Question de M. SUEUR Jean-Pierre (Loiret - SER) publiée le 02/03/2023
M. Jean-Pierre Sueur appelle l'attention de Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité, sur les termes de sa réponse du 24/11/2022 à sa question écrite n° 00601 publiée le 7 juillet 2022 au Journal officiel. Il y est notamment écrit que « la circulaire du 14 décembre 2009, afin d'apporter des précisions sur la notion de « dispersion en pleine nature » qui ne fait l'objet d'aucune définition juridique, se réfère à la notion « d'espace naturel non aménagé » afin de souligner l'incompatibilité de cette hypothèse de dispersion des cendres avec la notion de propriété particulière ». Or, cette assertion ne saurait découler des termes de la loi. En effet, en premier lieu, le législateur n'a nullement entendu limiter les espaces au sein desquels les cendres peuvent être dispersées aux espaces publics, et n'a donc jamais exclu la dispersion au sein d'espaces constituant des « propriétés particulières » ou des « propriétés privées », dès lors que leur propriétaire a donné son accord. En second lieu, il n'existe aucun lien entre le caractère privé ou public des espaces concernés et le caractère d' « espace naturel non aménagé » dudit espace et la loi ne permet en aucun cas d'établir un tel lien. En troisième lieu, il n'existe pratiquement pas d'espace naturel « à l'état pur » dépourvu de tout « aménagement » et donc dépourvu de marques de l'activité humaine telles que des clôtures, chemins, édifices etc. Or cela n'a jamais été considéré, ni en fait, ni en droit, comme s'opposant à la dispersion des cendres « en pleine nature » - et la loi ne permet en rien d'induire de telles considérations. Il est également écrit dans la même réponse à la même question écrite que « la dispersion des cendres en « pleine nature » a notamment pour objet de garantir la possibilité pour toute personne d'accéder au lien auquel les cendres ont été dispersées, notamment aux fins de recueillement ». Or, là encore, il est impossible d'induire une telle assertion à partir des termes de la loi. En effet, celle-ci dispose non pas que le lieu de la dispersion puisse être accessible, mais qu'il doive être connu, ce qui justifie l'obligation faite aux personnes chargées de pourvoir aux obsèques d'informer la mairie du lieu de naissance du défunt du lieu où la dispersion a eu lieu, afin qu'il y ait une « trace » de celle-ci. Il s'ensuit qu'il n'y a pas à cet égard de différence, au regard de la loi, entre d'une part, les « champs, prairies et forêts » et les jardins. Il apparaît donc à l'évidence que les termes de la circulaire du 14 décembre 2009 relative à la mise en oeuvre de la loi n°2008-1350 du 19 décembre 2008 relative à la législation funéraire ne sauraient se déduire du texte de la loi et excèdent, de manière injustifiée, les dispositions explicitement prévues par celle-ci. Il lui demande donc, à nouveau, à quelle date elle compte modifier ou abroger cette circulaire.
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Réponse du Ministère auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des collectivités territoriales et de la ruralité publiée le 10/08/2023
L'article L. 2223-18-2 du code général des collectivités territoriales (CGCT) dispose que : «A la demande de la personne ayant qualité pour pourvoir aux funérailles, les cendres sont en leur totalité : - soit conservées dans l'urne cinéraire, qui peut être inhumée dans une sépulture ou déposée dans une case de columbarium ou scellée sur un monument funéraire à l'intérieur d'un cimetière ou d'un site cinéraire visé à l'article L. 2223-40 ; - soit dispersées dans un espace aménagé à cet effet d'un cimetière ou d'un site cinéraire visé à l'article L. 2223-40 ; - soit dispersées en pleine nature, sauf sur les voies publiques». Le législateur a donc souhaité distinguer clairement trois cas différents concernant le mode de sépulture à apporter aux cendres, permettant de respecter la diversité des volontés exprimées par les défunts. Dans cette perspective, il est constant que le choix d'inhumation d'une urne est distinct de celui d'une dispersion, le premier ayant pour conséquence la création d'une sépulture, ce qui n'est pas le cas pour le second. Ainsi, dans le cas où un défunt ou ses proches souhaiteraient que les cendres soient conservées au sein d'une propriété privée, il est possible de procéder à l'inhumation d'une urne au sein de celle-ci, sur autorisation préfectorale, en application de l'article R. 2213-32 du CGCT. Une sépulture est alors constituée, grevant la propriété d'une servitude perpétuelle au bénéfice des héritiers du défunt (Cass. Civ., 11 avril 1938 ; Cass., 2ème Civ., 12 octobre 2013, n° 12-23.375). Un accès est donc garanti à la sépulture, un éventuel conflit familial en ce sens pouvant être tranché par le juge judiciaire afin de garantir l'effectivité de l'accès à la sépulture par usage de cette servitude. La dispersion des cendres en pleine nature traduit une perspective différente, qui ne conduit pas à la constitution d'une sépulture mais garantit, par son caractère ouvert, non seulement la localisation des cendres par le biais de la déclaration de dispersion auprès de la mairie du lieu de naissance du défunt, mais également l'effectivité de l'accès au lieu de repos choisi pour les cendres pour les héritiers ou les proches. En effet, en l'absence de la constitution d'une servitude en cas de dispersion des cendres dans une propriété privée fermée au public, celles-ci feraient alors l'objet d'une appropriation privative, dont les travaux parlementaires de la loi n° 2008-1350 du 19 décembre 2008 ont rappelé, dès les premiers débats, la nécessité de l'interdiction. Le Gouvernement n'entend donc pas modifier la circulaire du 14 décembre 2009, qui, par référence aux «espaces naturels non aménagés», garantit, lors des dispersions de cendres en pleine nature, que celles-ci ne peuvent pas faire l'objet d'une appropriation privative, conformément à la lettre et l'esprit de la loi n° 2008-1350 du 19 décembre 2008.
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