Question de Mme LIENEMANN Marie-Noëlle (Paris - CRCE-R) publiée le 09/02/2023

Mme Marie-Noëlle Lienemann interpelle Mme la Première ministre au sujet de la participation de la France au renouvellement du matériel militaire polonais par du matériel extra européen.
Le 22 mars 2021, le Conseil Européen a adopté une décision établissant la facilité européenne pour la paix (https://www.eeas.europa.eu/eeas/european-peace-facility-0_en). Cette facilité européenne pour la paix (FEP) est un instrument extra budgétaire qui a pour objectifs « d'améliorer la capacité de l'Union à prévenir les conflits, à consolider la paix et à renforcer la sécurité internationale, en permettant le financement d'actions opérationnelles relevant de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) et ayant des implications militaires ou dans le domaine de la défense. »
Dans le cadre de la participation de l'Union européenne (UE) aux opérations en Ukraine, la FEP a déjà alloué plus de la moitié de son enveloppe pluriannuelle de 5,7 milliards d'euros au remboursement partiel des cessions de matériels militaires à l'armée ukrainienne de la part des États membres. Or il a été demandé à la FEP de rembourser le soutien matériel militaire polonais en Ukraine au prix du renouvellement des matériels et non pas à celui-réel des matériels existants. En conséquence, alors que la Pologne a livré - tout du moins en premier lieu - à l'armée ukrainienne du matériel et des blindés datant de l'époque soviétique et du Pacte de Varsovie, la FEP a versé à cet État membre des crédits pour du matériel neuf correspondant au prix d'achat de l'avion de combat F35 américain, du char K2 Black panther ou de l'obusier K9 sud-coréens.
L'enveloppe de 3 milliards d'euros déjà décidée au titre de la FEP doit être financée par des contributions des États membres participants et doit être assise sur leur part respective dans le revenu national brut (RNB) de l'UE, soit plus de 18 % pour la France. Il coûtera donc plus de 500 millions d'euros au budget des armées françaises. Cette somme servira donc vraisemblablement à acheter de l'armement et du matériel auprès de fournisseurs non européens (américains et sud-coréens) au profit d'armées européennes.
À cela s'ajoute que des pays comme l'Allemagne et la Pologne poussent à la création d'un instrument dédié spécifiquement à l'Ukraine permettant cette fois non plus de rembourser les États membres mais d'acheter directement des armes et des munitions auprès de fournisseurs, même non européens. La décision est déjà prise concernant la FEP. Dès 2023, le ministère français des armées risque d'être à nouveau ponctionné, cette fois d'un milliard d'euros, pour financer l'équipement de l'Ukraine avec du matériel non européen. C'est inacceptable car c'est acter que le principe de solidarité européenne soit utilisé pour acheter en priorité du matériel militaire non européen, alors qu'il existe une industrie européenne, et en l'occurrence française, de défense, de qualité et qui a besoin d'être soutenue. Cela ne nous paraît être une bonne politique en matière de défense des intérêts européens. Il n'est pas non plus acceptable que la France subventionne ainsi l'achat de matériel extra européen, alors même qu'il nous est interdit de subventionner notre propre industrie de l'armement, au-delà de la règle des minimis.
En ajoutant toutes les participations de la France au financement des actions de l'UE, la contribution nette de la France est estimée désormais à 10 milliards d'euros par an !
Elle lui demande ce que le Gouvernement compte faire pour éviter que les ponctions sur le budget de l'armée ne servent à acheter du matériel extra européen et ne participe au développement de l'industrie de l'armement de pays extra européens au détriment des industries européennes et en particulier française.

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Transmise au Ministère des armées


Réponse du Ministère des armées publiée le 28/09/2023

À la suite de l'agression russe contre l'Ukraine, le Conseil de l'Union européenne (UE) a adopté deux mesures d'assistance dans le cadre de la Facilité européenne pour la paix (FEP) pour permettre la fourniture d'équipement militaire létal et non-létal aux forces armées ukrainiennes (FAU). Ces mesures ont été abondées par sept « paquets » successifs de 500 millions d'euros (Meuros), portant, au 31 décembre 2022, l'enveloppe mobilisable pour le renforcement des capacités militaires des FAU à un total de 3,6 milliards d'euros (Mdseuros), dont 3,1 Mdseuros pour l'équipement létal et 380 Meuros pour le non-létal. Pour rappel, la FEP, qui était initialement dotée de 5,7 Mdseuros sur la période 2021-2027, a été à nouveau abondée par les États membres lors du Conseil européen de décembre 2022 de 2 Mdseuros supplémentaires. Ces 2 Mdseuros sont destinés à financer la livraison aux forces armées ukrainiennes de munitions d'artillerie et de missiles à la fois depuis les stocks des armées européennes mais aussi à travers des acquisitions conjointes auprès de la BITD européenne. Depuis le 26 février 2022, l'état-major de l'UE a mis en place en son sein une clearing house cell chargée de coordonner la fourniture d'équipements militaires et de synthétiser les expressions de besoins des FAU. Cette cellule est également le point de départ des remboursements : elle constate a posteriori l'adéquation des livraisons déclarées par les États membres (EM) avec les priorités les plus urgentes des FAU et, sur cette base, en recommande au comité FEP le remboursement aux EM fournisseurs. Ne sont donc remboursées que les livraisons jugées éligibles, conformément à des critères décidés par les EM au début du conflit et à une méthode de valorisation précise. Ainsi, sur les deux premières tranches de remboursement d'un montant total de 2 Mdseuros et après prise en compte de la contribution nationale au financement de la FEP, des demandes de remboursement soumises et de celles effectivement remboursées, la Pologne s'est avérée être contributeur net de plus d'1 Mdeuros. Ensuite, depuis la mise en oeuvre du cinquième paquet d'assistance à l'Ukraine le 21 juillet 2022, il est possible de recourir à l'acquisition d'équipements dans un but de cession aux FAU. Il est prévu que l'éligibilité au remboursement de l'acquisition soit fondée sur : la capacité à répondre à des besoins prioritaires de l'Ukraine non satisfaits, conformément à un critère d'urgence ; la prise en compte en priorité par les EM, pour leurs acquisitions, de la capacité de la base industrielle et technologique de défense européenne (BITDE) à fournir. Cette disposition a été incluse à la demande de la France, afin que la FEP puisse contribuer au renforcement de la BITDE et que la possibilité d'achats sur étagères auprès de tiers soit limitée. Aucune facture n'a encore été présentée à ce jour pour ce type de dépense. Enfin, dans le cadre des discussions en cours à Bruxelles sur la livraison de munitions à l'Ukraine et sur la possibilité d'acquisition conjointe pour recompléter les stocks des EM, la France défend systématiquement une logique selon laquelle, au-delà de l'urgence, la mobilisation de l'argent européen doit aussi servir à renforcer la capacité des industries européennes sur le plus long terme. C'est donc un sujet sur lequel la France est très mobilisée. Nous assumons à Bruxelles une positions d'équilibre -parfois isolée- entre réponse efficace à l'urgence (trouver la ressource où elle est) et préparation de l'avenir (consolider et autonomiser la BITDE), dans le cadre de notre agenda européen plus global pour développer la souveraineté européenne.

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