Question de M. MEURANT Sébastien (Val-d'Oise - Les Républicains) publiée le 02/03/2023
M. Sébastien Meurant attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice sur le projet d'implantation d'une prison à Bernes sur Oise.
L'annonce effectuée en mai 2021 par le Premier ministre de l'époque, de l'ouverture d'une maison d'arrêt sur le territoire de la commune de Bernes sur Oise a suscité un vif mécontentement de la part des élus de la ville mais aussi de l'intercommunalité, des communes voisines du département de l'Oise et bien sûr des habitants, compte tenu de la manière dont ce projet a été présenté et de la méthode employée, consistant à remplacer un projet de construction initialement prévu à Belloy en France en le déplaçant à Bernes sur Oise sans effectuer la moindre consultation préalable.
En effet, cette décision unilatérale des services de l'État a été prise dans une urgence rare et sans aucune concertation auprès des élus locaux ou des habitants qui ressentent aujourd'hui un sentiment d'abandon et un manque de considération légitime de la part de la puissance publique.
S'agissant des impacts liés au projet de construction de la maison d'arrêt, ceux ci ont été débattus et votés dans le cadre d'une motion examinée lors d'une délibération prise en conseil municipal s'étant tenu le 25 mai 2021 à Bernes sur Oise. D'autres motions similaires ont, elles aussi, été votées par la communauté de communes du Haut Val d'Oise, et par plusieurs communes du Val d'Oise et de l'Oise.
Ces impacts auront un coût sur les finances publiques de la ville ; la route qui reliera la ville à la future prison en est le parfait exemple. Longue de 2km, elle devra être élargie pour permettre aux convois de circuler jusqu'à la future prison. Le coût et surtout le financement de ces travaux sont inconnus à ce stade. Il en va de même pour les obligations auxquelles la ville fera face prochainement : agrandissement du parc de logements sociaux, augmentation de l'offre de services (école, périscolaire) sans compter le poids financier et les nuisances induites par le redimensionnement des réseaux.
Les impacts financiers, environnementaux, sociaux et sociétaux de ce projet représentent un poids inimaginable pour une commune telle que Bernes sur Oise, et cette dernière n'a pour l'instant reçu que très peu de garanties et aucun engagement financier concret (hausse de la dotation globale de fonctionnement) pour lui permettre de rassurer sa population, ses associations et d'envisager plus sereinement la construction de cette maison d'arrêt.
C'est pourquoi, au vu des inquiétudes exprimées, il lui demande s'il entend prendre en compte les préoccupations légitimes et partagées unanimement par les habitants et les élus locaux de ce territoire.
Il lui demande ainsi s'il peut clarifier au plus tôt les engagements financiers de l'État pour répondre aux impacts concernant : les risques de dévaluation immobilière ; l'augmentation des effectifs et moyens attribués aux forces de l'ordre ; le financement des coûts liés au redimensionnement des réseaux (assainissement, eau, éclairage, routier) ; le financement des coûts liés à la gestion des déchets ; la hausse de la dotation globale de fonctionnement.
Il lui demande enfin s'il peut donner au plus tôt des garanties de l'État pour répondre aux impacts concernant : l'incompatibilité du plan local d'urbanisme (PLU) ; les nuisances sonores liées à l'augmentation des flux routiers ; la continuité des activités de l'aérodrome existant depuis plus de 110 ans ; la continuité des activités agricoles (première activité de la commune) ; la continuité des activités du centre de l'agence nationale pour la formation professionnelle (AFPA) ; l'amélioration de l'offre de soin et en particulier l'installation de nouveaux médecins dans la commune, mais aussi la fin des fermetures de services à l'hôpital de Beaumont sur Oise ; la proximité d'un site SEVESO incompatible avec l'installation d'une maison d'arrêt.
