Question de M. FICHET Jean-Luc (Finistère - SER) publiée le 16/02/2023

M. Jean-Luc Fichet attire l'attention de M. le ministre de la santé et de la prévention sur l'article 33 de la loi n° 2021-502 du 26 avril 2021 visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification et plus précisément sur la mise en place de la lutte contre l'intérim médical abusif, via le rejet des factures dépassant les plafonds réglementaires. Dans un secteur déjà sous haute tension et confronté à la pénurie de personnel médical, et ce avant même la crise sanitaire, le refus massif des médecins intérimaires de ces nouvelles conditions risque d'amplifier le problème. L'objectif de la lutte contre l'intérim médical abusif est de maintenir une égalité de traitement pour les établissements médicaux de l'ensemble du territoire et ainsi éviter la fermeture de services hospitaliers, la fermeture de blocs opératoires, la fermeture de lits d'hospitalisation...
Favorable à cette mesure, il interroge donc le Gouvernement sur les mesures qui vont être prises pour pallier, à court et moyen terme, le déficit temporaire des services médicaux.

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Réponse du Ministère auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargé de l'organisation territoriale et des professions de santé publiée le 03/03/2023

Réponse apportée en séance publique le 02/03/2023

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Fichet, auteur de la question n° 441, adressée à M. le ministre de la santé et de la prévention.

M. Jean-Luc Fichet. Lutter contre l'intérim médical abusif est un des aspects de la loi Rist (loi du 26 avril 2021 visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification) que nous soutenons totalement. Il faut stopper les abus indécents des mercenaires !

Mais voilà, la loi s'arrête à mi-chemin et ne crée aucune obligation pour les professionnels de santé qui ont ce type de pratique. Le coût des intérimaires s'élève à 3 millions d'euros pour le seul hôpital de Morlaix – 2 000 à 5 000 euros pour une garde de vingt-quatre heures ! Ces tarifs sont une insulte aux médecins et spécialistes qui, chaque jour, se consacrent, souvent dans des conditions difficiles, à leurs patients pour un salaire bien moindre.

Dans les mois à venir pèse la menace de voir les médecins intérimaires refuser les missions qui leur étaient dévolues. On peut en mesurer les conséquences avec, par exemple, le risque de fermeture de la maternité de Morlaix, faute de la présence d'un anesthésiste pour maintenir la ligne de garde. Je pense aussi à la fermeture de six blocs opératoires ne fonctionnant qu'avec des intérimaires au centre hospitalier universitaire (CHU) de Brest. Les syndicats nous alertent sur ces situations.

Madame la ministre, il n'y a aucune anticipation de la part du Gouvernement alors qu'une loi existe depuis 2017, une loi jamais appliquée.

Le ministre Braun a déclaré, hier au Sénat, qu'aucun territoire ne serait laissé sans solution si la situation se détériorait. Or la situation se dégrade ! Alors quelles mesures le Gouvernement entend-il mettre en place en urgence pour éviter la possible fermeture de services hospitaliers comme à Morlaix ou Brest ?

Ne pensez-vous pas qu'il est urgent d'imposer des obligations à ces professionnels pour qui l'argent passe avant le besoin vital des patients, alors même que leurs études ont été totalement financées par de l'argent public ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé. Monsieur le sénateur, les dérives de l'intérim médical représentent un poids financier important pour l'hôpital public, avec des rémunérations qui peuvent être de l'ordre de 3 000 euros pour vingt-quatre heures. Ces situations engendrent également une iniquité vis-à-vis des praticiens qui s'investissent durablement à l'hôpital.

L'intérim médical fait l'objet d'un plafonnement depuis la loi de modernisation de notre système de santé de 2016, dont le montant est fixé à 1 170 euros brut pour vingt-quatre heures. Cependant, les infractions à cette réglementation n'ont cessé de se développer ces dernières années. La loi Rist du 26 avril 2021, que vous avez citée, vise à rétablir un équilibre et une équité, en faisant respecter ce cadre réglementaire.

Je le rappelle, notre politique est de lutter, non pas contre l'intérim, qui peut parfois représenter une solution à certaines tensions conjoncturelles en ressources humaines, mais contre ses dérives.

L'application des dispositions de la loi Rist, prévue à partir du 3 avril prochain, fait l'objet de travaux préparatoires importants, qui témoignent de notre souci d'anticipation, contrairement à ce que vous avez dit, monsieur le sénateur.

Les services du ministère de la santé et les ARS travaillent en étroite liaison avec les établissements publics et le réseau des finances publiques pour préparer l'entrée en vigueur des contrôles et anticiper les conséquences sur l'offre de soins localement. Nous veillons à ce que, dans le cadre de ce travail, une concertation soit menée avec les élus locaux et les parlementaires.

Des diagnostics territoriaux ont été établis pour identifier, au cas par cas, les problèmes éventuels et définir des solutions adaptées au maintien de la continuité des soins.

Des concertations concernant le secteur privé sont par ailleurs en cours pour définir des modes de fonctionnement solidaires.

Enfin, des dispositifs indemnitaires et, plus largement, de rémunération ont été créés pour renforcer l'attractivité de l'exercice hospitalier. Les statuts des praticiens hospitaliers et contractuels ont été revalorisés ; des indemnités spécifiques ont été créées, telles que la prime de solidarité territoriale ; et les mesures de majoration des indemnités de garde, mises en place l'été dernier, ont été prolongées cet hiver.

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Fichet, pour la réplique.

M. Jean-Luc Fichet. Madame la ministre, vous m'expliquez ce que je sais déjà !

Ma question était très claire. La situation se dégrade : à partir du mois d'avril prochain, les hôpitaux n'auront plus d'intérimaires – ceux-ci ne voulant plus venir s'ils ne sont pas grassement payés –, ce qui va entraîner la fermeture de services. Que comptez-vous donc faire pour éviter cette situation et permettre aux hôpitaux de fonctionner dans des conditions correctes, pour le bénéfice de l'ensemble des patients ?

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