'entretien. La commune peut désormais autoriser, par convention, une association loi 1901 à restaurer et à entretenir un chemin rural, y compris par une prise en charge gratuite.
Le premier anniversaire de la mise en application du nouveau régime des chemins ruraux approche.
C'est pourquoi il lui demande d'établir un premier bilan de la mise en oeuvre de la loi 3DS concernant la préservation des chemins ruraux, la jurisprudence qui s'ensuit et d'éventuelles nouvelles mesures souhaitables à prendre par décret, notamment en ce qui concerne la réhabilitation et la récupération par les communes des chemins ruraux délaissés et envahis par la végétation, parfois accaparés par les riverains, certains maires ayant des difficultés à faire valoir les nouvelles dispositions prévues dans la loi 3 DS.
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Transmise au Ministère auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des collectivités territoriales et de la ruralité
Réponse du Ministère auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des collectivités territoriales et de la ruralité publiée le 10/08/2023
La loi n° 2022-217 du 21 février 2022 dite « loi 3DS » modifie de manière significative le régime des chemins ruraux afin de mieux les protéger et de donner aux communes les moyens de reconstituer plus facilement la continuité des itinéraires. C'est pourquoi les nouvelles dispositions, à l'exception de l'interdiction de vendre un chemin qui est encore emprunté par le public, se présentent comme des facultés offertes aux communes pour préserver et développer leurs chemins ruraux. Il en va ainsi de la liberté des communes de recenser les chemins ruraux, de les échanger, de confier leur entretien à des associations ou d'imposer une contribution spéciale aux responsables de leur dégradation. Les initiatives prises par les communes relèvent de leur appréciation de la situation locale et aucune disposition ne prévoit qu'elles en rendent compte. Le Gouvernement ne dispose pas ainsi de données relatives à l'application de ces nouvelles mesures récentes. Par ailleurs, aucune décision de justice n'a été encore rendue sur leur fondement. Concernant la réhabilitation et la récupération des chemins ruraux, la cessation de la circulation publique sur un chemin rural n'est pas un obstacle à l'exercice des pouvoirs de la police de la circulation et de la conservation des chemins ruraux du maire définis à l'article L. 161-5 du code rural et de la pêche maritime (CRPM) ou à la reconnaissance de la propriété de la commune lorsque s'élève un conflit de propriété avec un riverain. Le maire dispose de pouvoirs de police pour préserver l'intégrité des chemins ruraux de sa commune. L'article D. 161-11 du CRPM dispose, en effet, que : « lorsqu'un obstacle s'oppose à la circulation sur un chemin rural (...) les mesures provisoires de conservation du chemin exigées par les circonstances sont prises, sur simple sommation administrative, aux frais et risques de l'auteur de l'infraction ». Ainsi, une commune peut à tout moment réhabiliter un chemin rural sans que puisse y faire obstacle la circonstance « que l'usage public dudit chemin aurait cessé durant une longue période et que les [riverains] auraient procédé à leurs frais au nettoyage d'une partie de celui-ci » et ainsi exiger des riverains qu'ils procèdent à l'enlèvement de la barrière qu'ils avaient implantée (CAA Bordeaux, 22 mars 2007, n° 03BX02163). Lorsqu'un chemin rural fait l'objet d'une action en revendication de propriété par un riverain, il revient au juge judiciaire de se prononcer. La commune bénéficie, en application des articles L 161-2 et L. 161-3 du CRPM, d'une présomption de propriété lorsque le chemin rural est affecté à l'usage du public, ce qui ressort des critères alternatifs de l'utilisation du chemin comme voie de passage ou d'actes réitérés de surveillance ou de voirie réalisés par l'autorité municipale (cass. 3e civ., 4 avril 2007, n° 06-12.078). En outre, la présomption de propriété ne s'épuise pas par l'acte du riverain qui pose une barrière en faisant cesser la circulation sur le chemin et par l'inaction prolongée de la commune. Lorsqu'un chemin rural n'est plus, ni emprunté par le public, ni entretenu par la commune, il suffit à cette dernière d'établir que le chemin a été ouvert au public avant qu'un riverain ne le ferme à la circulation pour entrer dans le champ de la présomption (cass. 3e civ., 2 juillet 2013, n° 12-21.203). Le juge administratif considère également que le chemin qui « a été utilisé par le passé comme voie de passage » demeure un chemin rural bien qu'il soit difficilement praticable, partiellement recouvert de végétation et occasionnellement entretenu par des riverains (CAA Marseille, 27 avril 2018, n° 16MA02158). Enfin, le juge prend en considération l'ensemble des éléments qui lui sont soumis. Le fait de rapporter une fonction de liaison avec la voirie publique et des témoignages attestant que le chemin était ouvert à la circulation établit la propriété de la commune faute pour le riverain de pouvoir se prévaloir d'un titre de transfert de propriété (cass. 3e civ., 2 avril 2003, n° 00-13.430). Dans ces conditions, le Gouvernement n'envisage pas d'adopter de nouvelles mesures.
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