Question de M. REDON-SARRAZY Christian (Haute-Vienne - SER) publiée le 02/03/2023

Question posée en séance publique le 01/03/2023

M. Christian Redon-Sarrazy. Monsieur le ministre, hier puissance agricole et deuxième exportatrice mondiale de produits agroalimentaires, la France est passée au cinquième rang en vingt ans.

Ses importations ont suivi le sens inverse et représentent aujourd'hui près de la moitié des produits consommés par les Français chaque jour.

Nous ne sommes plus le grenier de l'Europe : nous sommes déficitaires en matière alimentaire depuis 2015, le nombre d'exploitations – tout comme les cheptels – ne cesse de diminuer et l'on observe un taux inquiétant de déconversion dans l'agriculture biologique.

Après cinq ans et demi d'action gouvernementale, la situation des agriculteurs ne s'est pas améliorée, loin de là.

Le taux de suicide chez les exploitants agricoles est le plus élevé de toutes les catégories socioprofessionnelles. La transmission des exploitations reste un problème majeur : en vingt-cinq ans, le prix des terres agricoles aura doublé et, dans dix ans, 50 % des chefs d'exploitation seront en droit de partir à la retraite.

La profonde crise des vocations s'explique avant tout par l'absence d'un revenu décent et par le coût de plus en plus élevé du foncier agricole.

La proposition de loi pour lutter contre l'accaparement du foncier agricole déposée par votre majorité avant l'élection présidentielle de 2022, n'a en rien répondu au problème de concentration du foncier et des outils de production. À l'heure actuelle, l'État démontre un manque total d'ambition. Or les crises se succèdent et se multiplieront très rapidement.

L'été 2022 a montré à quel point notre agriculture était fragile et la France est déjà, depuis un mois, en situation de sécheresse.

Le véritable modèle agricole français que nous voulons défendre doit être pérenne, familial, respectueux des humains, des animaux et des sols et c'est celui qu'il faut préserver à tout prix.

Nos territoires comme nos citoyens ont besoin de la polyculture-élevage, de la multiplication des circuits courts, de relocalisations avec des chaînes d'approvisionnement alimentaire sûres, non soumises aux aléas climatiques et géopolitiques.

Préserver notre souveraineté et notre sécurité alimentaire est un gage d'indépendance et de survie. À cet égard, les intentions de l'État quant à la ratification des accords entre l'Union européenne et le Mercosur, du Ceta (accord économique et commercial global) et de l'accord de libre-échange avec la Nouvelle-Zélande – autant de portes ouvertes à une concurrence déloyale – ne sont toujours pas claires.

Monsieur le ministre, nous avons besoin d'une trajectoire d'adaptation précise et cohérente face à tous ces enjeux. Le temps presse ! Quand proposerez-vous une véritable politique agricole ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées des groupes GEST et CRCE.)


Réponse du Ministère auprès de la Première ministre, chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement publiée le 02/03/2023

Réponse apportée en séance publique le 01/03/2023

M. Olivier Véran, ministre délégué auprès de la Première ministre, chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Christian Redon-Sarrazy, on ne peut que partager votre constat : vous avez raison de rappeler que, d'ici une dizaine d'années, près de la moitié des agriculteurs sera partie à la retraite et que nous devons absolument entrer dans une logique de renouvellement des générations.

Vous avez raison également de souligner qu'il faut profiter de ce renouvellement des générations – cela avait été le cas, d'ailleurs, dans les années 1960, lorsqu'un grand renouvellement générationnel avait eu lieu dans le monde agricole et qu'une planification avait été mise en place – pour accompagner les transitions.

Cela signifie répondre à la demande des jeunes agriculteurs, qui sont des gens qui aiment la terre, qui aiment cultiver, qui veulent être propriétaires de leurs moyens de production et qui veulent vivre décemment de leur travail. Ainsi, la question du revenu est une question qui compte. Elle n'est pas unique, mais elle est centrale.

Avec les lois Égalim 1 et 2, nous avons mis fin à la spirale déflationniste et à la destruction de valeur pour nos agriculteurs. Ces lois sont récentes ; nous devons travailler à leur pleine application.

Au-delà, nous devons surtout assumer collectivement un discours clair : nous voulons une alimentation saine, sûre, durable, respectueuse de l'environnement et de la biodiversité. Oui, monsieur le sénateur, cela a un prix !

Nous voulons garder un outil de production agricole en France, ne pas dépendre des produits importés, qui ne respectent pas les mêmes standards. C'est ce qu'on appelle la souveraineté alimentaire française. Oui, monsieur le sénateur, cela a un prix !

La logique de la réciprocité des normes, que nous avons ancrée dans le débat européen depuis la présidence française du Conseil de l'Union européenne, est identique.

Le revenu agricole suppose aussi une retraite digne. En la matière, des avancées ont été faites et je salue notamment les lois Chassaigne 1 (loi visant à assurer la revalorisation des pensions de retraite agricoles en France continentale et dans les outre-mer) et Chassaigne 2 (loi visant à assurer la revalorisation des pensions de retraites agricoles les plus faibles), mais aussi la loi Dive (loi visant à calculer la retraite de base des non-salariés agricoles en fonction des vingt-cinq années d'assurance les plus avantageuses), que le Sénat vient d'adopter et qui prévoit que le Gouvernement travaille aux conditions d'une pension calculée sur les vingt-cinq meilleures années à partir de 2026.

Avec la réforme des retraites dont vous vous saisissez à présent, nous revaloriserons concrètement 350 000 retraites, en les améliorant de 100 euros supplémentaires en moyenne pour une carrière complète.

Enfin, monsieur le sénateur, l'avenir de l'agriculture, c'est assumer et accélérer les transitions. Vous l'avez dit, je partage votre point de vue et je n'insiste pas. (M. François Patriat applaudit.)

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