Question de M. DÉTRAIGNE Yves (Marne - UC) publiée le 26/01/2023

M. Yves Détraigne souhaite appeler l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur la colère des arboriculteurs français.
Alors que les prix des produits frais n'ont cessé de s'envoler depuis plusieurs mois, les producteurs ne voient guère leurs revenus augmenter. Aussi, ils ont récemment protesté en déversant des tonnes de pommes pourries et d'arbres fruitiers devant les centrales d'achats des grandes surfaces.
Il s'agit pour eux, une nouvelle fois, d'alerter sur leur faible rémunération. En effet, le prix payé aux agriculteurs est aujourd'hui inférieur à leurs coûts de revient. Cela signifie que vendre leurs productions leur fait perdre de l'argent alors même que, dans les rayons des magasins, le prix des denrées flambe…
En outre, les arboriculteurs font face à une hausse vertigineuse de leurs coûts de production, que ce soit le gasoil pour les tracteurs, les engrais, le bois pour les palettes, les plateaux ou encore l'électricité. Ces matières premières et cette énergie représentant une hausse de 30 à 100 % pour produire des fruits, ils ne peuvent plus prendre ces coûts supplémentaires à leur charge. La seule solution est de vendre leurs produits plus chers auprès de la grande distribution qui, par conséquent, devrait rogner sur ses propres marges pour éviter une répercussion de la hausse sur les consommateurs. La principale revendication du secteur est donc une augmentation du prix d'achat producteur de 20 centimes par kilo.
Alors que certains arboriculteurs ont d'ores et déjà procédé à des arrachages de vergers qui ne rapportent plus assez et qu'ils s'interrogent sur l'avenir de leur filière, il lui demande de quelle manière il entend soutenir la profession.

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Réponse du Ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire publiée le 24/08/2023

