Question de Mme GUIDEZ Jocelyne (Essonne - UC) publiée le 16/02/2023

Mme Jocelyne Guidez attire l'attention de M. le ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports sur une situation préoccupante : l'inefficacité, en droit et en fait, du régime juridique de sanction des infractions commises par les poids lourds circulant sur des voies interdites aux véhicules lourds.

Force est de constater qu'en dépit de la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d'orientation des mobilités qui autorise l'installation de radars poids-lourds pour faciliter la constatation et la verbalisation de ces infractions (création de l'article L 130-9-2 du code de la route), nos communes demeurent à ce jour largement impuissantes pour faire respecter les arrêtés municipaux régulant la circulation des poids-lourds. Et si, dans une réponse au Sénat de février 2022 (question orale n°2009), le Gouvernement évoquait la possibilité prochaine d'une installation de radars poids-lourds fixes à l'initiative des maires, elle ne peut que déplorer que, faute de clarifications législatives et réglementaires dédiées, l'état actuel du droit ne permet toujours pas la verbalisation effective des poids lourds.

En effet, à la différence des dispositions législatives en matière de vidéo-verbalisation des nuisances sonores excessives sur la route introduites par cette même loi de décembre 2019, les radars poids-lourds n'ont toujours pas fait l'objet d'une expérimentation en lien avec les collectivités. De même, la circulation de poids-lourds sur des voies qui leur sont interdites ne figure toujours pas à la liste des infractions vidéo-verbalisables énumérées à l'article R.130-11 du code de la route. Cette inertie normative et administrative est d'autant moins compréhensible qu'elle contrarie la volonté croissante du législateur de faciliter le recours des collectivités locales aux radars, volonté qu'illustre la révision de février 2022 de l'article L. 130-9 du code de la route.

Or, cette situation ne saurait perdurer, au regard des réalités et contraintes rencontrées sur le terrain par de nombreuses communes confrontées à un important transit de poids lourds jusque dans leurs zones d'habitation, aux abords des services publics et des commerces.

Les élus locaux peuvent librement faire des arrêtés municipaux interdisant l'accès des poids-lourds à certaines voies sensibles, mais ils restent au final dépourvus de moyens efficaces pour les faire respecter. La seule modalité de verbalisation des poids-lourds en infraction à leur disposition demeure, à ce jour, l'interception de véhicules pris sur le fait par des services de police et de gendarmerie déjà très sollicités par ailleurs. Ce cadre normatif est ainsi très restrictif et peu adapté aux réalités pratiques pour être efficace.

Souvent, les situations de partage de la chaussée entre des poids lourds et des usagers vulnérables (piétons, cyclistes) sont en elles-mêmes sources de risques accrus pour la sécurité routière. Il faut sécuriser les voies sensibles par la régulation des traverses de poids-lourds. Cet objectif se fait même nécessité impérieuse sur certains axes tels que les abords des écoles. Mieux réguler les itinéraires des poids-lourds, c'est aussi encourager le recours aux mobilités douces si indispensables à la transition écologique.

Elle souhaiterait savoir comment il envisage de procéder aux clarifications législatives et réglementaires requises et d'autoriser dans les meilleurs délais, au moins à titre expérimental, la vidéo-verbalisation du trafic des poids-lourds dans les collectivités locales et par les collectivités locales. De nombreuses communes sont prêtes à prendre part à une telle expérimentation.

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Transmise au Ministère de l'intérieur et des outre-mer


Réponse du Ministère auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des collectivités territoriales et de la ruralité publiée le 03/03/2023

Réponse apportée en séance publique le 02/03/2023

M. le président. La parole est à Mme Jocelyne Guidez, auteure de la question n° 442, transmise à M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Mme Jocelyne Guidez. Je souhaiterais attirer l'attention du Gouvernement sur une situation préoccupante : l'inefficacité, en droit et en fait, du régime juridique de sanction des infractions commises par les poids lourds circulant sur des voies interdites aux véhicules lourds.

Force est de constater que, en dépit de la loi du 24 décembre 2019 d'orientation des mobilités, qui autorise l'installation de « radars poids lourds » pour faciliter la constatation et la verbalisation de ces infractions, nos communes demeurent à ce jour largement impuissantes pour faire respecter les arrêtés municipaux régulant la circulation des poids lourds.

