Question de M. MAUREY Hervé (Eure - UC) publiée le 02/03/2023
M. Hervé Maurey attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'absence de suivi des suites judiciaires données aux plaintes et aux signalements des maires.
Les plaintes et les signalements d'infractions par les maires font trop peu souvent l'objet de suites judiciaires. Les décisions de classement sans suite sont bien souvent la règle. Ce constat est particulièrement dommageable, la voie judiciaire étant parfois le seul moyen de retrouver et de sanctionner les auteurs d'infractions notamment dans des domaines relevant de la compétence du maire (par exemple l'urbanisme ou l'abandon illégal de déchets).
L'incompréhension des maires est d'autant plus grande que, s'agissant des signalements, ceux-ci constituent une obligation en leur qualité d'officier de police judiciaire (article 19 du code de procédure pénale) et en tant qu'officier public (article 40 du code de procédure pénale). Par ailleurs, l'obligation d'information des suites données à ces signalements prévues par la loi reste également peu respectée. Le législateur, à l'initiative de l'auteur de la question, a encore réaffirmé récemment son attachement à cette information en prévoyant la communication systématique au maire, lorsque le procureur est conduit à informer ce dernier d'un classement sans suite, des raisons juridiques ou d'opportunité qui justifient cette décision.
Malgré les demandes de l'auteur de la présente question écrite d'un meilleur suivi des plaintes et signalements des maires, le Gouvernement indique qu'il n'est pas envisagé à ce stade d'évolution de l'applicatif informatique permettant le suivi statistique des procédures contraventionnelles, délictuelles et criminelles, estimant que « l'absence de possibilité de recueil de statistiques portant spécifiquement sur les procédures émanant des maires n'empêche par ailleurs nullement le suivi précis de ces procédures, ni la mise en oeuvre d'une action coordonnée entre les élus et l'autorité judiciaire ».
Force est de constater que dans les faits, ce suivi reste très lacunaire, malgré les différentes circulaires ministérielles à ce sujet, et que l'absence de statistique sur le sujet ne permet pas d'objectiver la réalité de ce suivi.
Toutefois, le Gouvernement indique que « le ministère de la justice travaille à la mise en place d'applicatifs visant à faciliter d'une part le recueil de signalements et d'autre part le suivi de ces procédures ».
Aussi, il souhaiterait savoir si ces dispositifs permettront d'avoir une vision quantitative et qualitative au niveau national et départemental du suivi donné aux plaintes et signalement des maires, et à quelle échéance.
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Réponse du Secrétariat d'État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de l'écologie publiée le 05/04/2023
Réponse apportée en séance publique le 04/04/2023
Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Maurey, auteur de la question n° 484, adressée à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Hervé Maurey. Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, les signalements d'infractions et les plaintes des élus, notamment des maires, qui sont des officiers de police judiciaire, font trop peu souvent l'objet de poursuites, encore moins de condamnations.
Les décisions de classement sans suite sont trop souvent la règle sans que la raison en soit communiquée et encore moins expliquée aux élus. Pourtant, la loi prévoit depuis 2021, sur l'initiative du Sénat, l'obligation non seulement d'informer, mais aussi de motiver le classement.
Les maires vivent cette situation comme un manque de considération et une défiance à leur égard, d'autant que la voie judiciaire est bien souvent la seule qui permette de sanctionner les infractions dans des domaines relevant de leurs compétences, notamment en matière d'urbanisme.
En novembre dernier, le garde des sceaux indiquait que « le dialogue avec les élus est désormais une priorité des procureurs ».
Il est bien difficile de mesurer sur le terrain les résultats de cette annonce, car il n'existe aucun suivi de ces plaintes et signalements.
Je demande depuis plusieurs années la mise en place d'outils permettant une transparence vis-à-vis des maires et une vision globale de la réalité des suites données à leurs plaintes et signalements.
À une réponse à ma question écrite sur le sujet, il m'a été indiqué que « le ministère de la justice travaille à la mise en place d'applicatifs visant à faciliter, d'une part, le recueil de signalements et, d'autre part, le suivi de ces procédures ».
J'aimerais donc savoir, madame la secrétaire d'État, où en est la mise en oeuvre de ces applicatifs de suivi et, au-delà, ce que le Gouvernement compte faire pour améliorer la prise en compte, le suivi et l'information des élus en ce domaine.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Bérangère Couillard, secrétaire d'État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de l'écologie. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Hervé Maurey, le ministère de la justice est pleinement engagé dans la lutte contre la délinquance du quotidien. Les maires, en tant que premiers relais de la République dans les territoires, sont des interlocuteurs privilégiés des parquets, le ministre de la justice l'a rappelé à plusieurs reprises.
Au-delà des instructions fermes délivrées, le ministère de la justice a souhaité mettre à disposition des juridictions, à brève échéance, des outils permettant de renforcer concrètement leur action.
C'est pourquoi, depuis le mois de février 2022, les services du ministère travaillent au développement d'un applicatif visant à assurer le suivi des politiques pénales prioritaires visées par les instructions que le garde des sceaux délivre régulièrement.
Cet outil de suivi des politiques pénales prioritaires a justement vocation à permettre aux parquets d'assurer un suivi précis des situations référencées à ce titre. C'est évidemment le cas des infractions commises au préjudice des élus, tout comme des infractions signalées par ces derniers dans le cadre de la justice de proximité.
Cet outil permettra, par le biais d'alertes automatiques, d'améliorer significativement le partage de l'information.
Son déploiement à l'automne est d'abord, évidemment, centré sur le suivi des violences intrafamiliales. Il est ensuite axé prioritairement sur le suivi des atteintes aux forces de sécurité intérieure et aux élus. Ces fonctionnalités devraient être ouvertes d'ici à la fin de l'année 2023.
Enfin, les services du ministère ont également développé la plateforme InfoParquet qui permet non seulement d'assurer un retour automatique sur les suites données à leurs signalements, mais également de doter les parquets d'un outil permettant de mesurer l'évolution du nombre de signalements dans un domaine particulier. Cette plateforme innovante est en cours d'expérimentation dans plusieurs parquets, pour une généralisation prévue au second semestre 2023.
Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Maurey, pour la réplique.
M. Hervé Maurey. Madame la secrétaire d'État, j'ai bien noté l'annonce, par le Gouvernement, dans le cadre d'une réponse à une question écrite, d'un applicatif qui serait en vigueur avant la fin de l'année 2023.
J'espère qu'il apportera des éléments positifs et donnera satisfaction aux élus. Je le répète, il serait souhaitable que ce que nous avons voté ici, à savoir que les classements doivent être motivés, entre réellement en application.
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