Question de M. HAYE Ludovic (Haut-Rhin - RDPI) publiée le 22/12/2022
M. Ludovic Haye attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire au sujet d'un développement raisonné de l'agrivoltaisme. L'agrivoltaïsme, qui recouvre les cultures par l'installation de panneaux solaires, permet de produire de l'électricité tout en protégeant certaines cultures des aléas climatiques. Elle tend à se développer sensiblement, raison pour laquelle le Sénat a souhaité renforcer de manière précise sa définition et son périmètre d'application. Toutefois, il est essentiel de préciser, afin d'éviter tout amalgame, que l'agrivoltaïsme se distingue d'une installation photovoltaïque au sol « pure et dure », par la nécessité de maintenir une activité agricole sur la parcelle en question.
Il est à ses yeux indispensable qu'une synergie entre la performance énergétique et la production agricole soit maintenue.
Force est de constater que des points de divergences subsistent au sein du monde agricole, notamment entre les jeunes agriculteurs qui, bien que conscients des enjeux écologiques et climatiques, ne souhaitent pas voir disparaitre les terres exploitables au profit d'installations photovoltaïques au sol non ou moins bien maitrisées. Là où, au contraire, leurs ainés y voient la possibilité de percevoir un complément à leur revenu agricole, qui bien souvent ne suffit plus à vivre correctement ou à couvrir les investissements nécessaires.
Le Président de la République a pour ambition de multiplier par dix la capacité de production photovoltaïque en France afin de dépasser les 100 gigawatts en 2050. Ce qui suppose de couvrir entre 100 000 et 200 000 hectares, soit 0.2 % à 0,4 % du territoire français.
À ce sujet, il parait judicieux et de bon sens d'opérer une graduation dans la réflexion sur l'implantation des futurs projets. Il propose d'étudier les implantations de panneaux, d'abord sur le bâti ou sur les parcelles déjà artificialisées (parking), généralement plus proches du réseau de connexion, puis sur les parcelles ingrates qui doivent faire l'objet d'un recensement rapide, et en dernier lieu, à des implantations en parcelles agricoles surplombant des cultures sciaphiles (qui aiment l'ombre). Dans le cas de certaines parcelles dites ingrates, il s'agira également de sensibiliser les directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL)et les services préfectoraux sur la nécessité de désacraliser d'anciennes friches sur lesquelles une régénération naturelle s'est mise en place.
L'augmentation constante de la démographie mondiale ainsi que des conflits de grande ampleur, tels que la guerre en Ukraine, doivent nous faire prendre conscience de l'importance des enjeux énergétiques et alimentaires. Le monde agricole a la capacité de répondre à ces deux problématiques, en mettant le bon sens au centre des débats, en s'organisant et en prenant conscience des attentes respectives des agriculteurs en fin de carrière comme des plus jeunes.
Par conséquent, face aux nombreuses approximations, voire incompréhensions parfois soulevées par l'agrivoltaisme vs « photovoltaïque au sol », il demande au Gouvernement de bien vouloir lui exposer ses intentions à ce sujet, d'expliquer quelles mesures sont prises pour permettre le développement de l'agrivoltaïsme sur le territoire national et dans quelles mesures ses propositions peuvent être intégrées dans l'étude préalable de tout nouveau projet d'implantation de panneaux solaires.
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Réponse du Ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire publiée le 29/06/2023
Les énergies fossiles représentent toujours les deux tiers de la consommation d'énergie. L'objectif annoncé par le Président de la République de sortir de la dépendance aux énergies fossiles ne pourra donc être atteint que par la réduction de la consommation énergétique et l'augmentation de la capacité de production d'énergie décarbonée. Ainsi, l'essor des énergies renouvelables est nécessaire pour l'atteinte des objectifs de neutralité carbone d'ici 2050 et la sécurité d'approvisionnement énergétique de la France. Le solaire photovoltaïque, en particulier, est appelé à jouer un rôle majeur dans la transition en cours. Le Président de la République a donc annoncé, lors de son discours à Belfort en février 2022, de nouveaux objectifs de développement du photovoltaïque d'ici 2050 avec 100 gigawatts de capacité installée, soit plus de deux fois l'objectif pour 2028 fixé par la programmation pluriannuelle de l'énergie actuelle. Le Gouvernement partage depuis longtemps et de manière continue l'importance de développer les projets photovoltaïques en priorité sur les bâtiments et les terrains dégradés. L'atteinte des objectifs ambitieux en matière de photovoltaïque s'inscrit en bonne cohérence avec les autres priorités du Gouvernement en matière de lutte contre l'artificialisation des sols et de préservation du foncier agricole. Ainsi l'arrêté du 6 octobre 2021 fixant les conditions d'achat de l'électricité produite par les installations implantées sur bâtiments, hangars ou ombrières utilisant l'énergie solaire photovoltaïque attribue un soutien public à des projets photovoltaïques sur toiture de moins de 500 kilowatts-crête sans appel d'offres et permet de valoriser ces installations non consommatrices d'espaces naturels et agricoles. Cet arrêté sera complété par un arrêté tarifaire pour le petit photovoltaïque au sol, visant les terrains dégradés et les zones urbanisées et à urbaniser, toujours dans l'idée de flécher préférentiellement le développement du photovoltaïque vers ces zones. La loi relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables (APER) du 10 mars 2023 priorise l'installation de panneaux solaires sur des terrains déjà artificialisés ou ne présentant pas d'enjeu environnemental majeur. Sont notamment visés les terrains en bordure des routes et des autoroutes et des voies ferrées et fluviales ; les friches en bordure du littoral et les parkings extérieurs existants de plus de 1 500 mètres carrés. Ces dispositions sont venues également compléter et renforcer celles de l'article 101 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021, portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets qui pose l'obligation d'installer des panneaux photovoltaïques en toiture, ou des toits végétalisés, sur les toits des bâtiments commerciaux, industriels et tertiaires. La loi APER permet également d'encadrer le développement du photovoltaïque sur les terrains agricoles et forestiers. Elle distingue notamment l'agrivoltaïsme et le photovoltaïque au sol sur terrains agricoles. Les projets agrivoltaïques doivent ainsi apporter un bénéfice à l'installation agricole, en apportant directement à la parcelle agricole au moins l'un des services suivants : une amélioration du potentiel et de l'impact agronomique, l'adaptation au changement climatique, la protection contre les aléas, ou l'amélioration du bien-être animal. Un décret en Conseil d'État viendra prochainement préciser les modalités d'application de ces dispositions. Des dispositions ont également été introduites pour encadrer localement l'implantation de panneaux photovoltaïques sur les espaces agricoles, hors champ de l'agrivoltaïsme. Ces projets ne pourront se développer que sur des terres réputées incultes ou non exploitées depuis une durée qui sera fixée par décret et identifiées dans un document cadre. De plus, à compter de mars 2024, tout projet photovoltaïque nécessitant un défrichement de plus de 25 hectares ne pourra être autorisé. Le Gouvernement est attentif dans ce cadre à ce que soient conciliés les enjeux de souveraineté alimentaire et de transition énergétique, par des conditions et un encadrement adaptés.
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