Question de M. LEFÈVRE Antoine (Aisne - Les Républicains) publiée le 16/03/2023
M. Antoine Lefèvre attire l'attention de M. le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion sur la requalification prochaine des missions locales dans le cadre du programme « France travail jeunes ».
Il lui fait part notamment de sa perplexité face au manque de cohérence et de lisibilité du projet : le projet de rebaptiser les missions locales, sans pour autant leur maintenir l'accompagnement exclusif des publics accueillis, apparaît encore une fois comme une volonté de l'État de se substituer intégralement sur le long terme au rôle des acteurs locaux engagés dans les politiques pour l'emploi.
Engagées depuis plus de 40 ans dans l'accompagnement des publics jeunes, les missions locales ont fait preuve d'adaptabilité et d'innovation dans la construction locale et de dispositifs renforcés.
Semblablement au dédoublement des missions entre les missions locales et Pôle emploi depuis le déploiement du contrat d'engagement jeunes le 1er mars 2022, cette double tutelle constitue une menace pour le maintien des missions locales pour l'emploi. Qui plus est, l'annonce aux élus de l'union nationale des missions locales (UNML) que l'attribution de l'opérateur en charge du jeune se fera sur le fondement d'un algorithme d'orientation, suscite bien des inquiétudes sur l'éloignement que ce fonctionnement creusera dans l'essentielle proximité de l'accompagnement vers l'emploi.
Il lui demande aussi quelles garanties il pourra apporter à l'autonomie des missions locales, tout en lui rappelant que celles-ci sont l'oeuvre d'une véritable dynamique pour l'emploi poussée par les collectivités.
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Réponse du Ministère auprès du ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion et du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, chargé de l'enseignement et de la formation professionnels publiée le 22/03/2023
Réponse apportée en séance publique le 21/03/2023
M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre, auteur de la question n° 500, adressée à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion.
M. Antoine Lefèvre. Madame la ministre, le programme France Travail Jeunes, que vous avez récemment appelé de vos voeux, suscite doutes et inquiétudes au sein du réseau national des missions locales pour l'emploi.
Ce projet, qui se rattache au chantier France Travail, attendu pour 2024, prévoit de rebaptiser les missions locales sans pour autant maintenir l'exclusivité dont elles bénéficient dans l'accompagnement des publics accueillis.
Les responsables des antennes locales perçoivent cette initiative comme une volonté de l'État de se substituer intégralement à eux sur le long terme, malgré leur forte implication dans les territoires pour aider les publics en recherche d'emploi.
Engagées depuis plus de quarante ans pour l'insertion des jeunes, les missions locales se sont constamment réinventées pour suivre l'évolution des dispositifs d'insertion et fournir une offre sur-mesure, adaptée aux territoires et aux publics ciblés.
Similairement au dédoublement des objectifs entre les missions locales et Pôle emploi depuis le lancement du contrat d'engagement jeune (CEJ) en 2022, cette annonce d'une double tutelle est perçue comme une menace vis-à-vis du maintien des missions locales.
Par ailleurs, les élus de l'Union nationale des missions locales (UNML) avaient accueilli avec perplexité l'annonce selon laquelle l'attribution de l'opérateur chargé du demandeur d'emploi se ferait désormais sur le fondement d'un algorithme conçu pour orienter sa recherche.
Ce n'est autre qu'un moyen supplémentaire de déboussoler encore davantage des publics précaires, isolés pour certains, et pour lesquels il convient de maintenir le lien essentiel de proximité avec le conseiller de la mission locale.
Quelle sera la portée véritable de ce nouveau projet ? Êtes-vous en mesure d'apporter les garanties nécessaires à la préservation de l'autonomie des missions et des moyens de nos missions locales ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Carole Grandjean, ministre déléguée auprès du ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion et du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, chargée de l'enseignement et de la formation professionnels. Monsieur le sénateur Lefèvre, dans le cadre des travaux de la mission de concertation et de préfiguration relative à France Travail, il est proposé, comme vous l'indiquiez, que les missions locales qui le souhaitent prennent l'appellation « France Travail Jeunes ».
Cela ne signifie évidemment pas qu'elles seront seules chargées de l'accompagnement vers l'insertion professionnelle de tous les jeunes. Les missions locales auront pour principal objectif de mettre en oeuvre les parcours des jeunes qui ont besoin d'un accompagnement socio-professionnel global, ce qui constitue un enjeu majeur pour leur insertion.
Les missions locales coélaboreront avec l'opérateur France Travail un projet de feuille de route pour l'ensemble des jeunes concernés sur chaque territoire, sous la gouvernance du comité France Travail, coprésidé par l'État et les collectivités locales. Leur rôle en sort donc renforcé.
L'orientation résultera de l'application de critères partagés, qui permettront aux jeunes de bénéficier d'un diagnostic et d'un accompagnement pertinents. Cela conduira aussi à diminuer la concurrence entre réseaux.
Le contrat d'engagement jeune continuera d'être proposé conjointement par les missions locales et Pôle emploi, les publics étant orientés en fonction des besoins des jeunes et dans le cadre d'un développement des complémentarités et de la coopération sur chaque territoire.
Par ailleurs, avec ce contrat d'engagement Jeunes en rupture, nous souhaitons mieux articuler les interventions des missions locales avec les structures retenues dans le cadre des appels à projets.
Le partage des offres de services, le développement de communs numériques, physiques et méthodologiques ou le soutien à la formation et au partage de pratiques sur les territoires concernés par le projet France Travail s'inscriront dans cette logique de coopération et de complémentarité.
Enfin, l'État continuera d'apporter un accompagnement significatif aux missions locales : une enveloppe de 600 millions d'euros en crédits de paiement leur sera ainsi dédiée en 2023. J'ajoute que les financements alloués à l'UNML ont crû de manière substantielle depuis 2022 dans le but d'améliorer l'animation des missions locales.
M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre, pour la réplique.
M. Antoine Lefèvre. Je vous remercie de ces précisions, madame la ministre.
Étant moi-même depuis plus de vingt ans président d'une mission locale fusionnée avec une maison de l'emploi et de la formation, je sais par expérience que les jeunes, les élus, les partenaires ont besoin de signaux clairs, d'une ligne de conduite simple et d'une prise en charge exclusive au plus près des territoires.
Aujourd'hui encore, près de 150 000 jeunes sortent du système scolaire sans aucune qualification. Ils ont besoin de nous, et ce n'est pas un algorithme qui améliorera leur prise en charge. Alors, s'il vous plaît, faites confiance au réseau des missions locales.
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