Le contexte de la crise Ukrainienne entraîne une hausse générale du coût des matières premières agricoles nécessaires à la production agricole (intrants, emballages, énergie…), en particulier dans la filière des fruits et légumes. Pour atténuer l'impact de la hausse des prix de l'énergie, le Gouvernement a mis en place une série de mesures de soutien aux entreprises. Toutes les entreprises, quelle que soit leur taille, bénéficient de l'allègement, à son minimum légal européen, de la taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité et du mécanisme d'accès régulé à l'électricité nucléaire historique permettant à tous les fournisseurs alternatifs de s'approvisionner en électricité auprès d'EDF dans des conditions fixées par les pouvoirs publics. Dans le cadre du plan de résilience économique et sociale, les exploitants agricoles ont bénéficié du dispositif d'aide aux surcoûts de gaz et d'électricité. En complément, pour les très petites entreprises (TPE) dont l'installation électrique est de faible puissance [inférieure à 36 kilovoltampères (kVA)], le bouclier tarifaire a permis de plafonner la hausse maximale du prix fixée à 15 % à compter de janvier 2023 et à 15 % également pour l'électricité à compter de février 2023. Enfin, toutes les TPE et les petites et moyennes entreprises qui ne sont pas protégées par le bouclier tarifaire peuvent bénéficier du dispositif d'amortisseur électricité. Ce dernier instaure un soutien à hauteur de 50 % du différentiel de prix moyen, sur l'ensemble des quantités consommées, si ce prix moyen dépasse 180 euros par mégawatt-heure (euros/MWh), avec un plafond de 500 euros/MWh dans le calcul de l'aide, soit un montant d'aide plafonné à 160 euros/MWh. Par ailleurs, un tarif garanti de 280 euros/MWh en moyenne sur l'année 2023 a été mis en place pour toutes les TPE ayant souscrit un contrat d'électricité au second semestre 2022. Au-delà de ces mesures d'aide conjoncturelles, l'application de la loi « EGALIM 2 » du 18 octobre 2021, qui vient compléter la loi « EGALIM », s'est révélée essentielle dans la période actuelle de forte hausse des coûts de production des exploitations agricoles. Elle a permis d'enrayer le processus de destruction de valeur dès sa première année de mise en oeuvre. Dans le contexte de la guerre en Ukraine, le Gouvernement a ainsi déclenché dès le 18 mars 2022, l'ouverture de nouvelles négociations commerciales entre les fournisseurs et les distributeurs, en mobilisant les mécanismes d'indexation et de renégociation prévus par la loi EGALIM 2. Depuis cette date, le Gouvernement a tenu un comité exceptionnel des relations commerciales pour accélérer les renégociations, réunissant syndicats agricoles, fédérations de transformateurs et distributeurs. Dans ce cadre, fournisseurs de produits agricoles et agroalimentaires et enseignes de la distribution ont signé le 31 mars 2022 une charte d'engagement qui pose les principes de ces renégociations. Ainsi, entre le 18 mars et le 1er décembre 2022, plus de 25 réunions du comité exceptionnel des négociations commerciales se sont tenues, permettant la revalorisation de près de 6 500 tarifs. Cette dynamique, qui vise à mieux prendre en compte la valeur de la matière première agricole s'est poursuivie jusqu'au 1er mars 2023, date butoire des négociations commerciales annuelles se sont clôturées par une hausse estimée à environ 9 % (observatoire des négociations commerciales annuelles 2023), ce qui porte à 16 % la revalorisation des prix par rapport au 1er mars 2022 (en prenant en compte les renégociations infra-annuelles dans le cadre de la charte d'engagement). Afin de renforcer l'équilibre dans les relations commerciales, notamment entre les fournisseurs et les distributeurs, de nouvelles dispositions ont été introduites par la loi du 30 mars 2023 tendant à renforcer l'équilibre dans les relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs, dite loi « Équilibre dans les relations commerciales (ERC) ». Ainsi, la non-négociabilité du prix de la matière première agricole est étendue aux produits sous marques de distributeurs, les pénalités logistiques sont davantage encadrées (obligation de les proportionner au préjudice subi, dans la limite d'un plafond équivalent à 2 % de la valeur des produits concernés) et le fournisseur a davantage de possibilités en l'absence d'accord à l'issue des négociations commerciales annuelles. En effet, pendant 3 ans, à titre expérimental, le fournisseur a la possibilité de mettre fin à la relation commerciale, sans que le distributeur ne puisse invoquer le bénéfice d'un préavis, ou demander l'application d'un préavis qui tienne compte des conditions économiques de marché, avec un recours éventuel à une médiation. La loi « ERC » a également prolongé jusqu'au 15 avril 2025 le dispositif expérimental de relèvement de 10 % du seuil de revente à perte (« SRP + 10 »), initialement mis en place en 2017 suite aux états généraux de l'alimentation afin de limiter les promotions abusives et destructrices de valeur et d'améliorer ainsi la rémunération des agriculteurs. Toutefois, lors de l'examen de la proposition de loi « ERC », les parlementaires ont voté l'exclusion des filières banane et fruits et légumes du « SRP + 10 ». Dès lors, les producteurs de fruits ne peuvent plus bénéficier de ce dispositif. Il reste toutefois possible pour les organisations interprofessionnelles concernées de soumettre au ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire une demande motivée de réintégrer leurs filières dans ce dispositif par arrêté ministériel. De même, les filières fruits et légumes ont été exclues de la contractualisation écrite obligatoire par la loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et une alimentation saine et durable du 2 octobre 2018 (dite loi « EGALIM »), spécificité confirmée par les décrets d'application de la loi visant à protéger la rémunération des agriculteurs du 18 octobre 2021 (dite loi « EGALIM 2 »). Toutefois, la contractualisation écrite obligatoire demeure un outil essentiel pour offrir aux producteurs sécurité et prévisibilité en terme de rémunération, mais aussi une certaine souplesse afin de tenir compte de l'évolution du contexte, notamment des paramètres économiques (révision, renégociation, force majeure, etc.), d'autant que les deux lois précitées permettent de baser les négociations sur différents indicateurs économiques objectifs. Si ces exclusions se sont appuyées sur les positions de différentes organisations professionnelles quant à la spécificité des filières fruits et légumes, elles n'ont pas permis de construire, pour ces dernières, des déclinaisons plus adaptées de ces dispositifs particulièrement efficaces pour améliorer la répartition de la valeur tout au long de la chaîne agroalimentaire, ainsi que la rémunération des agriculteurs. Aussi, le ministre et ses services restent pleinement ouverts et à l'écoute des filières fruits et légumes et de leurs organisations professionnelles qui seraient prêtes à travailler à de telles déclinaisons spécifiquement conçues pour ce faire. C'est d'ailleurs une des orientations du plan de souveraineté en fruits et légumes, présenté au salon international de l'agriculture (SIA) en mars 2023. Sur le plus long terme, le plan de résilience annoncé par le Gouvernement en mars 2022 prévoit la mise en oeuvre d'un plan de souveraineté à horizon 2030 spécifique aux fruits et légumes. Les travaux, officiellement lancés par le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire le 27 septembre 2022 ont abouti au lancement du plan lors du SIA. Ce plan vise à donner un cadre stratégique et identifier les leviers d'actions opérationnels dans l'objectif d'inverser la tendance baissière des courbes de production de fruits et légumes à horizon 2030. Afin d'élaborer ce plan, des discussions ont associé professionnels et services de l'État concernés autour des grands axes stratégiques suivants : protection des cultures ; compétitivité, investissements, innovation ; recherche, expérimentation, formation et renouvellement des générations ; dynamisation de la consommation de fruits et légumes dans le modèle alimentaire.

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