- page 1491
Réponse du Ministère de la justice publiée le 14/09/2023
La concertation préalable au projet de construction de l'établissement pénitentiaire nord-francilien s'est déroulée du 5 janvier au 16 février 2023. Les rencontres ont impliqué 235 participants (visite de site, atelier du personnel de l'AFPA, atelier participatif citoyens, une réunion publique, deux permanences, la visite de l'établissement pénitentiaire de Meaux) et le registre dématérialisé a comptabilisé 37 contributions, 711 téléchargements et 3 074 visiteurs. Le bilan des garants de la commission nationale du débat public (CNDP) remis le 16 mars 2023 (accessible sur le site de la concertation publique : www.concertation-penitentiaire-nordfrancilien.fr) soulève les mêmes interrogations soulevées par cette question. Le 15 mai dernier, l'APIJ a publié sa réponse au bilan des garants ainsi que sa synthèse des observations liées à la mise en conformité du PLU de Bernes-sur-Oise, et le cas échéant, de Morangles (accessible également sur le site de la concertation publique). A titre liminaire, s'agissant du choix du site, celui-ci fait suite à un long processus de recherches foncières initié en 2017. Ce processus de recherches et d'études de site tient compte d'un cahier des charges de recherches foncières et de critères précis, à savoir la superficie et les caractéristiques physiques de la parcelle, la proximité avec les services publics et les partenaires en lien avec l'établissement, l'accessibilité et la préservation de l'environnement. Avant d'aboutir au site privilégié de Bernes-sur-Oise, plusieurs propositions ont été présentées. Par exemple, le site identifié sur la commune de Belloy-en-France, a dû être écarté après des études approfondies car il se situait dans le Parc Naturel Régional Oise-Pays de France, dont les prescriptions locales étaient incompatibles avec le projet immobilier envisagé. Ainsi, chacun de ces sites a fait l'objet d'une analyse multicritères, détaillée en page 31 du dossier de concertation et dans les pages 16 à 21 de la présentation utilisée lors de la réunion publique du 9 janvier 2023 (ces deux documents sont téléchargeables sur le site de la concertation : https://www.concertation-penitentiaire-nordfrancilien.fr/documents?box=4353). Il ressort de ces études que le site de Bernes-sur-Oise, en densifiant un site déjà en grande partie artificialisé, offre le meilleur compromis entre les impacts sur les milieux agricole, naturel et humain. En particulier, le site de Bernes-sur-Oise est le plus éloigné des premières habitations, qui sont situées, à vol d'oiseau, à plus d'un kilomètre du site. Afin de clarifier les engagements financiers de l'Etat pour répondre à certains impacts identifiés, il est à noter que ces derniers et les questions figurant dans la motion adoptée par le conseil municipal de Bernes-sur-Oise a été transmis à l'APIJ dès le mois de mai 2021. De premiers éléments de réponse avaient été apportés aux élus locaux lors d'une réunion en préfecture le 1er juillet 2021 puis lors d'une première réunion publique à Bernes-sur-Oise le 29 novembre 2021. S'agissant de la question de l'évolution des prix de l'immobilier, l'analyse de l'impact de la présence d'un établissement sur le marché immobilier local est complexe. Une appréciation complète du sujet nécessite une vision étendue du marché avant, pendant et après l'implantation de l'établissement pénitentiaire, ce qu'aucune étude ne permet à ce jour d'établir. Par conséquent, le projet ne prévoit pas de mesure de compensation de la dévaluation immobilière. Concernant le renforcement des effectifs des forces de l'ordre, la sécurité, à l'intérieur comme aux abords des établissements pénitentiaires, fera l'objet d'une vigilance particulière. La conception des bâtiments d'hébergement résultant du nouveau référentiel de programmation permet de limiter les échanges entre détenus et/ou avec l'extérieur. Les équipes locales de sécurité pénitentiaires (ELSP) sont désormais compétentes pour sécuriser les abords du domaine de l'établissement. Les modalités d'intervention des forces de sécurité, amenées à interagir avec l'établissement, seront abordées dans le cadre d'une instance de suivi du projet coordonnée par le préfet du Val d'Oise, en lien avec le préfet de l'Oise. En ce qui concerne la desserte routière et l'accessibilité du site, l'APIJ a réalisé, en partenariat avec le conseil départemental, une étude modélisant les évolutions potentielles du trafic routier, avec et sans implantation de l'établissement pénitentiaire. Cette étude montre que certains carrefours (notamment les carrefours de Bel Air et des Quatre chemins) sont déjà aujourd'hui encombrés à certaines heures. Des aménagements seront donc nécessaires pour fluidifier la circulation, indépendamment de la réalisation du projet. Par ailleurs, la voie d'accès au centre pénitentiaire (le chemin du Crouy) devra être élargie pour permettre notamment, du fait de la circulation en double sens, le passage des camions de pompiers. Les modalités d'aménagement de ces carrefours et de ce chemin d'accès, qu'il s'agisse de la solution technique, du phasage ou des financements, sont en cours de discussion avec le conseil départemental du Val-d'Oise et la commune de Bernes-sur-Oise. S'agissant des financements de ces travaux, le principe général est que l'État, en l'occurrence le ministère de la Justice, prenne en charge les travaux de renforcements de réseaux et aménagements de voirie rendus nécessaires par l'arrivée de l'établissement pénitentiaire. Toutefois, le ministère de la Justice ne pourra contribuer au