Question de Mme ASSASSI Éliane (Seine-Saint-Denis - CRCE) publiée le 16/03/2023

Question posée en séance publique le 15/03/2023

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)

Mme Éliane Assassi. Madame la Première ministre, vous affirmiez hier devant les députés que chacun devait assumer ses choix. Je vous demande donc aujourd'hui d'assumer les vôtres : celui du coup de force antidémocratique comme celui de la régression sociale.

Depuis deux mois, le peuple vous dit non. Les grèves et les manifestations se multiplient sur tout le territoire, demeurant ce qu'elles ont toujours été : des outils du progrès social.

Hier, vous avez répondu avec nervosité à mon ami André Chassaigne en lui reprochant d'opposer la légitimité de la rue à celle du Parlement. Dois-je vous rappeler, à vous qui aimez à évoquer votre passé de gauche, que c'est la grève et la rue qui ont bâti les conquêtes sociales ? (Mme la Première ministre fait non de la tête.)

Sans remonter jusqu'à 1789 (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.), contestez-vous la légitimité des grèves de 1906 pour la journée de travail de huit heures ? Contestez-vous celle des grèves de 1936 et la victoire qu'ont représentée les congés payés ? Contestez-vous les formidables progrès obtenus à la suite du mouvement de 1968, de la grève massive et de la mobilisation de la jeunesse ?

Enfin, plus proches de nous encore, les victoires de 1995, face à la réforme des retraites de M. Juppé, et de 2006, contre le contrat première embauche (CPE), n'ont-elles pas confirmé la force du mouvement social et sa légitimité ?

Oui, madame la Première ministre, il existe une légalité résultant de l'élection, mais il existe aussi une légitimité sociale, que vous ne pouvez pas nier et qui s'impose à vous aujourd'hui.

Oui, le recul de l'âge de départ à la retraite est refusé par notre peuple. Vous avez fait un choix de société, un choix de droite, un choix de classe. Le débat a eu au moins le mérite de clarifier l'échiquier politique en faisant l'union des droites électoralement minoritaires, de Renaissance à LR.

Ensemble, vous avez pris les rênes, par un acte d'autoritarisme dangereux pour la démocratie, que devrait confirmer la commission mixte paritaire réunie depuis ce matin.

Madame la Première ministre, nous ne laisserons pas faire, nous ne lâcherons rien, y compris en mobilisant les moyens constitutionnels qui sont à notre disposition. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.)

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Réponse du Première ministre publiée le 16/03/2023

Réponse apportée en séance publique le 15/03/2023

M. le président. La parole est à Mme la Première ministre.

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Madame Éliane Assassi, il y a quelque chose de grave à opposer systématiquement la légitimité de la rue à celle du Parlement. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP, UC et Les Républicains.)

Il y a quelque chose de dangereux à tenter par tout moyen d'empêcher le débat, de le bloquer. (Applaudissements sur les mêmes travées. – Protestations sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.)

MM. Thomas Dossus et Jean-Marc Todeschini. C'est vous qui l'avez bloqué !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. La gauche sénatoriale a revendiqué un seul objectif : empêcher un vote sur le texte. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP.) Vous n'avez pas réussi. De longs débats ont eu lieu, tous les articles ont été examinés et le projet de loi a été adopté à une large majorité.

M. Pierre Laurent. Par un vote bloqué !

M. Jean-Marc Todeschini. Vous aviez tout verrouillé !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Évidemment, j'aurais préféré plus de débat de fond et moins de procédure, plus de débat d'idées et moins de postures. Vous en avez décidé autrement. Je le regrette, mais c'est ainsi et c'est le fait unique de ce qui devient la Nupes sénatoriale. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP, UC et Les Républicains. – Protestations vives et prolongées et applaudissements ironiques sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.)

M. Jean-Marc Todeschini. Ce n'est pas la question !

M. Pierre Laurent. Zéro !

M. David Assouline. Ils ne sont pas là !

M. Vincent Éblé. C'est vraiment tout petit !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Je veux à cet égard saluer l'attitude responsable de la majorité sénatoriale pour la bonne tenue des discussions dans l'hémicycle. (Exclamations ironiques sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.)

Vous avez pu vous pencher sur tous les articles et enrichir le texte de nombreuses propositions, notamment pour améliorer les pensions des femmes ou l'emploi des seniors. Vous avez également pu faire vôtres de nombreux amendements déposés lors de l'examen du texte à l'Assemblée nationale.

M. Hussein Bourgi. Une Première ministre ne devrait pas lire une fiche !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Madame Assassi, certains parlementaires de la Nupes qualifient le processus démocratique en cours de « prise d'otages » des Français. J'y vois une entreprise de disqualification de nos institutions particulièrement insupportable de la part d'élus de la Nation. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, UC et Les Républicains.)

M. Pascal Savoldelli. Vous entendez nous interdire ? Vous êtes plus dure avec nous qu'avec le Rassemblement national. C'est grave et vous devriez y réfléchir !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Pour ma part j'ai le plus grand respect pour le travail parlementaire qui se poursuit, en ce moment même, en commission mixte paritaire. (Exclamations sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.)

M. Hussein Bourgi. Avez-vous vraiment besoin de lire une fiche pour dire cela ?

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Je suis convaincue que le Sénat et l'Assemblée nationale peuvent s'accorder sur un projet qui garantira l'avenir de nos retraites par répartition, qui réduira l'écart de pension entre les femmes et les hommes, qui augmentera les petites retraites, qui fermera les principaux régimes spéciaux, qui améliorera l'emploi des seniors, qui protégera ceux qui sont usés par le travail, qui permettra à ceux qui ont commencé à travailler tôt de partir plus tôt.

Cette réforme est nécessaire. Elle a été enrichie, notamment grâce aux travaux de votre assemblée.

Avec mon gouvernement, nous sommes pleinement mobilisés pour que, dans les prochains jours, une majorité vote la réforme des retraites. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)

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