Si, dans une réponse au Sénat datant de février 2022, le Gouvernement évoquait la possibilité prochaine d'une installation de radars poids lourds fixes sur l'initiative des maires, je ne peux que déplorer que, faute de clarifications législatives et réglementaires dédiées, l'état actuel du droit ne permette toujours pas la verbalisation effective de ces derniers.

En effet, à la différence des dispositions législatives en matière de vidéoverbalisation des nuisances sonores excessives sur la route introduites par cette même loi de décembre 2019, les radars poids lourds n'ont toujours pas fait l'objet d'une expérimentation en lien avec les collectivités.

De même, la circulation de poids lourds sur des voies qui leur sont interdites ne figure toujours pas dans la liste des infractions vidéoverbalisables énumérées à l'article R. 130-11 du code de la route. Les élus locaux peuvent librement prendre des arrêtés municipaux interdisant l'accès de ces poids lourds à certaines voies sensibles, mais ils restent en définitive dépourvus de moyens efficaces pour les faire respecter.

Je souhaiterais savoir, madame la ministre, comment le Gouvernement envisage de procéder aux clarifications législatives et réglementaires requises ainsi qu'à l'autorisation dans les meilleurs délais, au moins à titre expérimental, de la vidéoverbalisation du trafic des poids lourds dans les collectivités locales. De nombreuses communes sont prêtes à prendre part à une telle expérimentation.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Madame la sénatrice Guidez, le Gouvernement est particulièrement attaché à doter les maires, qui sont chargés de la police de la circulation, de moyens juridiques et techniques leur permettant de faire respecter efficacement les règles de la sécurité routière dans leur agglomération.

Comme vous le rappelez, cet effort s'est traduit, dans la loi d'orientation des mobilités, par l'attribution aux maires de la compétence en matière d'installation de radars visant à contrôler le respect des voies réservées, le tonnage des poids lourds et les zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m).

Compte tenu des délais nécessaires à la conception et au développement technique d'équipements radars fiables consacrés au contrôle des voies réservées, des ZFE-m et des poids lourds, la seule option disponible à court terme pour mettre en œuvre un contrôle sans interception alliant efficacité de la répression et facilité de mise en place repose sur la vidéoverbalisation.

Celle-ci autorise notamment les policiers municipaux et les gardes champêtres à constater les infractions sans interception, après visionnage en direct des images issues d'un système de vidéoprotection.

Des modifications réglementaires sont d'ores et déjà engagées par le ministère de l'intérieur et des outre-mer afin d'étendre le périmètre des infractions constatables sans interception, listées à l'article R. 121-6 du code de la route, aux interdictions et restrictions de circulation prévues par la réglementation sur le poids des véhicules, mais aussi afin d'élargir l'accès des policiers municipaux au système d'immatriculation des véhicules, pour qu'ils puissent obtenir les données relatives à la catégorie des véhicules.

La publication de ces textes permettra de finaliser le cadre juridique, mais non pas, malheureusement, d'installer immédiatement les appareils de contrôle requis.

En effet, ces appareils ont pour finalité d'identifier et de verbaliser des usagers de la route qui sont en infraction. Ils doivent donc disposer de toutes les sécurités et de toutes les homologations nécessaires pour que ce nouveau système ne comporte pas de faille. Les appareils devront notamment être connectés à l'Agence nationale de traitement automatisé des infractions (Antai).

Je peux vous indiquer que la certification des équipements, pilotée par mon collègue chargé des transports, M. Clément Beaune, est prévue pour la mi-2023.

M. le président. La parole est à Mme Jocelyne Guidez, pour la réplique.

Mme Jocelyne Guidez. Madame la ministre, vous savez que la seule modalité de verbalisation des poids lourds en infraction demeure, à ce jour, l'interception de véhicules pris sur le fait par des services de police et de gendarmerie qui sont déjà très sollicités par ailleurs. Ce cadre normatif est ainsi très restrictif et insuffisamment adapté aux réalités pratiques pour être efficace.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. C'est vrai.

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