Question de Mme GOULET Nathalie (Orne - UC) publiée le 16/03/2023
Mme Nathalie Goulet attire l'attention de M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires sur la réglementation de la profession de géomètre. La loi n° 46-942 du 7 mai 1946 réglementant l'ordre des géomètres instaure un monopole pour la profession de géomètre-expert sur les travaux et études permettant de fixer les limites foncières. Les géomètres topographes peuvent exécuter quant à eux tous les travaux topographiques n'ayant pas d'incidence foncière. Ce régime monopolistique des géomètres-experts est aujourd'hui obsolète, car inadapté aux évolutions technologiques de la profession. Les opérations de bornage sont ainsi devenues moins complexes à réaliser que les opérations topographiques, qui sont pourtant dans le champ concurrentiel. En substance, ce qui est difficile est concurrentiel et ce qui est simple est monopolistique. C'était pourtant l'inverse qui justifiait en 1946 la nécessité d'une réglementation professionnelle des géomètres experts. L'autorité de la concurrence a d'ailleurs par un avis n° 18-A-02 du 28 février 2018 invité le législateur et le Gouvernement à remettre en cause ce monopole, qui s'apparente désormais à un privilège. L'existence de ce monopole affecte directement le pouvoir d'achat des Français puisqu'il entraîne un coût élevé des prestations foncières et un ralentissement des
procédures, les citoyens n'ayant le choix qu'entre 1 700 géomètres-experts sur toute la France. Par ailleurs, l'incertitude de l'étendue du périmètre du monopole instaure un risque juridique majeur pour tous les autres professionnels de la mesure, en particulier les géomètres topographes. Une initiative législative a été déposée en 2015 pour clarifier les activités confiées aux géomètres topographes, mais n'a pas été adoptée, le Sénat exigeant
un échange préalable entre les parties prenantes. Cet échange a eu lieu puisqu'un groupe de travail réunissant des représentants de l'ordre des géomètres experts et la chambre syndicale nationale des géomètres topographes est parvenu à des accords de principe et un projet de réforme. Une initiative législative pour réformer la profession de géomètre est d'autant plus nécessaire qu'un arrêt récent du 29 juin 2022 de la 1ère chambre de la Cour de cassation semble vouloir étendre le périmètre du monopole des géomètres experts aux plans annexés aux actes de copropriété, alors que la même Cour de cassation considère de manière constante qu'il n'existe pas de ligne divisoire au sein d'une copropriété. Elle lui demande donc quelles sont les mesures envisagées par le Gouvernement pour réformer la profession des géomètres et mettre ainsi fin à un monopole qui a perdu sa raison d'être.
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Réponse du Secrétariat d'État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de l'écologie publiée le 05/04/2023
Réponse apportée en séance publique le 04/04/2023
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, auteur de la question n° 501, adressée à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Mme Nathalie Goulet. Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, la profession de géomètre est artificiellement scindée entre géomètres-experts et géomètres-topographes. Les premiers bénéficient d'un monopole instauré par la loi du 7 mai 1946 portant sur les travaux et études permettant de fixer les limites foncières, par exemple le bornage, tandis que les seconds peuvent exécuter tous les travaux topographiques n'ayant pas d'incidence foncière.
Pourtant, cette distinction est manifestement d'un autre temps, la technique topographique n'étant plus celle de 1946, de sorte que les opérations de bornage monopole des géomètres-experts sont bien moins complexes que les opérations topographiques.
Ce monopole passéiste entraîne des conséquences importantes : coût élevé des prestations foncières, procédures ralenties, risques juridiques majeurs pour les autres professionnels de la mesure, au premier chef les géomètres-topographes, au gré de l'interprétation des tribunaux du monopole des géomètres-experts.
L'Autorité de la concurrence ne s'y était pas trompée, en affirmant dans son avis du 28 février 2018 que « réserver les plans ou esquisses annexés aux états descriptifs de division de copropriété reviendrait à [...] accorder [aux géomètres-experts] une rente de situation injustifiée ». Elle ajoutait : « Avec plus de 10 millions de logements en copropriété en France, cela équivaudrait, en moyenne, à réserver à chaque géomètre-expert un monopole sur les plans de plus de 5 000 logements en copropriété. Outre son anachronisme, une telle décision serait totalement inopportune en termes d'efficience économique ».
Madame la secrétaire d'État, avez-vous l'intention de mettre un terme à ce monopole ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Bérangère Couillard, secrétaire d'État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de l'écologie. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, madame la sénatrice Nathalie Goulet, la loi du 7 mai 1946 instituant l'ordre des géomètres-experts reconnaît à cette profession un monopole sur la délimitation des biens fonciers.
En France, la propriété est un droit constitutionnel. En réservant aux géomètres-experts la réalisation des études et des travaux topographiques qui fixent les limites des biens fonciers, le législateur a entendu garantir la protection de la propriété foncière, en confiant sa délimitation à des professionnels spécialement qualifiés et présentant toutes les garanties que la loi impose.
Si le progrès technique a facilité la réalisation des opérations de délimitation foncière, le professionnel engage cependant sa responsabilité sur ces prestations.
Dans son avis de 2018, l'Autorité de la concurrence n'a pas remis en cause le bien-fondé du monopole.
Toutefois, elle a recommandé de préciser la définition légale de ce monopole en matière de délimitation de la propriété foncière, en établissant notamment une liste qui définirait précisément les prestations qui relèvent du monopole et celles qui sont dans le champ concurrentiel.
À cet égard, la jurisprudence de la Cour de cassation du 29 juin 2022 conclut en particulier que la réalisation des plans annexés aux actes de division foncière relèverait du monopole des géomètres-experts. Un tel plan, dès lors qu'il est visé et annexé aux actes de copropriété, peut en effet contribuer à la délimitation foncière.
L'Autorité de la concurrence a été de nouveau saisie par la Chambre syndicale nationale des géomètres-topographes. Le Gouvernement attend ses conclusions avant de statuer.
La profession compte 1 878 professionnels. Les conditions d'accès à la profession ont été profondément assouplies par le biais du diplôme délivré par le Gouvernement. Pour faciliter encore l'accès à la profession pour les géomètres-topographes, des réflexions sont en cours sur un dispositif de valorisation des acquis de l'expérience.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour la réplique.
Mme Nathalie Goulet. Il convient, me semble-t-il, de réunir les professionnels. J'ai sous les yeux plusieurs lettres, notamment de votre ancien collègue Michel Sapin du 10 octobre 2016, ainsi que du ministre de la justice du 21 décembre 2016, qui affirment que la situation n'est plus possible.
À cet égard, je regrette de ne pas avoir déposé un amendement lors de l'examen de la loi portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat. En effet, une telle situation augmente terriblement le coût des documents d'urbanisme. Par ailleurs, elle crée une distorsion de concurrence, les tribunaux ne jugeant pas de la même façon d'un département à l'autre.
Selon moi, la bonne solution consisterait à réunir les professionnels pour essayer d'améliorer une situation qui n'est pas tenable pour les collectivités territoriales.
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