financement du redimensionnement des carrefours qu'au prorata des trafics estimés sur ces infrastructures. Concernant les deux carrefours concernés, l'APIJ demeure dans l'attente, de la part du conseil départemental, d'une proposition argumentée de co-financement et du calendrier prévisionnel envisagé pour la réalisation de ces travaux. Sur la question de l'assainissement, l'Etat apportera la contribution financière nécessaire à l'augmentation des capacités des réseaux et installations à hauteur des besoins générés par l'établissement. La collecte des déchets générés par l'établissement pénitentiaire sera réalisée par des sociétés privées, à la charge de l'établissement. Concernant les nouvelles obligations liées à la hausse du nombre d'habitants enregistrées sur la commune, comme par exemple l'agrandissement du parc de logements sociaux ou encore l'augmentation de l'offre de services (école, périscolaire), le projet n'intègre pas la création de logements de fonction ou de logements sociaux pour héberger les personnels pénitentiaires ou leurs familles car ils seront libres de se loger où ils le souhaitent et sur un territoire largement plus vaste que la commune d'implantation du nouvel établissement ou les communes limitrophes. Le dimensionnement des services publics en lien avec le nouvel établissement relève notamment du comité préfectoral de suivi du projet, réunissant les acteurs locaux sous le pilotage du préfet. Par ailleurs, l'article L. 2334-2 du code général des collectivités territoriales prévoit effectivement que les personnes détenues dans l'établissement pénitentiaire soient comptabilisées dans la population municipale recensée par l'INSEE, et donc dans la population totale retenue pour le calcul de la dotation globale de fonctionnement des communes concernées. Par ailleurs, s'agissant de la mise en compatibilité du PLU de la commune de Bernes-sur-Oise, et éventuellement de celui de la commune de Morangles, les échanges avec les communes concernées sont en cours. Sur ce point, l'APIJ sera amenée à préparer et à mettre en oeuvre une procédure de mise en compatibilité de ces documents d'urbanisme. Concernant les nuisances sonores de circulation, le lien de causalité entre l'augmentation des flux routiers directement liés à l'exploitation du futur établissement pénitentiaire et une augmentation du bruit aux abords ne peut être établi. Une première étude réalisée par l'APIJ, qui alimentera l'étude d'impact versée au dossier de déclaration d'utilité publique, a montré que l'implantation de l'établissement va certes accroître modérément le trafic routier local, mais que celui-ci est déjà engorgé à certains carrefours indépendamment de l'implantation du futur établissement. C'est pour cela que des aménagements de voiries seront à prévoir par le Conseil départemental du Val-d'Oise et la commune de Bernes-sur-Oise. S'agissant de la continuité des activités de l'aérodrome de Persan-Beaumont, certaines règles d'interdiction de survol à basse altitude s'appliquent aux établissements pénitentiaires, notamment afin d'assurer la sûreté de l'établissement. Néanmoins, en réponse aux contributions déposées au cours de la concertation et après échanges entre l'APIJ, la direction générale de l'aviation civile et l'association des usagers de l'aérodrome, un accord formalisé, permettant l'exercice des activités actuelles de l'aérodrome est en cours d'élaboration. A propos de la continuité des activités agricoles, le projet entraînant une consommation de terres agricoles (environ 4 hectares), il fera donc l'objet d'une étude agricole préalable conformément aux dispositions du code rural et de la pêche maritime, afin de déterminer les éventuelles compensations à prévoir en cas d'atteinte à l'économie agricole du territoire. Le chemin du Crouy, qui dessert le site, restera ouvert aux engins agricoles et la continuité des chemins agricoles passant à proximité du site sera maintenue. S'agissant de la continuité des activités de l'AFPA, la construction de l'établissement pénitentiaire nécessitera notamment la relocalisation des plateaux techniques de formation. L'objectif est de réimplanter ces derniers sur site sans diminuer les capacités d'accueil et de formation du centre. Un travail partenarial entre l'APIJ et l'AFPA a été engagé au printemps 2021 afin de définir un scénario de coexistence des deux activités. L'objectif est de développer un partenariat entre l'AFPA et le centre pénitentiaire, portant notamment sur la réinsertion des détenus. Sur l'amélioration de l'offre de soin, l'implantation d'un établissement pénitentiaire implique un redimensionnement des services sanitaires, qui fait l'objet d'un dialogue préalable avec la direction générale de l'offre de soins et sera examiné au sein du comité préfectoral de suivi du projet, en lien avec les services de l'agence régionale de santé (ARS), afin notamment de limiter l'impact de l'ouverture sur l'offre de soins du territoire. Si la prise en charge des détenus par l'hôpital de Beaumont semble à ce stade la solution la plus appropriée, elle sera confirmée lors des discussions avec les autorités compétentes qui se tiendront dans le cadre du comité de suivi du projet. Enfin, concernant la proximité du site d'implantation de l'établissement pénitentiaire avec la plateforme logistique Victor Martinet classée SEVESO seuil bas, l'autorisation environnementale de cette plateforme n'indique aucune incompatibilité avec l'implantation de l'établissement pénitentiaire à 3km, le zonage des risques restant concentré aux abords immédiats du site industriel.
- page 5436
Page mise à jour le