Question de M. ROUX Jean-Yves (Alpes de Haute-Provence - RDSE) publiée le 02/03/2023

M. Jean-Yves Roux attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse sur les spécificités des établissements scolaires en milieu rural.
Les écoles rurales accueillent 36 % des écoles métropolitaines et 20 % des élèves. Ces écoles répondent à des caractéristiques tout à fait spécifiques qu'une politique nationale de l'éducation tend à laisser de côté.
Alors que des décisions concernant les prochaines cartes scolaires viennent d'être connues, il rappelle que les annonces de fermeture ou ouverture de classes d'une année sur l'autre bouleversent, beaucoup plus qu'ailleurs, l'ensemble des politiques publiques menées sur un territoire rural.
Il indique ainsi qu'une fermeture de classe implique souvent en milieu rural une réorganisation pédagogique importante, notamment dans le cas de classes multi-niveaux qui concernent 78 % des classes rurales.
Il souligne également que les variations de cartes scolaires peuvent aller à l'encontre de politiques d'aménagement et d'attractivité d'équipes municipales, soucieuses de mettre un terme à la déprise scolaire et d'attirer des familles. Il souligne ainsi qu'il n'est pas rare de constater une fermeture de classe alors qu'un petit lotissement avec des familles est prévu à court ou moyen terme. Les établissements scolaires ruraux s'inscrivent en effet dans une logique d'animation et de développement du territoire qu'il serait utile de préserver. Ceci d'autant plus que les collectivités locales constituent, après l'État, les premiers financeurs de la dépense d'éducation.

Il souhaite à ce titre lui faire connaître les conclusions du rapport sénatorial, effectué en collaboration avec un autre sénateur, portant sur « Les nouveaux territoires de l'information ». Cette mission d'information, conclue en octobre 2019, proposait de prendre en compte les spécificités des territoires dans la définition par le ministère de l'éducation nationale des politiques éducatives. Il s'agissait en effet d'ajouter à l'origine sociale des élèves, les contraintes d'éloignement. À ce titre, la mission parlementaire proposait de recourir à un indice d'éloignement géographique pour une allocation plus juste des moyens.
Par ailleurs, il rappelle que les écoles situées en milieu rural s'avèrent moins attractives pour les équipes éducatives et enseignantes et que ces élèves poursuivent des études dans des proportions bien inférieures à la moyenne nationale - ce qui justifiait une autre approche pour évaluer la réussite scolaire.
Aussi, dans ce contexte, il lui demande s'il entend proposer une priorisation académique forte dans la ruralité, afin d'appuyer les initiatives locales pour lutter contre la déprise scolaire dans ces territoires et de favoriser notamment, l'appréciation des cartes scolaires sur une période de trois ans.

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Réponse du Ministère auprès du ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion et du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, chargé de l'enseignement et de la formation professionnels publiée le 22/03/2023

Réponse apportée en séance publique le 21/03/2023

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Roux, auteur de la question n° 478, adressée à M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.

M. Jean-Yves Roux. Les écoles rurales représentent 36 % des écoles métropolitaines et accueillent 20 % des élèves de notre pays. Elles répondent à des caractéristiques tout à fait particulières : je pense à la forte proportion de classes multiniveaux – 76 % – et de regroupements pédagogiques intercommunaux.

Confrontés à une déprise démographique et à la difficulté de pérenniser les équipes pédagogiques, les élus ruraux mènent de nombreuses actions en faveur de l'animation et de l'attractivité de leur territoire, afin que les familles continuent de faire vivre la commune et son pilier, l'école.

Or, chaque année, les élus sont confrontés au couperet de l'annonce des fermetures et des ouvertures de classes, fondée sur le seul critère des effectifs. C'est la fameuse carte scolaire, qui est susceptible de bouleverser des équilibres et dynamiques locales obtenues de haute lutte.

Mes chers collègues, les collectivités locales sont, après l'État, les premiers contributeurs en matière d'éducation. Malheureusement, le couple ne regarde pas dans la même direction…

Au mois d'octobre 2019, M. Lafon et moi-même avons réalisé un rapport sénatorial sur les nouveaux territoires de l'éducation. Nous soulignions alors que les écoles situées en milieu rural étaient moins attirantes que les autres aux yeux des équipes éducatives et enseignantes et que leurs élèves poursuivaient leurs études dans des proportions bien inférieures à la moyenne nationale. Cela justifiait selon nous l'adoption d'une autre approche pour favoriser la réussite scolaire.

Nous indiquions notamment dans ce rapport que le gel des cartes scolaires pendant trois ans dans les territoires ruraux pouvait constituer une réponse.

Pendant ces trois ans, les élus auraient le temps de mener des politiques publiques locales pour conforter leurs écoles et leurs effectifs, tandis que les équipes pédagogiques auraient, elles aussi, le temps de monter des projets.

Voilà un an, nous adoptions la loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, dite loi 3DS, qui entendait, par la déconcentration, rapprocher l'État du terrain, en soutien des collectivités. Nous sommes convaincus que l'éducation nationale gagnerait en efficacité en s'inscrivant dans l'esprit de cette loi.

Envisagez-vous, par expérimentation tout d'abord, de proposer une carte scolaire stable, valable durant trois ans, pour la ruralité ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Carole Grandjean, ministre déléguée auprès du ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion et du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, chargée de l'enseignement et de la formation professionnels. Monsieur le sénateur Jean-Yves Roux, l'engagement présidentiel de ne fermer aucune école en zone rurale sans l'accord préalable du maire de la commune a été pris en 2019.

Reconduit chaque année, cet engagement concerne uniquement les écoles, et non les classes, et s'applique sans exception.

Comme vous le savez, la démographie scolaire est en forte diminution. Malgré cette baisse, qui est appelée à se prolonger – je tiens à le préciser –, nous avons fait le choix de ne pas nous arrêter à un simple travail arithmétique concernant la carte scolaire, spécialement en milieu rural, où l'école publique constitue un élément de dynamisation du territoire.

Ainsi, la répartition des moyens du service public de l'éducation tient compte des différences de situation, notamment en matière économique, territoriale et sociale.

Elle repose à ce titre sur plusieurs indicateurs : le respect des caractéristiques du réseau scolaire académique, le maintien du service public dans les zones rurales et la réussite des élèves issus des catégories sociales les plus défavorisées.

Nous utilisons un indicateur territorial qui intègre la typologie des territoires, des moins éloignés aux plus éloignés des zones urbaines, comme le préconisait votre rapport, monsieur le sénateur.

D'autres dispositifs spécifiques sont mis en place en ruralité. Je pense par exemple aux territoires éducatifs ruraux, que nous venons d'étendre à dix académies, au vu du volontarisme des élus locaux à propos de ce dispositif.

Je pense aussi à l'extension aux zones rurales de certains dispositifs d'accompagnement, comme les cordées de la réussite, qui concernent près de 32 000 élèves de territoires ruraux sur un total de 180 000 à l'échelon national, ou encore l'école ouverte dans le cadre des vacances apprenantes depuis l'été 2020.

Enfin, le dispositif des internats d'excellence est un levier important pour les élèves des territoires situés en zone rurale ou isolée.

Je connais votre travail et votre engagement sur la question de l'organisation territoriale du service public de l'éducation. Soyez assuré, monsieur le sénateur, que nous continuerons à travailler en lien avec les élus locaux pour permettre à tous nos élèves d'accéder aux apprentissages dans les meilleures conditions.

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