Question de M. ARNAUD Jean-Michel (Hautes-Alpes - UC) publiée le 02/02/2023

M. Jean-Michel Arnaud attire l'attention de M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires sur les difficultés rencontrées en vue du futur transfert obligatoire des compétences « eau » et « assainissement » des communes aux communautés de communes.

La loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (dite loi NOTRe) a rendu obligatoire le transfert des compétences « eau » et « assainissement » des communes aux communautés de communes et aux communautés d'agglomération au 1er janvier 2020. La loi du 3 août 2018 relative à la mise en œuvre du transfert de compétences « eau » et « assainissement » aux communautés de communes a aménagé les modalités de transfert, sans remettre en cause le caractère obligatoire de celui-ci avant le 1er janvier 2026, dès lors qu'aurait été activée une minorité de blocage au transfert de la ou des compétences avant le 31 décembre 2019.

L'obligation de transfert n'est pas sans risques. Sur le plan politique, la nécessite de préparer la modernisation des réseaux d'eau potable est légitime mais les modalités pour y parvenir doivent prendre en compte les spécificités territoriales. L'application d'une même et unique règle ne correspond pas toujours aux réalités locales : un territoire sans relief possédant un régime fluvial diffère d'un territoire de montagne avec un régime torrentiel.

Sur le plan des relations avec le citoyen, la disparition des compétences « eau » et « assainissement » à l'échelle communale participe à la dévitalisation des territoires ruraux. En effet les communes, dont les compétences sont transférées, sont souvent les moins dotées. Les communes chefs-lieux, toujours majoritaires dans les conseils communautaires, bénéficient indirectement de ce transfert. Les autres communes avec des moyens naturellement plus limités ressentent un sentiment de dépendance et d'abandon.

Sur le plan économique, la mutualisation n'a que rarement eu pour conséquence une rationalisation des dépenses : la convergence des pratiques, la réorganisation des services et la mise en place de la nouvelle gouvernance ont un coût, n'engendrant pas une réduction significative des dépenses de fonctionnement. Puis, l'harmonisation des redevances n'est pas sans conséquences pour les contribuables qui subissent une déconnexion entre le prix de l'eau et la qualité de service en fonction des communes.

Au nom d'un service public de qualité et au titre de la différenciation territoriale, une réforme de cette obligation de transfert semble nécessaire : laisser la liberté de choix aux maires s'avère indispensable.

Il l'interroge sur la position gouvernementale concernant cette problématique et sur les mesures prises pour éviter les écueils précités.

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Réponse du Ministère auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la ville et du logement publiée le 15/02/2023

Réponse apportée en séance publique le 14/02/2023

Mme le président. La parole est à M. Jean-Michel Arnaud, auteur de la question n° 388, adressée à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

M. Jean-Michel Arnaud. La loi du 7 août 2015, dite loi NOTRe, a rendu obligatoire le transfert des compétences eau et assainissement des communes aux communautés de communes et aux communautés d'agglomération avant le 1er janvier 2020. Par la suite, un report a été prévu jusqu'en 2026 pour les communautés de communes.

Monsieur le ministre, dans les zones rurales, en montagne et dans nombre de territoires, il serait bon qu'on puisse librement choisir d'exercer cette compétence dans le cadre communal ou intercommunal. Que pensez-vous de cette demande forte ? J'attends votre réponse avec beaucoup d'attention.

Mme le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Olivier Klein, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la ville et du logement. Monsieur le sénateur Jean-Michel Arnaud, je rappelle que ce transfert a été décidé en 2015 par la loi NOTRe pour 2020. L'obligation a depuis lors été assouplie, puisque la date limite est désormais fixée à 2026. La poursuite de ce transfert est une volonté forte du Gouvernement. Cette disposition est essentielle.

L'émiettement des services est un facteur d'inefficacité, comme l'a déjà souligné la Cour des comptes. Plus les services couvrent une population importante, meilleurs sont la connaissance du réseau, son rendement et sa gestion.

Le transfert de compétences au niveau intercommunal permet de mutualiser efficacement les moyens techniques, financiers et humains, afin d'assurer une meilleure maîtrise des infrastructures de distribution d'eau potable et d'assainissement et donc un service durable et plus performant aux usagers.

La sécurisation de cet approvisionnement, tant en quantité qu'en qualité, nécessite des interconnexions qui se conçoivent à l'échelle des bassins de vie, voire du département.

Par ailleurs, nous avons trouvé ces dernières années des solutions qui permettent de résoudre beaucoup de problèmes locaux. Les collectivités peuvent par exemple garder un prix de l'eau individualisé par secteur lors de l'entrée dans l'EPCI. Il est possible de garder des syndicats pour assurer la compétence eau et assainissement. Bref, des solutions ont été élaborées – le Sénat y a très largement contribué.

Ainsi, le Gouvernement ne soutiendra pas un texte visant à revenir en arrière sur les transferts de compétences eau et assainissement. À l'occasion des travaux de planification écologique, le Comité national de l'eau a souligné la nécessité d'une stabilité de la législation à ce sujet, les reports successifs ayant entraîné une posture d'attentisme des collectivités récalcitrantes préjudiciable à la bonne gestion de l'eau.

Mme le président. La parole est à M. Jean-Michel Arnaud, pour la réplique.

M. Jean-Michel Arnaud. J'entends ces arguments, monsieur le ministre, d'autant qu'ils sont régulièrement mis en avant par votre ministère. Vous invoquez l'inefficacité de la gestion de l'eau par les communes rurales : celles-ci apprécieront… Vous parlez aussi de collectivités territoriales « récalcitrantes » : le terme est particulièrement violent, s'agissant de libertés locales. Matin, midi et soir, le Gouvernement nous répète qu'il fait confiance aux collectivités locales, le couple préfet-maire est valorisé, et vous nous parlez de communes « récalcitrantes »… Je trouve que le mot est extrêmement déplacé.

Nous aurons l'occasion de revenir sur le sujet, puisque sont régulièrement déposées dans cette maison des propositions de loi sur ces questions. Je pense en particulier à celle de notre collègue sénateur de l'Ardèche Mathieu Darnaud, à celle de Jean-Yves Roux, dont nous discuterons dans quelques jours et même, peut-être, à celle qu'un éminent sénateur centriste pourrait déposer prochainement…

Il faut écouter la présidente de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, Françoise Gatel, il faut entendre ce qu'expriment les deux tiers des collectivités intercommunales, qui, à la demande de leurs communes membres, n'ont toujours pas procédé au transfert de la compétence eau.

Bref, il faut faire bouger les lignes. Sinon, ce sont les collectivités territoriales, les communes et les maires qui vous bougeront, monsieur le ministre.

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